jeudi 22 octobre 2015

Aymeric Patricot Les Petits Blancs

         Aymeric Patricot

Référence : Aymeric Patricot, "Les petits blancs, voyage dans la France d’en bas", éditions Plein jour, 168 pages, octobre 2013

« Moi, je peux toujours crever dans mon quartier pauvre. Et plus ça va aller, plus mon quartier va s’appauvrir parce que les bourgeois blancs vont partir et les bourgeois noirs et arabes aussi et il ne restera que les déchets de la France, avec moi dedans. »

Aymeric Patricot, agrégé de lettres, diplômé d'HEC et de l'EHESS, dresse les portraits de ces petits blancs dont il trace les parcours et tente de décoder les discours. « Un petit Blanc, écrit-il, est avant tout quelqu'un qui se perçoit comme tel ou que l'on désigne ainsi. »

            

L’expression recouvre une population hétéroclite comme ce jeune de banlieue qui, « vivant d'expédients, fragilisé socialement, se découvre aussi pauvre que ces minorités qu'on dit occuper le bas de l'échelle », cet ouvrier au chômage, ce paysan parmi les plus pauvres, cette enseignante vacataire qui ne connaît plus que la haine, cet étudiant plein de rancœur surtout quand il voit « tous ces gens que le système aide alors qu'ils lui crachent dessus. »

Son propos s’étend à d’autres situations que celle des immigrés quand il précise que « s'il existe une spécificité de l'expérience de populations récemment immigrées, victimes de discriminations, de difficultés économiques et culturelles, alors il existe, mécaniquement, une spécificité de l'expérience de populations paupérisées et non récemment émigrées. » Il reprend le constat qu’a fait le président Barak Obama dans un discours récent intitulé « De la race en Amérique" : « La plupart des Américains de la classe ouvrière et de la classe moyenne blanche n'ont pas l'impression d'avoir été spécialement favorisés par leur appartenance raciale. »

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Il soutient qu’on ne peut en France entendre ce genre de discours, parler de cette réalité –à part sous forme de polémique- les Blancs « n'ayant d'existence qu'incertaine et même précaire. » En tout cas, les petits blancs ressentent le mépris des riches, ceux qui les rejettent, refusent de leur ressembler, les maintiennent à distance, provoquant « une forme de racisme inversé. » Ils se sentent abandonnés par une grande partie de la classe politique, en particulier par le Parti socialiste qui pense d’abord à la « France de demain, plus jeune, plus diverse, plus féminisée » et deviennent ainsi une proie facile pour Front National.

Paradoxalement, ils sont aussi perçus comme les représentants d’une « rancœur postcoloniale » qui les place du côté des oppresseurs, tout autant que comme les symboles de l’échec, des blancs peu diplômés, isolés sur le plan social, dévalorisés, qui vivent cela comme un double mépris.  

              
Confrérie des Blancs-moussis

Mais petits Blancs et immigrés, contrairement aux se connaissent, se côtoient, « peuvent s'identifier. » Le rappeur Booba par exemple se réfère au chanteur Renaud, symbole culturel du petit Blanc vivant dans sa HLM de banlieue, Booba se sentant  plus proche du petit Blanc que d’un dandy comme Gainsbourg.

Le petit Blanc est en quelque sorte "la face inverse du juif" selon Jean-Paul Sartre, « juif en dépit de ses inlassables efforts pour se fondre dans la masse », alors que le petit blanc « d'aujourd'hui reste anonyme dans un vaste ensemble en dépit d'une expérience qui lui rappelle, chaque jour, à quel point il est particulier. »

Il est alors tentant pour certains de récupérer « son sentiment d'appartenir à une communauté qui exclurait ceux qui le renvoient à sa propre condition. » En ce sens, ce livre participe aussi à cet effort de décrire et donc de mieux reconnaître une réalité qui sinon pourrait se transformer en une véritable haine incontrôlable.



Notes et commentaires

« Aymeric Patricot fait œuvre utile. Il met des paroles sur un fantasme et par là même le dégonfle. "Il dissipe la gêne en éclairant les fantômes", comme il dit. Tous les politiques devraient lire son livre. » Le Point, octobre 2013

« Depuis le milieu des années 2000 une "question raciale" s'est ajoutée à la "question sociale". En d'autres termes, on ne peut plus se contenter d'analyser les rapports dans ce pays en termes de richesses relatives, de pouvoirs d'achat, de relégation sociale… »
Aymeric Patricot, interview au Figaro, décembre 2013

« A droite : "Ils finiront bien par partir ou s'assimiler." A gauche : "Il faut que jeunesse se passe." En fin de compte, étonnante similitude d'inertie.  »
Aymeric Patricot, Autoportrait du professeur en territoire difficile


« Quand je pense à ma mère, je fais toujours trente pompes. Ça m’aide à réfléchir. Pour moi réfléchir c’est surtout clarifier les choses. Du genre : voilà ce qu’il faut retenir, voilà ce qu’il faut oublier. »
Aymeric Patricot, Azima la rouge
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