L'ubérisation, fait économique marquant 2015

Le terme est récent mais il cible une évolution socio-économique qui va sans doute marquer les années à venir et toucher autant les entreprises que leurs salariés. L’irruption dans les circuits de distribution de nouveaux acteurs à partir de plates-formes internet ou d’offres smartphone remet en cause des situations socio-économiques qui passaient pour immuables.

Si le symbole en reste la société californienne Uber devenue rapidement le leader mondial de la commande de voitures avec chauffeur et la bête noire des chauffeurs de taxis, cette technique s’est diffusée à bien d’autres secteurs. Ces nouveaux intermédiaires s'appuient d’abord sur d’importants capitaux fournis par des fonds de capital-risque qui leur permet de rester déficitaires pendant plusieurs années en cassant les prix pour se développer rapidement et laminer la concurrence.

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Comme pour l’informatique, personne ne sera épargné

Ils pourront alors "faire la loi" dans leur domaine et augmenter progressivement leurs prix. Cette stratégie est complétée par le processus bien connu maintenant de faire prendre  en charge aux clients une partie des prestations pour faire des économies et d’organiser leurs circuits financiers de façon à pouvoir "exfiltrer" leurs bénéfices  dans des paradis fiscaux. Processus de désorganisation économique qui va se propager au rythme des délocalisations dans une dynamique de mondialisation des rapports économiques.

Ce processus va toucher de nombreux secteurs comme aujourd’hui la livraison de paquets, les transports ou les services à domicile, comme demain les services juridiques [1], la publicité, les prêts ou la santé [2] ; tous les professionnels en ligne ou intermédiaires de ce qu’on appelle "l’économie participative" qui mettent des particuliers en relation. 

Reste que ces nouveaux venus posent beaucoup de problèmes aux structures traditionnelles qui n’admettent pas qu’ils faussent la concurrence en payant beaucoup moins de charges sociales et prennent beaucoup de liberté avec le code du travail. En fait de nouveauté, on revient ainsi à quelque chose qui ressemble furieusement au travail à la pièce

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Comment l'économie collaborative fait bouger les lignes des entreprises ?

 
Quelles réponses à cette situation nouvelle ?

Même si les conséquences de cette situation ne sont pas quantifiées, on sait qu’elle est génératrice de destruction d’emplois, autrement dit,"l’ubérisation" supprime plus d’emplois qu’elle n’en crée, ceci sans prendre en compte le niveau ou la qualité de ces emplois, ce qui est un autre problème. La première réponse consiste à constater que les secteurs concernés n’ont pas évolué spontanément et qu’il s’agit de profiter de cette concurrence pour qu’ils se remettent en cause et ainsi stimuler l’innovation.

C’est la position d’hommes comme le patron de Publicis Maurice Lévy qui est à l’origine du vocable "ubérisation" en décembre 2014. Par exemple, la concurrence a obligé les taxis parisiens à faire des efforts dans l’accueil de la clientèle et d’une façon générale dans le service offert. Effet positif dans la mesure où l’offre est obligée de s’adapter au consommateur, de réagir quand positions dominantes et positions installées dans le confort de la routine sont menacées par les évolutions.

     

Le problème de la régulation du marché

La question essentielle qui est toujours abordée lors des discussions ou des manifestations réside dans la difficulté d’édicter un code de régulation. 
« Il faut que tout le monde joue avec les règles identiques : pour que la concurrence soit efficace, il faut qu'elle soit loyale », avec des conditions de travail et fiscales comparables, et « c’est donc le rôle des  pouvoirs publics de réguler le marché » estime Pierre-Jean Benghozi, économiste spécialiste de l’économie numérique.

Pour éviter de trop graves distorsions, le ministre de l'économie Emmanuel Macron devrait inscrire des éléments de réponse dans la prochaine loi sur les "nouvelles opportunités économiques". Autre situation évoquée par le ministre : À tous ces gens sans travail qui ne trouvent pas de place dans le système, "l’ubérisation" offre une solution alternative, en particulier aux jeunes sans qualification.  

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Aspects social, économique, technologique


Concept élargi de l’ubérisation

En fait, les mécanismes de ce qu’on appelle par simplification l’ubérisation, fonctionnent dans tous les secteurs de l’économie, certains étant déjà touchés, d’autres encore préservés pour un temps. Les plus atteints par le phénomène étant le tourisme, la finance, les assurances, l’immobilier et la distribution.   

L’analyse de leur fonctionnement permet de comprendre la stratégie des nouveaux entrants et de trouver des réponses adaptées à telle ou telle situation. Trois dimensions essentielles caractérisent leur stratégie : Le même métier mais fait de façon différente ou cœur de métier différencié (Le core business), une relation en tant qu’intermédiaire (l’intermédiation) et les usages nouveaux (Over the top sectorielles) 


Les 3 dimensions stratégiques
[3]


* Dans "le même métier fait autrement", les nouveaux venus récupèrent la manière de faire (usage et expérience) des entreprises du secteur en supprimant les conventions établies. Ceci leur procure des avantages compétitifs importants (nouveaux usages, différentiels technologiques, actions rapides…) dont le modèle est justement la société Uber.
* Dans l’intermédiation : Les nouveaux venus offrent aux clients des services nouveaux ou avec une meilleure qualité. Leur stratégie média leur donne un gros avantage en termes de service innovant dont le modèle est la société Booking.
* Dans les usages nouveaux, les nouveaux venus se positionnent au voisinage du cœur de métier, apportant des services  rendus possibles avec les technologies actuelles, des services connectés bien maîtrisés. Ces nouveaux acteurs dont le modèle est Tripadvisor, donnent des possibilités supplémentaires dans la gamme de l’offre-clientèle.

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Cette analyse permet de définir un type de réaction globale adapté à la situation qui se présente. La réponse à l’intermédiation, nécessairement rapide à court terme, doit permettre d’occuper le terrain en étant souple et réactif, en se centrant sur l’ensemble des usages qu’en attend la clientèle. Si la concurrence vise le cœur de métier en se modulant sur le long terme, il faut absolument identifier ses propres manques, optimiser le process clients et le positionnement de son image. Enfin, s’il s’agit de nouveaux services offerts, il faut chercher des partenariats innovants et complémentaires.

Quelle que soit la situation à laquelle l’entreprise doit faire face, elle ne peut plus se contenter de réactions a posteriori (quand il est souvent bien tard) ou de contre feux de type législatif ou réglementaire, même s'ils sont nécessaires pour définir les règles du jeu économique. [4] Le rôle des dirigeants sera d'être de plus en plus réactifs par rapport au marché et aux innovations (d’abord technologiques mais pas seulement), de mettre en place des veilles technologiques pour éviter d'être pris de cours et d’accompagner les innovations par une véritable stratégie de développement pour éviter de s’apercevoir un jour que l’entreprise est "en retard d’une guerre".

         

Notes et références
[1]
 
Voir Thierry Wickers, "La grande transformation des avocats", éditions Dalloz, 344 pages, 2014
[2]  Voir l'article de la Lettre de Galilée" L'ubérisation de la santé est en marche"
[3]
D'après l'article de Jérôme Wallut "Accompagner la transformation digitale des entreprises et de leurs équipes dirigeantes".

[4] Laure Belot, "La déconnexion des élites. Comment Internet dérange l'ordre établi", éditions Les Arènes, 306 pages, 01/2015

Voir aussi mes articles :
* A propos de l'économie... et des économistes --
* Big brother piégé à son tour -- Routes de la soie & mondialisation --
* La Fed : taux et perspectives -- L'ubérisation --


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