Amos Oz
Référence : Amos Oz, "Scènes de vie villageoise", éditions Gallimard, collection Du monde entier, 208 pages, 2010 [1]

« Tel un rêve dont les neuf dixièmes sont cachés et seule l'extrémité est encore visible... »

Les relations familiales, amicales ou de voisinage constituent l'univers littéraire d'Amos Oz qu'il décline livre après livre depuis son entrée en littérature. Il sait cependant se renouveler, déclinant son œuvre en contes et romans, essais et réflexions d'essence auto­biographique comme Une histoire d'amour et de ténèbres ou recueils de nouvelles.


Cette présentation de son recueil "Scènes de vie villageoise" est complétée par un résumé succinct de trois autres textes d'Amoz Oz : "Entre amis", "Vie et mort en quatre rimes" et "Comment guérir un fanatique ?"

Tel-Ilan, village centenaire fondé par les pionniers bien avant la création de l’État d’Israël comprend une communauté villageoise paisible, des paysans qui vivent surtout de la vigne et de vergers. Mais cette douce torpeur est bientôt bousculée par les gens venus des villes, très nombreux pendant le Shabbat, entraînant désagréments et spéculation immobilière.

Pessah Kedem, ancien membre de la Knesset, est plutôt inquiet pour sa fille Rachel qui héberge dans l’annexe au fond de la cour un étudiant arabe. Mais il est également sûr qu'on creuse sous sa maison la nuit. Dans ce climat spéculatif, un agent immobilier Yossi Sasson lorgne sur la maison d'un certain Batya Rubin, une des plus vieilles du village.

Dans le village, les destins s'entrecroisent comme ceux de Kobi Ezra, paralysé par sa timidité pour séduire la bibliothécaire du village, le médecin Gili Steiner qui attend l’arrivée de son neveu Gideon, Béni le maire, sceptique quand il reçoit une note sibylline de sa femme où sont tracés ces mots : « Ne te fais pas de soucis pour moi. »

              

Ces huit nouvelles imbriquées dressent un paysage complexe des relations et des liens tissés dans cette société villageoise prise dans un réseau social et relationnel qui suscite les passions, les doutes et les joies. Servie par un style parfois plus tendre, parfois plus nerveux, la trame narrative transcrit bien le caractère universel de la condition humaine.

"Entre amis"
Ce recueil de huit nouvelles paru en 2012, rappelle "Scènes de vie villageoise" par son climat et sa trame narrative. À Yikhat, la société israélienne aussi a évolué et là aussi, il est question d'amour et de désir mais la grande différence, c'est que dans un kibboutz, on n'est jamais seul.
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« Au début de la fondation du kibboutz, écrit-il, nous formions une grande famille. Bien sûr, tout n'était pas rose, mais nous étions soudés. Le soir, on entonnait des mélodies entraînantes et des chansons nostalgiques jusque tard dans la nuit. On dormait dans des tentes et l'on entendait ceux qui parlaient pendant leur sommeil... »

"Vie et mort en quatre rimes"Au-delà de la trame narrative et de ses rebondissements, Oz entreprend une réflexion sur l'imbrication du public et du privé, surtout dans la vie d'un écrivain et les malentendus qui le guettent. Face au public, son esprit vagabonde sur la scène d'un centre culturel lors d'une soirée qui lui est consacrée, il anticipe les questions si prévisibles du public.

Dans les visages aperçus dans le public, il voit un grand destin ou simplement une petite histoire d'amour... mais la réalité revient sous les traits de Rochale Reznik lisant de façon expressive des extraits de son dernier livre…

"Comment guérir un fanatique"
Pour Amos Oz comme pour ses compatriotes et tout citoyen du monde, le fanatisme, et plus encore sous la forme du terrorisme, obsède un monde déboussolé par cet ennemi invisible, sans savoir comment répondre à cette mise en cause de notre modèle de société.

Dans ce Proche-Orient sous pression, Amos Oz a toujours été un homme engagé et dans les trois textes de ce recueil ( dont Aidez-nous à divorcer ! déjà publié), il essaie d'avoir une position "dépassionnée" pour répondre à ce défi. À partir de son parcours personnel, il définit les conditions sur la nécessité de se mettre à la place de l'AUTRE, de comprendre sa mentalité et ses enjeux, en utilisant ses propres armes, le pouvoir des mots, du rire, de la fiction, comme contribution à la lutte contre le fanatisme.
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Notes et références
[1] Plusieurs de ces nouvelles ont été reprises dans un autre recueil intitulé "Chanter et autres nouvelles" paru chez Folio en 2014