Référence : Philippe Djian, "Dispersez-vous, ralliez-vous !", éditions Gallimard, collection Blanche, 208 pages, mars 2016 [1]
« La réalité se charge de vous remettre à votre place. » Philippe Djian
Myriam, adolescente très introvertie, vit avec son père, agent immobilier que sa femme a quitté et qui se donne entièrement à son travail, est confrontée au suicide d’une voisine, vision terrible d’une femme retrouvée nue, la langue violette. Et son frère Nathan n’est pas étranger à cette situation.
Myriam, adolescente très introvertie, vit avec son père, agent immobilier que sa femme a quitté et qui se donne entièrement à son travail, est confrontée au suicide d’une voisine, vision terrible d’une femme retrouvée nue, la langue violette. Et son frère Nathan n’est pas étranger à cette situation.
Yan un homme d’une quarantaine d’années arrivé depuis peu dans leur quartier devient son premier amant. Elle se sent alors une adulte, se marie avec Yan, accouche d’une petite Caroline mais sans vraiment éprouver de sentiment maternel. Quand elle retrouve son frère et sa mère perdus de vue depuis longtemps, revenus pour se disputer l’héritage paternel, elle met le feu à la maison familiale.
Cette trame, apparemment assez banale d'une famille pauvre et déstructurée, cache en fait des couples qui se cherchent, dans une grande confusion des sentiments, dans un climat d'amants, de maîtresses et de drogue. Reste le mystère Myriam qui par son mariage avec un homme mûr, s'est émancipé violemment d'une famille qu'elle rejette mais on peut se demander quel est le prix à payer d'une telle séparation, quelles fractures elle cherche à cacher sous son désir d'intégration ?
« Essayons de rendre ce monde un peu meilleur. Un peu plus lumineux et un peu plus clair. » Philippe Djian( interview) [2]
Les relations familiales -entre parents et enfants, entre frères et sœurs-, les rapports conjugaux ressemblent à un labyrinthe complexe suscitant des sentiments contrastés, mêlant l'attachement aux querelles, à la colère, la culpabilité, « ces forces contre lesquelles on ne pouvait pas lutter et qui rendaient nos existences si complexes, nos élans si imprévisibles, si imperméables à la raison » commente Myriam avec lucidité. Elle parvient difficilement à tirer un trait sur une jeunesse marquée au sceau de ces « années sourdes et blanches, de ces journées où rien n'arrivait, où je ne voyais personne [...], de nos repas silencieux, de la poussière qui retombait faiblement, de la lenteur des saisons, de l'indifférence, de l'immobilité. »
On retrouve ici des liens familiaux confus, interrompus, négatifs souvent, des "parcours fouillis", comme je l’écrivais à l’occasion de la parution de son autre roman « Oh », prix interallié 2012 : « C’est bien la question du lien que Philippe Djian aborde ici, lien inter familial d’abord, entre rupture et lien indéfectible, des parcours chaotiques comme celui de ce père meurtrier soutenu par sa femme, rejeté par sa fille… »
«
Le ciel est sombre, c'est vrai. Ou plutôt orageux. Quand il se déchire,
il y a des lumières. Ce n'est jamais complètement noir. » Philippe Djian (à propos de "Vengeances")
En matière de style, certains ont reproché à Philippe Djian de trop utiliser le procédé de l'ellipse narrative,
omission d'une séquence temporelle, qui a cependant la vertu de donner
plus de tonus au récit en occultant des épisodes qu’il a sans doute
jugé non significatifs ou non indispensables à la compréhension de la
séquence.Cet ouvrage comme le suggère Télérama « peut se lire comme le roman d'apprentissage qui verra Myriam s'extraire de l'asthénie affective et morale — sous le regard indéchiffrable mais terriblement insistant des animaux du jardin zoologique voisin. »
Commentaires et critiques
« Djian écrit comme on frotte une allumette sur le soufre de la boîte. […] Ses personnages affichent la gueule cassée de leurs âmes. Ce sont des saints maudits, en errance sur terre, consumés d'eux-mêmes. » Le Parisien 3/03/2016
« Un roman teinté d'une souterraine mélancolie… porté par une écriture plus épurée que jamais, et magistralement rythmé par cet art de l'ellipse et du montage nerveux que Philippe Djian peaufine de livre en livre. » Télérama, Nathalie Crom, 7 /03/2016
Notes et références
[1] « Dispersez-vous, ralliez-vous ! », ce titre est un vers d'Arthur Rimbaud tiré du poème "les Corbeaux".
« Sur les routes aux vieux calvaires/Sur les fossés et sur les trous/Dispersez-vous, ralliez-vous ! » s'exclame le poète s’adressant aux "funèbres oiseaux noirs" ».
[2] Voir l'interview du Nouvel Observateur.
Voir mes fiches sur Philippe Djian :
- Philippe Djian, "Impuretés" -- Philippe Djian, "Oh" (prix Interallié 2012) --
- Philippe Djian, Chéri-Chéri – Philippe Djian, Sotos --
Voir aussi :
* L'Express : Djian vide son sac...
* Autre site : Vers chez les blancs -- Vengeances -- Incidences -- Love Song --
< Christian Broussas – Djian, Myriam - 15 mars 2016 -© • cjb • © >
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