vendredi 11 mars 2016

Bernard Clavel Tableaux


Sommaire
- Bernard Clavel, un gars de Lons
- Au fils de l'eau entre Vernaison et Lyon
- Je revois Vernaison
- Bernard le Goncourt
- Bernard la colère
- Bernard la bougeotte
- Où la réalité rejoint la fiction
- A Courmangoux, les années 2000
- Dernier tableau


Bernard Clavel, un gars de Lons

[Un voisin, avec l’accent jurassien ?]
Le Bernard Clavel, c’était un p’tit gars de Lons. On croit qu’il est de Château-Chalon, du côté du cirque de Ladoy, mais non, c’est un … comment dit-on ? 

« … Ah, comment dit-on déjà, un "lonsonien", non, un "londonien"… c’est un anglais alors, ah non, il n’a pas une tête d’anglais… comment dites-vous, un "lédonien" : peut-être bien… oh, londonien ou lédonien, c’et pareil ! »

- Oui, je me souviens, c’était un p’tit gars qui ne parlait pas beaucoup. Il préférait lire Les Contes du lapin vert de Benjamin Rabier, une espèce de bande dessinée de l’époque.
Quand je l’ai connu, c’était un p’tit gars avant de devenir un grand costaud. Il tenait de son père qui dans sa jeunesse, avait pratiqué l’haltérophilie comme le Bernard le fera à son tour, qu’on retrouve dans son roman L’Hercule sur la place. Ah pour ça oui, quand je l’ai revu bien des années plus tard, revenu un jour revoir son école… oui, oui, revenu sur les lieux du délit…le p’tit gars de Lons… tout ému et nostalgique…

Ah pour ça, un super costaud… quand on dit que la littérature ne nourrit pas son homme… Il est vrai qu’elle en a mis du temps avant de le nourrir… que d’heures à suer devant sa page blanche pour trouver son style, pour peaufiner ses histoires… que de temps passé de Vernaison à Lyon, de la région parisienne (Chelles et Brunoy), de Château-Chalon, de bien d’autres encore, pour être enfin reconnu.

Il avait quelque chose de Ferdinand Bringuet, le personnage de La retraite aux flambeaux ( p 15)
« Ferdinand Bringuet (71 ans) doit mesurer pas moins d’un, mètre 90 et peser un bon quintal. Des épaules lourdes et tombantes avec un cou qui s’élargit dès la base du crâne. Presque pas de ventre, des bras énormes emmanchés de poignes épaisses et larges, aux doigts spatulés dont les ongles déformés sont striés de brun.» 

« Son gros visage semble sculpté dans la brique...  »
 
Bernard Clavel, de Kid Léon à la préface des Cerdan ou les sports nautiques de Pirates du Rhône, Le Tambour du bief ou La Guinguette, a toujours été attiré par le sport, d’où cette citation tirée de la biographie de Michel Ragon (page 20) :
« C’est un sportif. Il aime lutter, tester ses limites… Vers ses 18 ans, Clavel fit le championnat de France junior des poids et haltères puis pratiqua la boxe et le judo et plus tard, les sports nautiques. »


Ce n’était pas la peine d’habiter comme moi dans la rue des écoles parce que je peux vous le confirmer, l’école ce n’était pas son truc au fils Clavel, rester enfermé à écouter sagement l’instituteur, les bras croisés derrière le bureau (c’était ainsi à l’époque, si, si…), pas fait pour l’école ce gars-là, toujours à rêvasser, la tête dans les nuages ou dans le chêne têtard du jardin de son père, à s’identifier aux histoires que lui contait sa mère, à songer aux anecdotes de son père.
Dans son livre de souvenirs Écrit sur la neige, il dit  « Je suis né sensible, j’ai été élevé par une mère qui l’était, par un père secret… notre entourage d’artisans raconteurs d’histoires m’a impressionné»

Et ce penchant se serait plutôt affirmé :
« Je ne suis ni triste, ni gai mais très rêveur.  […] J’ai toujours marché…  en me racontant des histoires » a-t-il dit de lui… c’est dire s’il était lucide ;Car pour lui, « Aucun livre n’a le poids du silence des êtres qui m’ont entouré, aucun n’a cette force, cette générosité. »
« Pour mon père, chaque objet avait son histoire ? Je les ai si souvent entendues que je pourrais les raconter… »

 
Jeunesse qu’il évoque dans
Bernard Clavel, qui êtes-vous ? (Rivard,  p. 10-14):
« Le soir, mon père évoquait le temps d’avant la Premier guerre, son métier de boulanger, ses tournées avec le cheval… ses amis artisans ou vignerons. » « Parfois, mon père me racontait une vieille légende de notre pays comtois. La pénombre se peuplait alors de personnages fabuleux. »

 Ah, sa mère aussi fut une conteuse hors pair, jamais en veine d’histoires devant les voisins ou pendant une veillée comme ça se faisait encore, c’était bien la fin d’une époque, empreinte pour lui d’une grande charge nostalgique…des histoires hors du temps, pleines de personnages hors du commun, d’animaux mythiques comme cette fameuse vouivre qui l’a tant fasciné et qu’il retrouva dans une nouvelle de Marcel Aymé.
Marcel Aymé fut aussi un drôle de paroissien, pas étonnant qu’ils se soient bien entendus ces deux là, des dolois d’adoption particulièrement attachés à la région.

« Les années de paix baignées par les eaux vives de la Loue, le miroir étincelant du Doubs, le calme du Canal aux ombres pleines de mystères. » (Le soleil des morts, page 528)

Il a beaucoup aimé Dole et sa région où, chaque année, il passait ses vacances chez sa tante Léa et l’oncle Charles Mour. C’était le pays de sa mère, ce dolois qu’il a chanté par la suite, la forêt de Chaux et le village de La Vieille Loye où il situera sa saga jurassienne Les Colonnes du ciel ou l’histoire d’Antoine, l’infirmier du Tambour du bief.

Témoin cette partie de pêche avec l’oncle Paul qu’il raconte dans Au bonheur de l’eau, reprise ensuite dans Le Soleil des morts :
Bernard est en vacances à Dole chez son oncle Paul, ils vont pêcher dans la Loue vers Ornans et son oncle l’avertit : « Ne te fie pas au beau temps, il va se gâter et la rivière va monter noyant la petite île ; donc pas question d’y aller. » Bien sûr, sitôt que l’oncle a le dos tourné, Bernard file pêcher sur l’île et bien évidemment le temps se gâte rapidement. L’eau monte. Saisi d’angoisse, il se réfugie en hâte dans un peuplier.


La Loue est traîtresse, elle monte vite quand le temps s’y prête. Connaissant l’animal, l’oncle Paul revint en barque et finit par le récupérer : « Tu vois, lance mon oncle, ce que tu fais faire avec ta désobéissance. » Penaud, il répond : « Tu le diras pas à ma tante que j’ai désobéi… on ne me laisserait plus venir en vacances chez toi... » Sachant très bien le 
plaisir que prenait l’oncle de passer des vacances avec son neveu.
Futée la petite tête de bourrique de Bernard !

J'vous dis qu'il tient ça de sa mère, toujours à rêver ici ou là perché sur son arbre pendant que son père s’échinait à ses pieds, dans ce jardin qui était tout son univers, ferraillant contre des ennemis imaginaires comme il combattait tel Don Quichotte des moulins sifflant dans l’espace à la manière de méchantes soucoupes volantes que le héros devait absolument détruire.


Popi et l’eau du jardin (Au bonheur de l’eau)
Popi
, jeune handicapé,vient parfois aider le père de Bernard au jardin et se désaltère à la pompe au fond du jardin, alors que normalement, c’est interdit. Ses parents ont sermonné le jeune Bernard : « Si tu bois cette eau, tu deviendras tordu comme Popi. » Peine perdue, il finit par goûter à l’eau défendue mais pris de peur, il avoue tout à sa mère, étonnée de sa réaction. Mais, s’apercevant qu’on lui a menti, il apostrophe sa mère… il n’en recevra pas moins la correction de rigueur.
La morale est sauve.

Donc, Bernard avait tendance à "se laisser vivre" dans sa classe, plutôt au fond pour mieux regarder par la fenêtre… pas vraiment un exemple… Ah, ah, j’le vois pas avec sa statue sur la place du village… la gueule qu’il ferait, j’aimerais voir ça ! Pas question non plus d’accrocher la légion d’honneur à son veston… ah c’est vrai, il n’avait pas de veston… c’est peut-être pour cette raison qu’il l’a refusée cette légion d’honneur… et même deux fois… ah, quelle tête dure ce Bernard, tête de jurassien… vous parlez d’un bel exemple…

Y’en avait un autre dans le quartier qui planait autant que lui, un nommé Paul Émile Victor... non, non, ils n’étaient pas trois, c’était son nom. Bernard était encore tout gosse à l’époque quand il prit la lubie à ce Paul Émile Victor d’aller jusqu’au Groenland voir là-bas si j’y étais. Ah si vous aviez vu Bernard comme il était fasciné par les préparatifs de l’expédition, combien il piaffait et s’en voulait de n’y pouvoir participer. Ah comme il a dû rêver des exploits de son héros !

Ainsi, le rêve pouvait devenir réalité et l’utopie prendre le pouvoir ! Sapristi, quelle découverte pour le jeune Bernard ! Paul Émile Victor en était l’exemple vivant, le plus accompli. A son retour, la voisine de Bernard, Ninie Seguin (la fille du cordonnier) l’emmena à une conférence qu’il donnait sur son expédition et, bien sûr, il en revint les yeux pleins d’étoiles.

Après cet épisode, ses délires oniriques prirent un autre tour : il se persuada d’être un grand artiste peintre incompris… et encore inconnu. Première fautive : la tante Léa (celle de Dole) qui eut l’idée lumineuse de lui offrir une boîte de couleurs pour un anniversaire. Second responsable : Roland Delbosco, un jeune peintre qui habitait dans le quartier, prit Bernard sous son aile et l’entraîna ensuite à Vernaison où il s’était installé.
 

« Quand la soif d'enfance devient trop forte, que faut-il faire ? S'en raconter une autre, plus conforme peut-être à celle de nos rêves, plus imprégnée sans doute d'imaginaire que de réel. Et qui, pourtant, fera revivre des êtres endormis sous la dalle glacée des années mortes. »
(Quand j’étais capitaine, 1990)

Au fil de l’eau : entre Vernaison et lyon 

Bernard Clavel, oh je l’ai bien connu à Vernaison où il est bien resté une dizaine d’années. Oui, on a été quelques-uns, habitant sur les rives du Rhône au sud de Lyon à fréquenter et à sympathiser avec ce grand gaillard sans façons qui fut tout de suite adopté. Un drôle de gars toujours là pour donner un coup de main –en ce temps on traversait le Rhône en barque et par gros temps, c’était une expédition.

À Lyon, confronté à ce fleuve qui lui apparaît alors comme le symbole de la force, de la puissance ainsi qu’il le décrira dans Le Seigneur du fleuve, il dira être « certain que dès ce jour-là, le Rhône est entré en moi. »
Mais je ne me suis pas présenté : Je m’appelle Paul Beaupoux et je ne sais pourquoi –avec les artistes, il ne faut pas trop chercher à comprendre- il s’est inspiré de ma vie pour écrire son roman Le Tambour du bief qui, je ne sais pas pourquoi non plus, se déroule à Dole et ses alentours, alors que l’histoire d’Antoine, des joutes nautiques, le braconnage avec le Grand Manu, tout ça vient d’une transposition de la vie d’ici, à Vernaison au bord du Rhône.

Remarquez, il s’est bien rattrapé le Bernard : après Pirates du Rhône, il a aussi brossé un beau portrait de notre vie dans un autre roman La Guinguette.
Oh, il ne roulait pas sur l’or le Bernard, prenant les petits boulots qu’il trouvait avant d’aller ensuite travailler à Lyon. Gagnant sa vie le jour, écrivant pendant la nuit, se désignant lui-même comme L’Ouvrier de la nuit. 

« J’ai passé l’essentiel de mon temps à poursuivre des chimères. C’est je crois, ce qui a rendu la vie si difficile à mes proches. » L’ouvrier de la nuit

Quand il ne jardinait pas (comme son père à Lons), il filait dans son cabanon bricoler un morceau de bois –quel respect il avait pour le bois, il disait qu’on pouvait le faire chanter-, il allait aussi à la pêche, pas toujours légale, comme il l’a raconté dans son roman Pirates du Rhône, et surtout, surtout, il se plantait au bord du Rhône des heures entières avec son attirail et regardait, admirait, fasciné par les eaux remuantes, coulant en profondeur, s’infiltrant entre les racines, s’enfonçant dans les talus des berges, et peignait, peignait inlassablement jusqu’à épuiser ses couleurs.

Il connut aussi un amateur d’art qui habitait le village de Loire sur Rhône du côté de Vernaison, Louis Mouterde qui lui fit découvrir la peinture de l’école lyonnaise et dont l’histoire servit de  thème à son roman Les Roses de Verdun.

Ah, la peinture, première maîtresse exigeante qui le torturait tant quand il s’acharnait à capter les myriades de reflets que dégageaient les eaux du Rhône quand le soleil venait les lécher ou que les nuages jouaient sur la fluidité de l’air et la réfraction de la lumière. 

Souvenirs de Maryse Vuillermet
Sur les berges du Rhône, l’un des sentiers passe par la rue du Port Perret Clavel a habité en 1945, marchant de son grand pas de montagnard. […]


C’est là qu’il s’est installé avec sa jeune femme Andrée, menant la vie des mariniers, des pêcheurs et des jouteurs, « un univers d’eau qui l’avait séduit. Il a toujours eu des passions dévorantes, c’est comme ça qu’il fonctionne, par grandes brasées de passion, par vagues d’amour. »

Peine perdue, le Rhône lui échappait, jamais il ne pourrait égaler les patientes recherches d’un Claude Monnet, jamais approcher le geste ample et sûr du maître. C’est alors qu’il passa du pinceau au stylo. Est-ce cet aveu quand il dit « enfant, j’ai vécu dans une maison sans livres et sans électricité, » ce manque qui l’a conduit vers l’écriture, combiné à une imagination débordante à déverser sur le papier ? 

«
 L’eau me fascine. Plus l’obscurité s’avance, plus elle ressemble à un énorme reptile dont les écailles de feu miroitent encore entre les branches. »


Toujours à bâtir des châteaux en Espagne, à tirer des plans sur la comète… et je t’écris, et je t’écris, et je t’en noircis des pages et des pages, toujours à s’adonner à ses marottes ; et les marottes, ça nourrit pas sa famille…

Autre passion qu’il traîna derrière lui où qu’il soit : le bois avec ses nombreuses essences, ça sent bon, ça déploie ses couleurs, ça étale ses veinures, même le bois mort a son "charme", tout ce qui lui rappelait les belles forêts franc-comtoises qui grimpent dans les reculées ou s’étendent au loin comme la fameuse forêt de Chaux vers Dole. Tout avait commencé avec le Père Vincendon, un ami de son père à qui il a rendu hommage dans une nouvelle, qui habitait dans son quartier à Lons, un luthier amoureux du bois, celui qui disait en fabriquant ses instruments de musique, qu’il faisait « chanter le bois ». C’est lui l’auteur de « l’arbre qui chante », qui lui a refilé le virus. Ah le bois, il peuple son œuvre et il lui a consacré deux albums intitulés Arbres et Célébration du bois dédié à son fils Gérard.

Je revois Vernaison…
Le gaillard s’installe donc à Vernaison où il est rapidement chargé de famille, père de trois beaux garçons. Avant que cet avaleur de forêts n’attrape la marotte de l’écriture, le vertige de la page blanche, il ne voyait la vie qu’en couleurs. Un beau jour, il fit donc son (maigre, bien maigre) baluchon pour aller barbouiller ses toiles en barbotant dans les eaux du Rhône, dans ces lônes, zones faites d’eau et de terre, d’arbrisseaux et d’épineux qui vous gratouillent les mollets ! Et cette vieille baraque qu’il louait… Au bord de l’eau, ah ça, pour être au bord de l’eau, on n’pouvait pas faire plus près… une vraie Marina… Et bien sûr, inondable à souhait la masure. Chaque hiver ou presque, à l’époque antédiluvienne d’avant les barrages, il fallait dare-dare déménager tous les meubles à l’étage quand le Rhône grondait et montait –à l’époque il montait vite le bougre- on se ravitaillait, on se déplaçait en barque comme dans son roman Tiennot sur son île aux Biard.

Drôle d’exemple, n’est-ce pas ! Toujours le pinceau à la main, car il se rêvait déjà grand peintre le Bernard, le frustré qui avait raté les Beaux-arts à Lyon, avec ce Delbosco qui lui avait monté le bourrichon. Comme le pinceau était trop lourd, il l’a troqué contre une plume… voilà comment on devient écrivain. Vous parlez d’une vocation ! 

L’ouvrier de la nuit, préface
« Je revois Vernaison, les rives du Rhône encore sauvages, la véranda où j’écrivais dans une cabane que je m’étais construite pour me protéger du froid.[…] Mon ami Vachon m’avait toujours fourni gratuitement le bois que je sculptait, les panneaux que je barbouillais, les cadres pour mes toiles. L’amitié a toujours joué un très grand rôle dans ma vie. » 

« J’ai vécu 15 ans sur les rives du Rhône, partageant l’existence des pirates, des mariniers, des sauveteurs. Avec eux, j’ai appris à aimer le fleuve et c’est lui qui m’a, le premier, donner envie de raconter des histoires.  »
« À Vernaison se trouvait un atelier où je travaillais le bois. Je rabotais avec un outil qui me vient de mon père, qui le tenait de Vincendon.
Dans cet atelier, j'ai été heureux. »

 
Bernard Clavel : Goncourt & roman populaire
Bernard Clavel, Éric Emmanuel Schmitt et Mozart

Ah, le prix Goncourt décerné à Bernard Clavel, quelle affaire ! Quelle hérésie !
Un obscure critique et poète nommé Alain Bosquet lance l’attaque comme un preux chevalier chargeant la lance en avant, fustigeant ce romancier qui raconte des histoires "passéistes" dans un style sans relief.
Et pan ! v’la le Clavel éperonné par la lance assassine !

Pensez donc : Bernard Clavel est un auteur "populaire", adjectif très péjoratif chez Bosquet, très réjouissant chez Clavel. Pas prêts d’être d’accord ces deux là.  « Une littérature qui se veut à la portée du peuple », écrite « avec de bons sentiments » ajoute-t-il sûr de lui. Comme si on pouvait faire une bonne littérature avec de bons sentiments ! Voilà relancé le vieux débat entre littérature populaire et élitiste.

« Qu’en est-il donc » se demande Éric Emmanuel Schmitt de cette bagarre entre art populaire et art élitiste ? Être populaire, avance-t-il, c’est refuser les faux-semblants des critiques grincheux qui prennent leur conformisme pour la quintessence de l'avant-garde :
« un art bien prétentieux gagne aisément la faveur des esprits qui se croient sérieux. »

Sans doute faut-il renouer avec son âme d'enfant pour aller à l'essentiel, se débarrasser de ses tics d'adulte, « sans doute, note Éric Emmanuel Schmitt, faut-il beaucoup de maîtrise et d'abandon pour oser la simplicité. » Depuis, le roman populaire continue son bonhomme de chemin à travers par exemple Pierre Lemaître, prix Goncourt 2012 pour "Au revoir là-haut", qui estimait dans une interview, avoir été récompensé pour son « savoir-faire qui vient du polar, du roman populaire ».

Selon Schmitt, un art simple doit être «  accessible, charmer d’abord, bouleverser ensuite... doit s’imposer devant l’érudition et la virtuosité technique, doit plaire sans complaire :c’est-à-dire intéresser, intriguer, soutenir l’attention, donner du plaisir, procurer des émotions… » Que voilà une belle définition qui aurait fort déplu à monsieur Bosquet et fort excité monsieur Clavel ! Querelle ancestrale entre les anciens et les modernes, de Malherbe et la poésie de la Renaissance à Hugo tordant le cou à ce grand dadais d’alexandrin, entre le public et une littérature d’avant-garde.

Toujours selon Schmitt, Mozart fut aussi le symbole du combat contre Colloredo, prince-archevêque de Salzbourg, son "patron" et sa bête noire qui n’a jamais rien compris à sa musique. Celle de Bernard Clavel s’appelait Alain  Bosquet et se rangeait furieusement parmi les tenants de "l’avant-garde" littéraire.

Aujourd’hui confie Éric Emmanuel Schmitt, « lorsque je repère un imbécile sentencieux… je lui colle sur le front l’étiquette « Colloredo » et je prononce à voix basse « Mozart » ainsi qu’on use d’un talisman contre l’adversité. »
Et nous, gageons qu’on puisse à notre tour coller sur l’effigie  de ce monsieur Bosquet, « Colloredo » et prononcer à voix haute et intelligible « Bernard Clavel ».
Collons dès aujourd’hui sur le mur de la littérature un large bandeau où est inscrit : « Colloredo », « pour tous les fâcheux qui dénigrent l’art populaire » … et n’omettons pas de prononcer, toujours à voix haute et intelligible, les mains en porte-voix : « Bernard Clavel, Bernard Clavel, Bernard Clavel… » 

Bernard la colère

Colérique, Bernard Clavel dirait-on à le voir tempêter ici ou là ? En tout cas : grognon souvent, fulminant parfois, toujours une bonne (ou une mauvaise) raison de râler.
Portrait en creux certes, mais qui peint un homme tout en nerfs derrière son air débonnaire.
 Georges Renoy qui l’a bien connu et a décrit avec lui ses Terres de mémoire du Jura, ne nous dira pas tout. C’est aussi un pudique, c’est un "modeste" chantait un autre de ses amis, un certain Georges Brassens. Pour Renoy, il ressemble à son personnage des Colonnes du ciel, Bisontin la vertu.

Oui, Bisontin la vertu et Lédonien la Rogne, deux tempéraments au cœur "gros comme ça", toujours prêts à se dévouer pour quelqu’un, pour une bonne cause (et il n’en manque pas), fonctionnant par coups de cœur.
Il avait trop de cœur cet homme-là.

Voilà ce qu’il a écrit dans la préface qu’il a consacrée au livre de son ami Jean-Marie Muller, fondateur du Mouvement pour une Alternative non-violente,  intitulé "Gandhi l'insurgé" :
Chaque fois que je me retrouve devant les images atroces de ces enfants mutilés, estropiés, aveugles, victimes de ce qu'on appelle des mines anti personnelles, je me retourne vers Gandhi pour lui demander : « Qu'auriez-vous dit ? Qu'auriez-vous fait ? »
On avait pourtant bien des exemples de l'absurdité et de l'ignominie des guerres. J'en veux pour seule illustration le procès intenté par
Krupp, le célèbre marchand de canons allemand, à la firme anglaise Vickers qui, en pleine boucherie de 14-18, avait copié un modèle de grenade. C'est aussi pourquoi le père Maurice Lelong nous dit dans sa fameuse Célébration de l'art militaire que « l'entre-deux-guerres fut de la chiennerie. »
D'où leur engagement pour dire après Gandhi : « La violence est un suicide. »


Un révolté, Bernard. Révolté par toute forme d’injustices, sentiment profond lié à son sens de la dignité comme à son parcours personnel. Il écrira dans Paroles de paix : « Lorsqu’on n’a pas un tempérament de bête soumise, comment ne pas s’engager ? »
Ses romans, mais surtout des écrits plus personnels, essais, préfaces, articles, en ont laissé des traces. À Courmangoux, c’est gravées dans la pierre qu’on retrouve des citations choisies au long du chemin Mémoire de pierre, qui marquent sa volonté de dénoncer tout ce qui se rattache à la violence et à la guerre.

Rencontre avec Edmond Kayser & Terre des hommes
Bernard Clavel, Lausanne : « un certain dimanche de janvier a creusé sa place dans ma mémoire »…Il faut sans cesse « lutter contre l’indifférence, contre l’insensibilité car c’est de cela que meurent les enfants. » « Bien avant de te connaître (Edmond Kayser)je savais que notre existence est faite de découvertes, qu’elle est conditionnée par des rencontres. » ... non des maîtres à penser mais des maîtres à vivre… (B. Clavel)
Massongex la maison de l’espoir… Amadou le fils adoptif d’Edmond kaiser,  privé de ses mains et qui, plein d’espoir, attend ses prothèses… écrit Le massacre des innocents (il offre ses droits à Terre des hommes)

Et cette révolte, c’est celle du « va-t-en- paix » Bernard Clavel.    
Il a prit des coups de sang pour dénoncer les injustices, s’est engagé (pas dans l’armée bien sûr, plus dans l’armée du salut), remuant ciel et terre pour combattre, argumenter, réunir des fonds, monter un collectif…

Rencontre avec Claude Mossé
Son fils Yves le met au courant de l’appel de Claude Mossé à la radio suisse, ravages de la guerre du Bangladesh et de ses terribles conséquences, en particulier pour les enfants.
Clavel lui téléphone et Mossé lui répond « si vous voulez aider les bengalis, venez tout de suite à Lausanne, nous partons pour Calcutta... » et l’embarque pour un  voyage imprévu pour lequel Clavel n’avait même pas de visa. La visite des camps de réfugiés sera pour lui un calvaire mais, après son retour, il ne trouvera guère que Cesbron pour l’aider…

==> peu de temps après, il écrit "Le silence des armes (1974) et la préface "Mourir pour Dacca(cf  Michel Ragon, p. 26-27)

Dans Terres de Mémoire, Georges Renoy pense qu’il est un « Homme de transit comme Bisontin qui, la paix retrouvée, part pour le Nouveau Monde », qui « a les pieds dans sa terre natale, son cœur parmi les hommes et la tête partout où les vastes étendues froides dessinent le paysage. »
Bernard, véritable sac de puces qui s’ébroue pour jeter ses idées sur le papier, qui se jette d’un côté ou d’un autre souvent sur un coup de tête. Parmi les puces qui lui chatouillent l’épiderme, le thème de la NATURE lui est aussi très cher.
Il s’élève contre une nature maltraitée et quittera Château-Chalon en colère contre une tendance à une urbanisation et à une extension du tourisme mal maîtrisée.

Il ne cessera de tempêter contre l’endiguement du Rhône, la disparition des lônes de Vernaison, de la roseraie d’Irigny avec la construction des barrages (celui de Pierre-Bénite en particulier) et en gardera une nostalgie jalouse.

Ah ce Rhône qu’il aimait tant et qu’on lui mutilait… et tous ces énormes barrages du Nouveau monde, si néfastes, si terribles pour l’homme, une évolution qu’il dénonce dans des romans comme  Le Carcajou ou Maudits sauvages, le dernier tome du Royaume du nord. Des hommes qui font parfois leur propre malheur comme dans L’or de la terre.
Bernard Clavel possédait aussi un sens profond de l’ironie aller jusqu’à l’humour noir pour dénoncer la violence et la guerre, comme dans cette curieuse lettre adressée au maire de Gambais, où a sévi Landru, colère rentrée exprimée tout en retenue :

 Extrait de La lettre au maire de Gambais :
 «  ...c'était donc à vous, Monsieur le Maire, que revenait l'honneur d'organiser le centenaire de Landru. [...] Vous refusez de reconnaître les mérites de Landru et, à travers lui, c'est le monde des gagne-petit, toute la famille des humbles artisans que vous semblez mépriser.  [...]
Est-ce cette minuscule cuisinière qui vous gêne ?  Mais, Monsieur le Maire, pour modeste qu'elle soit, la cuisinière de Monsieur Landru n'en est pas moins l'ancêtre des fours crématoires que devait utiliser plus tard Monsieur Hitler...»

Bernard La bougeotte ou le voyageur sans bagages

« Il a déménagé quelque quarante fois » dit-on complaisamment. Peut-être…  Bernard la Bougeotte en était conscient mais quoi faire ? Stabilité quand même jusqu’en 1975, quand il quitte Château-Chalon après quelque cinq années passées dans son Jura… Cinq ans sans déménager !

Après quelques détours par Villeneuve s/Yonne et Reverolle dans le Jura, un crochet par l’URSS, suit un long « rode movie » (Oh la la, il n’aurait pas aimé, pis qu’un anglicisme !) : début 1978, c’est le Québec avec Josette Pratte, l’espèce de tour HLM à Montréal puis l’immensité glacée de Saint-Télesphore, un bled paumé dans une région aussi paumée appelée l’Abitibi (si, si, ça existe !), tout heureux de lui, il dit « je suis un homme d’hiver, » ce qui est vrai, allant jouer les ours blancs, aspirant à rester peinard dans son igloo… Là-bas au moins il pouvait « écrire sur la neige. »

Retour à Paris,  pour peu de temps puis chez un pote à Bruxelles. Pas satisfait, le voilà parti au Portugal (Praia da Luz, pour deux mois) où il écrit Marie bon pain. Bon, le Portugal, pas vraiment une bonne idée, on revient à Paris squatter chez des potes où il écrit La bourelle.

Paris, bof… ce n’est plus ce que c’était. « Allez Josette, refais les valises… » On le retrouve en 1979 dans "ses" montagnes, Pontarlier puis une ferme du Doubs au Pissoux, hameau de Villers-le-lac qu’il quitte en 1981 pour, entre deux séjours au Québec et jusqu’à la baie James, s’installer à Morges en Suisse sur les bords du lac Léman, admirer "La lumière du lac", l’éclaircie de sa saga Les Colonnes du ciel.

Et ben, ça ne lui convient toujours pas. « Allez Josette, refais les valises… »Il y reviendra quelques années plus tard mais pour l’instant, il repart dare dare… en Irlande. Et après l’Irlande, me direz-vous ?
Il revient en France… n’y reste pas davantage… mais il y reviendra…  « Allez Josette, refais les valises… » et puis zut, c’est trop compliqué ; même lui ne s’y retrouvait pas… alors moi !

Pour terminer sur Bernard la Bougeotte, Voilà son propre témoignage de l’installation à Capian en 1997, présentée dans la préface de son album  Contes & légendes du bordelais : 

« Je suis né dans un pays de vignoble. Mon père cultivait un ou deux journaux de vigne sur les coteaux du Jura. Puis j’ai vécu en Bourgogne, au cœur du vignoble vaudois et dans la vallée du Rhône. Il aura pourtant fallu que je vienne habiter le Bordelais pour découvrir la grandeur et la fabuleuse puissance de la civilisation du vin.
C’est ma femme Josette Pratte, québécoise bon teint, qui a trouvé une maison dans l’Entre-deux-Mers et m’a, en quelque sorte, forcé à m’y installer :
 - Je ne suis pas un homme de l’Ouest !
 - L’ouest de quoi ? Tu es ici à l’est du Québec. Pas à l’ouest.
 Mollement, j’ai ergoté : « Mais un peu trop au sud. »
 - Exactement à la même latitude que Montréal où tu as tant rêvé de te fixer.
 … Tout le monde le sait : les femmes ont toujours le dernier mot !  


Où la réalité rejoint la fiction

Pourquoi disait Clavel, aller chercher bien loin ce qui est à portée de main : des histoires du quotidien dont on peut largement s’inspirer sans forcément puiser dans l’autobiographie parce que « Parler de moi m’agace très vite. »

Ce qui n’empêche pas une certaine osmose où « Ma vie est à l’image de ce que j’ai créé, sans relâche pétrie d’amour et de colère, de fêtes et de tortures. »
« Je ne crois pas avoir jamais créé un personnage de toutes pièces. Et je me demande pourquoi je me donnerais ce mal, pourquoi je prendrais ce risque, pourquoi je tenterais de me hisser au niveau des dieux alors que le monde grouille de sujets, d’êtres qui sont des personnages. »
Œuvres complètes, tome I
« Vous voyez, une fois de plus, je n’ai rien inventé et j’ai tout inventé. »
(à propos du Royaume du Nord)


N’est-ce pas ainsi que fonctionne la littérature (non, non, ce n’est pas un gros mot) : dépasser la trame narrative, assimiler, réunir la matière de l’écrivain, tout ce qu’il glane dans ses souvenirs, dans ses expériences, dans ses "emprunts", lors d’une lecture ou à la terrasse d’un bistrot, autant de recompositions qui aspirent à l’universel.

« Être romancier, dit-il, c’est porter en soi un monde, et c’est vivre en ce monde beaucoup plus qu’en celui qui vous entoure. »
« L’art est fait d’impulsions mises en forme. […] C’est ce que l’individu porte au plus secret de son être. » Écrit sur la neige
« J’écris pour communiquer mes émotions à mes semblables. »

C’est ainsi qu’à plusieurs reprises il fut confronté à une réalité qui rejoignait ses propres fictions. Témoins ces deux rencontres avec L’Espagnol et un "Pirate du Rhône".

Mon ami l’Espagnol : article paru dans Les Lettres françaises et dans Les œuvres complètes, tome I, pages 1215-1223, Éditions Omnibus
Dans cet article, fiction et réalité se rejoignent quand Bernard Clavel est confronté au vrai personnage de Pablo, le héros de son roman L’Espagnol. L’homme ressemble à son souvenir mais son destin plus cruel que Clavel n’aurait pu l’imaginer.

"L’Espagnol" vient de mourir et Clavel se souvient. Un jour, l’homme débarque à l’improviste chez lui à Lyon où il habitait alors et lui raconte son histoire.
Une histoire  digne d’un mélo : Après une grave maladie et une longue hospitalisation, il est spolié par des gens qu’il croyait ses amis, en qui il avait confiance. Il se retrouve démuni, repart en Espagne à 54 ans, où il est honteusement exploité.

Cette terre où il a tant sué lui manque, c’est un peu sa patrie. Á force de volonté, il réussit à payer son voyage, revoie ses spoliateurs, apeurés par son retour. Mais son cœur ne connaît pas la vengeance. Dégoûté par cet accueil, leur sordide avarice, envahi de tristes souvenirs, de ce qu’on lui a fait subir, il regagne l’Espagne, miséreux et désespéré. 
Pire que le personnage de Clavel.

La fête à Jérôme : Un pirate du Rhône
Texte paru dans L’Humanité du 17 septembre 1967
Œuvres complètes, tome II, pages 1161-1169, Éditions Omnibus

Bernard Clavel retrouve par hasard son copain Jérôme, l’un des "Pirates du Rhône" de Vernaison, dans la région parisienne pour la fête de l’Humanité. C’est bien la première fois que Jérôme s’éloigne de Vernaison. Ceux qu’il appelle les "pirates" pêchent la nuit dans le Rhône avec un filet, ce qui est doublement interdit. Partir pour cette fête est pour lui une expédition pleine de découvertes et d’imprévus.

Il veut tout voir pour tout raconter à son ami Félix, son conscrit qui a perdu ses deux jambes au Chemin des dames. Félix qui lui a dit : « Jérôme, tu vas y aller et tu me raconteras. » Lui aussi a fait cette guerre et depuis, pas question de parler de violence et d’armée.
Il signe la pétition contre le carnage au Vietnam, s’arrête devant un stand qui expose des dessins aux noms terribles : Treblinka, Napalm… des images terribles et admirables qui le bouleversent. À la fête, il côtoie aussi une jeunesse pleine d’entrain ; car s’il hait la guerre, il aime les hommes : aucun désir de vengeance ne l’anime.

Pour le retour, repasser par Paris ne l’intéresse plus. Il veut seulement voir la gare de l’Est où partaient les bidasses pour le front, où est parti Félix en 1916. Pour Jérôme, l’année 1917 ce n’est pas la Révolution d’octobre, ce sont les mutineries réprimées, provoquées pour éviter toute fraternisation. Oui, « fraternisation murmure-t-il, ce mot les a effrayés. C’était le socialisme sur toute l’Europe… »
Pour lui, il s’agit d’une occasion manquée, disant avec une émotion contenue : « Vous, vous  avez votre avenir à préparer… Tachez de ne pas rater la paix… »

Les années deux mille

Interview de L’Express – 11/2003 (parution de L’hiver)
À Courmangoux, il a trouvé « la solitude, le silence, la nature et un grand parc pour que leurs deux molosses, Antigone et Tolstoï, gambadent à leur aise ». Chaque matin, on pourrait presque dire chaque nuit vers quatre heures, il écrit.

Sa femme, qui a pris en main les travaux de la maison, s'est aménagé un ravissant bureau-salon dans le grenier où dort tranquillement la chatte Zelda. C'est là qu'elle écrit ses romans, ou « qu'elle trouve tous les prétextes pour ne pas les écrire: refaire la maison, travailler sur les livres de Bernard, préparer l'édition Omnibus.» Elle s'est passionnée pour cette maison, comme elle se passionne pour tout ce qu'elle fait.
Il y a parfois des discussions houleuses chez les Clavel surtout lorsqu'il lui montre un manuscrit de huit cents pages « et qu'elle me dit que c'est de la bouillie pour chats »! Conclusion de Bernard Clavel : « Que vouliez-vous que je fasse? J'ai recommencé ! » 

Article du Nouvel Observateur
« Depuis six ans, un AVC l’a cloué au lit, mais la passion l’habite toujours… toujours cet œil qu'ont allumé tant de colères flamboyantes… » La main aujourd'hui peine à se mouvoir depuis ce jour fatidique du 27 octobre 2003.

A sa sortie du coma, il eut ces mots : « J'écris. J'écris dans ma tête. »
Nouveau combat mais « se battre... Clavel l'a fait toute sa vie. »
«J'ai longtemps vécu sans écrire. Mais quand ça m'a empoigné, ça ne m'a plus lâché. » Une œuvre faite de la matière même qui l'inspire : « La chair de mes livres est la vie. »
Dans sa chambre, une grande photo de Josette dans un grand paysage de neige : « Pour moi, c'est la photo du bonheur.

Dernier tableau 

Eh bien, mesdames et messieurs, pour terminer (en guise de conclusion… temporaire) méditons cette belle pensée d’Albert Camus que Bernard Clavel aimait à citer et où il devait se reconnaître : « Les œuvres d’un homme retracent souvent l’histoire de ses nostalgies ou de ses tentations, presque jamais sa propre histoire. »

Méditons aussi sa "position de vie" qu’il présente ainsi :
- Le jour où il démissionne de l’Académie Goncourt, il skie dans le Jura avec des amis, « la vraie vie » selon lui, entre partage et amitié, « nous écrivons toujours sur la neige, note-t-il, le tout est de savoir à quelle heure se lèvera la tempête. »

C’est Antoine le héros du Tambour du bief  qui aura le mot de la fin dans cette réplique très "clavélienne" : « Oui, mon père a été tué à la guerre… Non ce n’est pas pour ça que je suis antimilitariste… c’est parce que je déteste les cons… »
- Un déclic qui se produit un jour à l'occasion d'une discussion, d'une anecdote comme pour le cycle Les colonnes du ciel, qui va naître d’infos sur la Guerre de dix ans qui a sévi en Franche-Comté, un jour qu'il est à Salins-les-Bains dans le Jura. D’autres anecdotes ont aussi servi de point de départ à un scénario. Par exemple, pour Malataverne, l'histoire d'un casse d'adolescents qui tourne mal ou simplement pour Qui m’emporte, ce camion mystérieux qui passe chaque jour devant chez lui à Vernaison, sur lequel son imagination va vagabonder.

Référence :Bernard Clavel sketchs --
Christian/Documents/Documentation/Clavel Intervention/sketch.doc

< Christian Broussas – Clavel, Tableaux - 9 mars 2016 -© • cjb • © >








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