L’attrait de Didier Éribon pour Michel Foucault
est profond et ancien. S’il lui a consacré deux ouvrages, il a aussi
dirigé deux colloques consacrés au philosophe en 2000 et 2004. Si dans
un premier livre Didier Éribon traite de Michel Foucault
et de ses contemporains, il réfléchit dans un second temps sur le sens
d’une biographie et les raisons de cette démarche. Il a également dirigé
deux colloques sur les thèmes "Michel Foucault et la pensée critique" ainsi que "Foucault aujourd'hui".
Michel Foucault et ses contemporains
À travers cette biographie de Michel Foucault, Didier Éribon avait pour but de retracer le parcours de l’homme et de son œuvre, mais également positionner sa pensée dans le courant de son époque, dans la vie intellectuelle des années d'après-guerre. De par son succès même, elle a contribué à alimenter les discussions sur les thèmes développés.
Écrire la biographie d’un philosophe n’est pas neutre, et c’est pour l’auteur l’occasion d’analyser ce thème à travers un questionnement sur l’histoire d’une œuvre, le rôle de son expérience personnelle, le rapport pour Foucault entre sexualité et homosexualité, que signifie pour lui ses livres qu’il considérait comme des fragments d'autobiographie.
L’approche doit aussi prendre en compte une perspective historique, sans réinsérer son parcours personnel dans la dynamique de ses rapports avec son environnement intellectuel, même si ces interactivités sont nécessaires pour féconder sa réflexion à travers des rencontres, des échanges faits d’affinités et d'oppositions.
Dans cette perspective, on est amené à rencontrer beaucoup d’intellectuels marquants de son époque comme (antre autres) Georges Dumézil, Jean-Paul Sartre, Roland Barthes, Jacques Lacan, Claude Lévi-Strauss… ce qui lui permet aussi de dresser un vaste panorama du paysage intellectuel de son époque.
Michel Foucault et le sens de la biographie
Cette nouvelle édition consacrée à Michel Foucault permet d’abord de façon classique de suivre le futur philosophe tout au long de son évolution.
Didier Éribon retrace l'enfance de Michel Foucault, sa scolarité à Poitiers pendant la Seconde Guerre mondiale, puis à Henry IV et à l'ENS de la rue d'Ulm après. Il aborde ensuite la façon dont il devient enseignant en philosophie et psychologie à Lille, son parcours à Uppsala en Suède, à Varsovie en Pologne, à Hambourg en Allemagne et un plus tard à Tunis.
Revenu en France, on le retrouve dans les années 1960 au "Centre expérimental de Vincennes" et au "Collège de France" à partir de 1969.
Il aborde également ses premiers travaux en psychologie, sur la littérature et la peinture, sur l'histoire de la médecine et des sciences humaines, sur le discours et le pouvoir, la prison et la sexualité, les cours sur la biopolitique, sa thèse sur la folie.
La biographie linéaire représente un point d’appui qui éclaire ses lectures de Hegel, de Nietzsche, de Blanchot et de Bataille, les rencontres avec Dumézil ou Althusser, l’amitié avec les philosophes de sa génération Gilles Deleuze ou Roland Barthes. On le suit également dans ses voyages au Japon et en Iran, ses différents séjours aux États-Unis.
En ce qui concerne les courants d’idées, on retrouve Foucault dans tous les discussions de l’époque, que ce soit l’influence de l'existentialisme et du marxisme ou les controverses autour du structuralisme. Son parcours politique va le mener, après un passage au Parti Communiste début 1950 et un rapprochement avec le gaullisme, à la création du Groupe d'Information Prison et un virage vers l'extrême gauche.
Il participe alors à de nombreuses actions de soutien aux immigrés, aux condamnés à mort en Espagne, à des dissidents en Union Soviétique ou encore à la création du journal Libération, mais il prend aussi ses distances avec les structures politiques.
La vision dynamique d’une biographie implique également de traiter l’interaction entre l’homme et l’écrivain, entre les textes et leur contexte, selon ce qu’il appelle une conception qui était celle de Pierre Bourdieu (Bourdieu qui parlait de « l'illusion biographique ») en étudiant les "trajectoires" ou les "dispositions".
La subjectivité apparaît dans les choix de Didier Éribon qui choisit de parler longuement de l'homosexualité de Foucault pour expliquer sa tentative de suicide pendant sa jeunesse ou son intérêt pour des thèmes comme la folie et la sexualité. Par contre, il traite peu de sa relation avec Daniel Defert ou de ses pratiques sado-masochistes.
D’après Didier Éribon , une biographie sert moins à expliquer le sens des textes à travers la vie de leur auteur que de montrer comment leur parcours personnel –qu’il concerne l’homme public ou l’homme privé- peut être un exemple de leur signification. C’est dans sa dimension privée que Michel Foucault semble avoir puisé des idées ou son projet de « création de nouvelles formes de vie, de rapports, d'amitiés » à travers ses choix personnels.
Voir aussi les références citées dans l’ouvrage :
* Pierre Bourdieu, « L'illusion biographique », in Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris, Seuil, 1994, p. 83.
* Michel Foucault, « Qu'est ce qu'un auteur ? », Bulletin de la Société française de philosophie, n° 3, juillet-septembre 1969, in Dits et écrits I, Paris, Gallimard, 2001, n° 69, pp. 817-849
* Hervé Guibert, A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, Paris, Gallimard, 1990.
* Mathieu Lindon, Ce qu’aimer veut dire, Paris, POL, 2011.
* « Michel Foucault, une interview : sexe, pouvoir et la politique de l'identité » (entretien avec B. Gallagher et A. Wilson, Toronto), The Advocate n° 400, 7 août 1984, in Dits et écrits II, Paris, Gallimard, 2001, n°358, p. 1555.
Ouvrages de Didier Éribon sur Michel Foucault :
- Michel Foucault (1926-1984), éditions Flammarion, 1989, nouvelle édition revue et augmentée, Flammarion, collection "Champs", 2011
- Michel Foucault et ses contemporains, éditions Fayard, 1994
Actes de colloques internationaux :
- L'Infréquentable Michel Foucault. Renouveaux de la pensée critique. Actes du colloque du Centre Georges Pompidou (dir.), 21-22 juin 2000, EPEL, 2001
- Foucault aujourd'hui. Actes des neuvièmes rencontres INA-Sorbonne, 27 novembre 2004 (dir. avec Roger Chartier, L'Harmattan, 2006.
Voir aussi
* Pierre Bourdieu, L'insoumission en héritage ((Édouard Louis, Didier Éribon...) -
< Christian Broussas – Éribon , Foucault - 9 mars 2016 -© • cjb • © >
Michel Foucault et ses contemporains
À travers cette biographie de Michel Foucault, Didier Éribon avait pour but de retracer le parcours de l’homme et de son œuvre, mais également positionner sa pensée dans le courant de son époque, dans la vie intellectuelle des années d'après-guerre. De par son succès même, elle a contribué à alimenter les discussions sur les thèmes développés.
Écrire la biographie d’un philosophe n’est pas neutre, et c’est pour l’auteur l’occasion d’analyser ce thème à travers un questionnement sur l’histoire d’une œuvre, le rôle de son expérience personnelle, le rapport pour Foucault entre sexualité et homosexualité, que signifie pour lui ses livres qu’il considérait comme des fragments d'autobiographie.
L’approche doit aussi prendre en compte une perspective historique, sans réinsérer son parcours personnel dans la dynamique de ses rapports avec son environnement intellectuel, même si ces interactivités sont nécessaires pour féconder sa réflexion à travers des rencontres, des échanges faits d’affinités et d'oppositions.
Dans cette perspective, on est amené à rencontrer beaucoup d’intellectuels marquants de son époque comme (antre autres) Georges Dumézil, Jean-Paul Sartre, Roland Barthes, Jacques Lacan, Claude Lévi-Strauss… ce qui lui permet aussi de dresser un vaste panorama du paysage intellectuel de son époque.
Michel Foucault et le sens de la biographie
Cette nouvelle édition consacrée à Michel Foucault permet d’abord de façon classique de suivre le futur philosophe tout au long de son évolution.
Didier Éribon retrace l'enfance de Michel Foucault, sa scolarité à Poitiers pendant la Seconde Guerre mondiale, puis à Henry IV et à l'ENS de la rue d'Ulm après. Il aborde ensuite la façon dont il devient enseignant en philosophie et psychologie à Lille, son parcours à Uppsala en Suède, à Varsovie en Pologne, à Hambourg en Allemagne et un plus tard à Tunis.
Revenu en France, on le retrouve dans les années 1960 au "Centre expérimental de Vincennes" et au "Collège de France" à partir de 1969.
Il aborde également ses premiers travaux en psychologie, sur la littérature et la peinture, sur l'histoire de la médecine et des sciences humaines, sur le discours et le pouvoir, la prison et la sexualité, les cours sur la biopolitique, sa thèse sur la folie.
La biographie linéaire représente un point d’appui qui éclaire ses lectures de Hegel, de Nietzsche, de Blanchot et de Bataille, les rencontres avec Dumézil ou Althusser, l’amitié avec les philosophes de sa génération Gilles Deleuze ou Roland Barthes. On le suit également dans ses voyages au Japon et en Iran, ses différents séjours aux États-Unis.
En ce qui concerne les courants d’idées, on retrouve Foucault dans tous les discussions de l’époque, que ce soit l’influence de l'existentialisme et du marxisme ou les controverses autour du structuralisme. Son parcours politique va le mener, après un passage au Parti Communiste début 1950 et un rapprochement avec le gaullisme, à la création du Groupe d'Information Prison et un virage vers l'extrême gauche.
Il participe alors à de nombreuses actions de soutien aux immigrés, aux condamnés à mort en Espagne, à des dissidents en Union Soviétique ou encore à la création du journal Libération, mais il prend aussi ses distances avec les structures politiques.
La vision dynamique d’une biographie implique également de traiter l’interaction entre l’homme et l’écrivain, entre les textes et leur contexte, selon ce qu’il appelle une conception qui était celle de Pierre Bourdieu (Bourdieu qui parlait de « l'illusion biographique ») en étudiant les "trajectoires" ou les "dispositions".
La subjectivité apparaît dans les choix de Didier Éribon qui choisit de parler longuement de l'homosexualité de Foucault pour expliquer sa tentative de suicide pendant sa jeunesse ou son intérêt pour des thèmes comme la folie et la sexualité. Par contre, il traite peu de sa relation avec Daniel Defert ou de ses pratiques sado-masochistes.
D’après Didier Éribon , une biographie sert moins à expliquer le sens des textes à travers la vie de leur auteur que de montrer comment leur parcours personnel –qu’il concerne l’homme public ou l’homme privé- peut être un exemple de leur signification. C’est dans sa dimension privée que Michel Foucault semble avoir puisé des idées ou son projet de « création de nouvelles formes de vie, de rapports, d'amitiés » à travers ses choix personnels.
Voir aussi les références citées dans l’ouvrage :
* Pierre Bourdieu, « L'illusion biographique », in Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris, Seuil, 1994, p. 83.
* Michel Foucault, « Qu'est ce qu'un auteur ? », Bulletin de la Société française de philosophie, n° 3, juillet-septembre 1969, in Dits et écrits I, Paris, Gallimard, 2001, n° 69, pp. 817-849
* Hervé Guibert, A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, Paris, Gallimard, 1990.
* Mathieu Lindon, Ce qu’aimer veut dire, Paris, POL, 2011.
* « Michel Foucault, une interview : sexe, pouvoir et la politique de l'identité » (entretien avec B. Gallagher et A. Wilson, Toronto), The Advocate n° 400, 7 août 1984, in Dits et écrits II, Paris, Gallimard, 2001, n°358, p. 1555.
Ouvrages de Didier Éribon sur Michel Foucault :
- Michel Foucault (1926-1984), éditions Flammarion, 1989, nouvelle édition revue et augmentée, Flammarion, collection "Champs", 2011
- Michel Foucault et ses contemporains, éditions Fayard, 1994
Actes de colloques internationaux :
- L'Infréquentable Michel Foucault. Renouveaux de la pensée critique. Actes du colloque du Centre Georges Pompidou (dir.), 21-22 juin 2000, EPEL, 2001
- Foucault aujourd'hui. Actes des neuvièmes rencontres INA-Sorbonne, 27 novembre 2004 (dir. avec Roger Chartier, L'Harmattan, 2006.
Voir aussi
* Pierre Bourdieu, L'insoumission en héritage ((Édouard Louis, Didier Éribon...) -
< Christian Broussas – Éribon , Foucault - 9 mars 2016 -© • cjb • © >
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