David Lodge
Référence : David Lodge, "Thérapie", traduit par Suzanne Mayoud, éditions Payot & Rivages, 1998 (édition française)

Un quinquagénaire Lawrence Passmore enrichi par son métier de scénariste de sitcom, acariâtre et hypocondriaque, confie dans son journal l’évolution de sa dépression et une vie qui lui paraît sans grande signification. Humeur versatile qui va changer à la lecture du philosophe danois Søren Kierkegaard et surtout de la séparation d’avec sa femme Sally. Comme à son habitude, David Lodge met en relations des univers sociaux très différents, utilisant la technique du changement de perspectives.

Tout part pour Lawrence Passmore d’un problème à un genou. Mal récurrent et apparemment inguérissable et il a recours à différentes thérapies sans grand résultat. Plus sa dépression se développe, plus il se sent malheureux et  plus ses difficultés conjugales et professionnelles prennent de l’importance, lui "bouffent" la vie.

Ses aventures sexuelles, avortées ou insatisfaisantes,  ne lui apportent guère de compensation. Avec son humour inimitable, David Lodge nous fait partager l'accablement croissant de son héros, égratignant au passage le monde de la télévision, de l’université, les thérapeutes qu’il fréquente beaucoup ou le tourisme de masse à Tenerife.

Thérapie ne déroge pas à la règle. Lawrence Passmore, son héros dépressif, travaille comme scénariste d’une sitcom intitulée Les gens d’à côté, mettant en scène deux familles voisines mais diamétralement opposées : la première est rangée, sérieuse, pleine d’une bonne conscience de gauche et lisant le Guardian, la seconde est bordélique et sans principes.

Le succès l’a rendu riche mais pas vraiment heureux, râlant qu’on le surnomme Tubby en référence à son air un peu boudiné. Il s’aperçoit qu’il souffre d’une espèce d’angoisse, l’Angst qu’il définit comme le sentiment qu’un avenir librement choisi génère de l’instabilité et de l’incertitude. Depuis qu’il a les moyens, il habite à Rummidge, ville fictive (qu’on retrouve dans d’autres romans) située dans les Midlands et possède aussi un appartement à Londres où il se rend pour son travail.

Le roman est construit autour du personnage de Lawrence Passmore, surtout à partir de son Journal personnel tenu de février à juin 1993, mais aussi de témoignages censés être écrits par des personnes qui le connaissent ou l’ont connu pendant une période ou à l’occasion d’un événement particulier.
On peut voir dans sa propre situation de dépressif un symbole du déclin de son pays dans les années John Major.

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Le roman est divisé en 4 parties, la plus importante étant celle consacrée à son journal.
Son journal qu’il tient entre le 15 février et le 5 mars 1993 est surtout consacré aux nombreuses thérapies suivies pour lutter contre ses tendances dépressives et ses problèmes articulaires au coude et au genou. Il y raconte aussi les difficultés avec sa sitcom, le départ de l’actrice vedette qui implique de revoir le scénario des derniers épisodes pour expliquer sa disparition, la séparation et ses déboires avec sa femme Sally, de ses relations avec Grahame, un jeune SDF qui squatte l'entrée de son immeuble londonien, Amy, sa "maîtresse platonique".

                      L'art de la fiction
Statue de Kierkegaard à Copenhague


Le roman est divisé en 4 parties, la plus importante étant celle consacrée à son journal.Son journal qu’il tient entre le 15 février et le 5 mars 1993 est surtout consacré aux nombreuses thérapies suivies pour lutter contre ses tendances dépressives et ses problèmes articulaires au coude et au genou. Il y raconte aussi les difficultés avec sa sitcom, le départ de l’actrice vedette qui implique de revoir le scénario des derniers épisodes pour expliquer sa disparition, la séparation et ses déboires avec sa femme Sally, de ses relations avec Grahame, un jeune SDF qui squatte l'entrée de son immeuble londonien, Amy, sa "maîtresse platonique".

Il dévore l'œuvre de Kierkegaard, curieux d’y découvrir des résonances avec son propre cas, retenant cette phrase symbolique : « Ce qui peut arriver de plus terrible à quelqu’un, c’est de devenir comique à lui-même sur l’essentiel, de découvrir par exemple que le centre de ses sentiments n’était que farce. » 

Suivent cinq témoignages sur des épisodes de sa vie qui sont en réalité des fictions littéraires plausibles écrites dans un but thérapeutique.
- Brett Sutton, entraîneur du club de tennis raconte l'intrusion de Passmore chez lui, qui était persuadé que Sutton était l'amant de sa femme ;
- Amy raconte le week-end calamiteux qu’ils passèrent à Tenerife aux Canaries ;
- Louise une amie californienne raconte à une amie le comportement bizarre de Passmore qui voudrait réactiver leur relation ratée ;
- Ollie son producteur, doute que Passmore puisse trouver une solution pour poursuivre la sitcom après le départ du rôle principal ;
- Samantha, correctrice de scénarios, raconte à une amie son voyage à Copenhague avec Passmore où il l'a invitée à l'accompagner sur les traces de Kierkegaard et où il n'était pas vraiment en état de nouer une nouvelle relation.

Le journal reprend le 25 mai 1993 avec un Passmore très dépressif, sans projet, sans objectif défini. Un jour à l’évocation d’un parfum de lavande, il repense à son premier amour Maureen Kavanagh et décide d’écrire le récit de leur relation quelque 40 ans auparavant.

Hypocondriaque, Passemore se retrouve dans le parcours du philosophe Kierkegaard et ce que lui a dit un jour son oncle : « Tout ce qui cloche chez toi, c'est ta sotte habitude de te tenir voûté. Tu n'as qu'à redresser le dos, te mettre debout et la maladie passera. »
Narration, ouvrages et vie réelle se mêlent allègrement dans les différents tableaux qui constituent le livre. Sa vie ressemble à cette sitcom qu'il a écrite, qui rencontre des difficultés qui hypothèquent son avenir.

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Complément : Les techniques narratives selon David Lodge
Dans L'Art de la fiction écrit en 1992, David Lodge présente différents procédés stylistiques tels que répétition, variation des niveaux de langue… ou narratifs comme la variation des points de vue, la "défamiliarisation"…

David Lodge utilise lui-même ce genre de procédés narratifs dans ses romans. Par exemple, dans Nouvelles du paradis en 1991 avec une narration le plus souvent à la troisième personne, avec un narrateur qui n’est pas forcément le personnage principal, mais aussi à la première personne (journal intime, lettre…); des reproductions de cartes postales et d’emails...) ainsi que des écrits théoriques sur le tourisme.

Thérapie en 1995, repose sur la tenue d’un journal par le personnage principal, complété par un récit autobiographique et des textes présentés comme  des témoignages de personnes qui l’ont connu ou simplement rencontré.
Il peut aussi y mêler l’intertextualité comme dans La Chute du British Museum (référence à l’Ulysse de James Joyce) ou dans Un tout petit monde (référence au cycle des Chevaliers de la Table ronde).

Autres exemples : Dans Jeux de société, se confrontent les univers de traders de l’époque Thatcher et d’enseignants d’université. Dans Changement de décor, on retrouve des enseignants américains et britanniques qui échangent leurs situation pendant une année scolaire. Dans Un tout petit monde, des écrivains, des linguistes... se réunissent dans une grande conférence sur le thème de la littérature et nous font part de cet évènement. Dans Nouvelles du paradis, il s'agit d'un prêtre qui part pour Hawaï et se retrouve confronté à bien des tentations.

Voir aussi :
* Mon fichier David Lodge, Pensées secrètes -- 

* David Lodge, L'art de la fiction, Payot & Rivages, traduction Michel et Nadia Fuchs, 312 pages, 1996

< Christian Broussas – Lodge, Thérapie - 8 mars 2016 -© • cjb • © >