Référence : Pierre Lemaitre, "Trois jours et une vie", éditions Albin Michel, 288 pages, 2016 



« Telle était sa punition : purger sa peine en toute liberté au prix de son existence toute entière. »

Dès le départ, le lourd climat qui s’instaure dans ce village est digne d’un bon polar : « À la fin de décembre 1999, une surprenante série d’événements tragiques s’abattit sur Beauval, au premier rang desquels, bien sûr, la disparition du petit Rémi Desmedt
Dans cette région couverte de forêts, soumise à des rythmes lents, la disparition soudaine de cet enfant provoqua la stupeur et fut même considérée, par bien des habitants, comme le signe annonciateur des catastrophes à venir. »
La tempête qui s’abat sur le village est le pendant de la tempête qui s’empare des esprits.

       

Dans une interview, Pierre Lemaitre tient à préciser que ce roman « n'est pas un roman policier dans la mesure où l'enjeu du livre n'est pas de savoir qui a fait le coup, mais plutôt de savoir comment quelqu'un peut vivre, survivre, lorsqu'il a été très jeune, un meurtrier. » 

Dilemme pour l’auteur : qu’écrire après son prix Goncourt "Au revoir là-haut" : un roman dans la même veine ou revenir à ses romans policiers précédents ? Apparemment, il a choisi une voie médiane, celle qu’il avait prévue avant le Goncourt. Pour lui donc, Le Goncourt n’a donc rien changé à la trajectoire qu’il avait imaginée.

     

Il aborde un sujet épineux, mais ce n’est pas tant la psychologie du mineur tueur qui l’intéresse que d’en étudier les suites, « les enfants meurtriers, commente-t-il, c'est abyssal de penser à ça. Je ne voulais pas travailler sur comment on devient un meurtrier. Ce qui m’intéressait, c'était de prendre l’événement après, plutôt une variation sur Crime et Châtiment. »

Dans ce roman, pas d'enquête ni d'intrigue à dénouer mais un mort, Rémi un enfant de 6 ans. Dans cette histoire, on connaît très tôt le coupable : Antoine, un jeune de 12 ans, un voisin de la victime. L’argument du récit tient dans cet homicide : Antoine vit dans la terreur, celle de son geste d’abord, celle aussi d’être très rapidement identifié et arrêté. Si la justice des hommes reste impuissante, reste alors à assumer le poids de son acte.

     

Le roman se strucure autour de trois séquences de la vie d'Antoine : la disparition du petit Rémi Desmedt à la veille de la grande tempête qui a secoué la France vers la Noël 1999, douze années plus tard, puis plus récemment. 

Une affaire qui bouleverse la vie d'une petite ville des Vosges dominée par ses vastes forêts, sa scierie, sa fabrique de jouets en bois, une cité où chacun connaît les zones d'ombre de ses voisins, des histoires de l'entre-soi faites de haines et d’amours. La disparition de Rémi, ce pourrait être l’enlèvement de Philippe Bertrand en 1976 ou à l’assassinat de Grégory Villemin en 1984 qui firent les gros titres des journaux et indignèrent le pays. 

Personne bien sûr n'avait prévu l’ouragan qui interrompit les recherches de Rémi à qui plus personne ne pensait là-bas, à part ses parents et quelques intimes, jusqu’à ce que, douze ans plus tard, à l’occasion d’un projet immobilier, on retrouve le corps de l'enfant… 

Derrière ce poids qui accable Antoine, se profile le poids de la solitude et du secret, le regret de ne pouvoir en parler à personne, payer le prix fort car souligne Pierre Lemaitre, « C'est moins un crime qu'une faute. Je veux que le livre traite de la responsabilité et de la culpabilité de celui qui l'a fait. »

S'il arrive à s'identifier à son personnage, c'est qu'il se souvient d'avoir été « un enfant un peu seul avec un père un peu lointain. » C’est sans doute pourquoi il confie dans une interview : « on paie tous notre enfance. »

Résultat de recherche d'images pour   Résultat de recherche d'images pour       

Critiques et commentaires
* « Trois jours et une vie : un suspens époustouflant. Avec ce nouvel ouvrage, pierre Lemaitre le confirme : il est bien actuellement l'un des quatre ou cinq meilleur romancier français. » Atlantico, mars 2016
* « Trois jours et une vie : Nouveau coup de maître de Pierre Lemaitre.
France Inter


<< Christian Broussas – 3 jours/1 vie - 13 avril 2016 -© • cjb • © >>