À travers Utopia, l’ouvrage de Thomas More, c’est une balade dans le seizième siècle que propose la ville belge de Leuven où, il y a maintenant 500 ans, cet important essai sortit de presse chez l’imprimeur Dirk Martens.

Quelque 80 œuvres participent à cette exposition originale au M- Museum Leuven intitulée "À la recherche d’Utopia" où l’on peut par exemple admirer les  plus belles œuvres de Quinten Metsys, Jan Gossaert (portrait d’une jeune princesse danoise à la sphère armillaire), Albrecht Dürer (portrait d’un humaniste anonyme), Hans Holbein et même une superbe pièce prêtée par la reineÉlisabeth, un portrait d’Erasme peint par Quinten Metsys. 

Un livre d’or sorti à Leuven conquiert le monde

     
Hans Holbein, portrait de Thomas More
, 1516
Quinten Metsys, portrait d'Érasme, 1517, RomeQuinten Metsys, Le prêteur et sa femme, 1514, Louvres

C’est donc à Leuven, en décembre 1516 pour être précis, dans l’actuelle Naamsestraat, que fut imprimé le célèbre Utopia, fille de  la non moins célèbre Utopie : un livre original sur ce que pourrait être la république idéale et la nouvelle île Utopia, précise le sous-titre. Thomas More l’a écrit pour réagir contre la corruption et la mauvaise gestion qui sévissaient alors au royaume d’Angleterre. Il proposait sa propre vision de la société, une île imaginaire où le bonheur et la justice seraient de règle, un objectif qu’il considérait comme réaliste ce qui en tout cas remua au plus profond une société traditionnelle dominée par l’Église.

Thomas More avait un excellent ami qui s’appelait Érasme (Desiderius Erasmus) qui lui aussi, dans  son Éloge de la Folie bouleversa les idées de son temps. Beaucoup d’artistes à cette époque, peintres, tisserands autant que sculpteurs, ont puisé leur inspiration dans le rêve d’un monde idéalisé et l’aspiration à de nouveaux horizons, à une nouvelle vision des évolutions de la société génératrice d’une production artistique sans précédent.

L’art entre le paradis et l’enfer

   
Jardin clos : Stes Élisabeth-Ursule-Catherine


Rechercher l’idéal, c’est aussi se confronter à la réalité et s’exposer aux déconvenues, balancer en fait entre le succès et l’échec. Si Utopia est la recherche de l’harmonie dans la redistribution des richesses, l’égalité des chances pour tous et même la liberté religieuse, c’est également le risque d’exclusion de certains : l’utopie a son pendant appelé la dystopie.

L’illustration nous vient par exemple d’un tableau du Maître de Francfort, La fête des archers (Schuttersfeest) où l’on peut voir des gens s’amuser dans un beau jardin, tandis que d’autres personnes sont repoussées par des gardiens armés. Utopie d’un côté et dystopie de l’autre.

D’autres œuvres reprennent ce thème dans une pièce dédiée à l’art flamand. On peut y admirer les superbes Jardins clos (Besloten Hofjes) de Malines, petits chefs d’œuvre - restaurés spécialement pour l’exposition et représentant ce monde idéal au parfum de paradis.

  Jérome Bosch - Vision de Tondal

Derrière l’horizon, l’Inconnu

    
Leuven Service d’art
Pierre Descelier, cartographie-mappemonde


Derrière l’horizon, l’utopie sera les grandes expéditions maritimes et la découverte du nouveau monde, ce qui bien sûr ne pouvait que stimuler les artistes. Leur imagination va s’exercer dans la représentation de licornes mythiques, d’animaux exotiques ou de monstres et  bizarreries de régions lointaines.
L’inconnu se dévoile peu à peu avec par exemple le cartographe français Pierre Desceliers et ses fameuses Mappemondes (mappamundi) sur parchemin exécutées pour le roi de France et ces représentations de l’inconnu deviennent source d’inspiration et permettent aux artistes d’en tirer parti pour innover.

L’univers dans la main Rêves d’espace et de temps

             
                                                 Sphère armillaire de Louvain, bronze doré, 540
Ici, le rêve du monde idéal se structure dans une fusion entre la science et l’art, l’homme a l’impression de tenir l’univers dans une seule main, comme dans le portrait de la jeune princesse de Jan Gossaert.
Les hommes ne veulent plus seulement croire, aux préceptes de l’Église mais d’abord comprendre la nature et leur environnement, tant Utopia signifie d’abord rechercher les limites de l’univers. 

L’exposition présente des instruments de mesure scientifiques de Leuven datant du XVIe siècle quand la ville était en particulier renommée pour la fabrication des spectres armillaires et des astrolabes permettant de calculer la hauteur et l’emplacement des astres. Des hommes comme Gérard Mercator, Gemma Frisius ou Gualterus Arsenius ont fait de ces instruments de navigation de véritables œuvres d’art et on peut admirer à l’exposition cinq des sept spectres armillaires qui subsistent encore dans le monde.

Portrait d’une jeune princesse

                 
Jan Gossaert, Portrait d’une jeune princesse danoise portant une sphère armillaire et Portrait de marchand, 1530


On peut la considérer comme une œuvre synthèse de cette période. Cette sphère armillaire entre ses mains, où les anneaux métalliques sont les cercles célestes, représente non seulement l’univers mais symbolisait aussi à l’époque la sagesse et la connaissance.
Et comment interpréter le fait que la princesse tienne intentionnellement son instrument à l’envers ? Peut-être l’artiste voulait-il montrer que renverser les choses signifiait être ouvert aux évolutions et se projeter dans l’avenir.

Mes fiches sur Les Arts plastiques 2016
Musée du verre de Trélon  -- Auguste Rodin La porte de l’enfer --
* Le Corbusier et La villa Savoye -- Jérôme Bosh Le jardin des délices --
* La collection Chtchoukine à Paris -- À la recherche d’Utopia --


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