samedi 30 juin 2018

Patrick Modiano, Un cirque passe

Référence : Patrick Modiano, Un cirque passe, éditions Gallimard, Collection Blanche, 152 pages, août 1992

     

Jean (ou Lucien)  rencontre Gisèle (ou Suzanne), après qu'ils aient été tous deux interrogés par la police, sans vraiment savoir pourquoi. Ils se revoient, circulent dans Paris, souvent en métro, « Place du Châtelet, elle a voulu prendre le métro. C'était l'heure de pointe, nous nous tenions serrés près des portières. A chaque station, ceux qui descendaient nous poussaient sur le quai... À chaque station, ceux qui descendaient nous poussaient sur le quai. Puis nous remontions dans la voiture avec les nouveaux passagers. Elle appuyait la tête contre mon épaule et elle m'a dit en souriant que "personne ne pouvait nous retrouver dans cette foule". »

Jean, faux étudiant, vit d'expédients comme la revente de livres, Gisèle alias Suzanne Kraay est sans domicile depuis qu'elle a quitté Saint-Leu-la-Forêt. Il l'invite chez son père parti en Suisse, dans un appartement situé quai de Conti, presque vide, qu'il doit bientôt quitter et où il vit avec Grabley, ami et secrétaire de son père. 

Jean va rencontrer diverses connaissances de Gisèle, Jacques de Bavière, un homme qui possède un cheval et un appartement rue Washington et semble en pincer pour GisèlePierre Ansart plutôt louche, propriétaire d'un restaurant et ami de Jacques De Bavière. D'autres protagonistes également, Dell'Aversano, un antiquaire et libraire qui aide Jean, M.Guélin qui semble bien connaître Jean et Gisèle, Martine Gaul la gentille petite amie de Pierre Ansart, le Labrador de Gisèle qui répond au curieux nom de Raymond ou le barman de la rue Amelot.

       

Gisèle... femme mystérieuse, assez évasive sur sa vie ou son passé, que l’on devine pourtant chargé. Par exemple, que peuvent bien contenir ces deux valises que la jeune femme lui a confiées et qu'il cache dans son appartement ? Il aimerait en apprendre davantage, mais lorsqu’un policier lui en dira un peu plus sur elle, il se montrera plutôt indifférent… Et puis, rien ne dure, "un cirque passe"... [1]

Modiano imbrique le fil des deux intrigues qui constituent la trame du roman, se nouant au fil des pages sans qu’on sache bien ce qui les relie. L’histoire d’amour romantique entre les deux héros rejoint l’intrigue assez nébuleuse  faite de réminiscences économico-politiques sur fond de guerre d’Algérie, dont nous saurons finalement peu de choses. 

Les personnages comme Grabley qui brûle des papiers compromettants, Jacques de Bavière l’amant de Marie, ou même Pierre Ansart, chaque personnage conserve son mystère. Seul l’antiquaire Dell’Aversano est à part, lui qui permettra à Jean de partir en Italie pour tourner la page.

                   
    Modiano en 1969                                Marie et Zina Modiano                     

Les héros se baladent entre Paris et Boulogne, (la ville où il est né), cette musique de la phrase spécifique à l'auteur se fait entendre tout au long du récit et ne vous quitte plus, comme un air entêtant qui vous entraîne dans son rythme.
 
Comme toujours chez Modiano, l'histoire est un prétexte et l'essentiel est ailleurs, l'atmosphère trouble et insaisissable domine le roman.
Les personnages de Modiano possèdent cette propriété d'être extérieurement passifs, mais par contre intérieurement très actifs, une intériorité, des êtres effacés mais qui n'ont rien de fantômes.


  

Alain Nahum, qui a réalisé l'adaptation au cinéma sous le titre "Des gens qui passent" en dit ceci : Modiano « est un écrivain majeur, à l’univers très personnel, qui a été peu adapté au cinéma et jamais à la télévision. […] Un cirque passe… me semblait très cinématographique et me parlait de manière intime. C’est une histoire des années 60, ces années qui m’ont constitué en tant que personne... et j’y voyais tout un tas d’échos : les films de Melville, Godard, Truffaut, etc., le Saint-Germain-des-Prés existentialiste, l’univers du polar, l’ombre de la guerre d’Algérie et de l’OAS…, on y parle de partir en Italie, comme on rêvait tous de le faire alors. C’est à la fois un roman d’initiation, une sorte d’A bout de souffle à l’envers et un polar existentiel. »

                 

Notes et références
[1]
Le titre fait référence au mari de Gisèle qui travaillait au Cirque d'Hiver où elle-même avait été écuyère. Elle finira par s'effacer de sa vie comme un cirque qui ne fait dans une ville qu'un bref passage.


Mes articles sur Patrick Modiano :
* Site Catégorie Modiano --
 
Quartier perdu --
Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier -- Un pedigree --


<< Christian Broussas – Modiano Cirque - 29/06/2018 © • cjb • © >>

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire