Référence : Philippe Jaenada, "La serpe", éditions Julliard, 648 pages, 2017, prix Fémina

           
«On prend du recul pour voir les choses clairement, on trie, on assemble, et on transforme la vie, par magie. La littérature sert à faire apparaître l’invisible, l’inattendu. »
Philippe Jaenada


On dit qu’il a de faux airs de Philippe Séguin, on le compare aussi souvent à un ours, « je l’ai bien cherché, j’ai écrit "La femme et l’ours" » confesse Philippe Jaenada… et un humour caustique devenu sa marque de fabrique. Débuts difficiles avec des romans sur fond autobiographique. [1] Depuis 2014, il a décidé de traiter des faits divers, ce qui est devenu sa manière. [2] Cette fois, il s’agit de la sale histoire d’un triple meurtre perpétré dans une sale époque (la Seconde guerre mondiale), par celui qu’on considère comme un sale type.

 En octobre 1941, trois corps mutilés sont découverts dans le château d’Escoire situé dans le Périgord. Seul rescapé de la tuerie, un jeune homme Henri Girard, coupable désigné pour les enquêteurs. Frivole, dépensier, violent et arrogant, le jeune Henri fait un suspect idéal d'autant plus qu'il avait emprunté l'arme du crime, la fameuse serpe, à des voisins deux jours avant le drame.

              

En plus des présomptions qui pèsent sur lui, il adopte un comportement curieux : alors que son père, sa tante et sa domestique gisent encore dans le château, il fait preuve d'un détachement suspect aux yeux des témoins de cette scène.

Il est incarcéré mais, coup de théâtre, contre toute attente, à la suite d'un procès spectaculaire, défendu par maître Maurice Garçon, as du barreau et ami de la famille, Henri Girard est innocenté malgré les réticences d’une opinion publique qui reste persuadée de sa culpabilité.
Le sale gosse capricieux deviendra un jeune homme qui claque l’argent de son héritage, un type pas vraiment séduisant, personnage ambigu et vrai héros de roman.

Après l'abandon des charges qui pesèrent contre lui, libre désormais, il va s'exiler en Amérique du sud, au Venezuela, menant une vie de vagabond dont il se servira pour écrire Le salaire de la peur, roman dont la version cinématographique lui vaudra une grande renommée. Il revient en France en 1950 avec le manuscrit de son célèbre roman.

Jamais le mystère du triple assassinat du château d’Escoire ne sera élucidé, laissant planer sur Henri Girard, jusqu’à la fin de sa vie, une existence complexe, pleine de rebondissements, bouillonnante, l’ombre de sa culpabilité.

            

Ce "roman biographique" nous ramène à la vie d’Henri Girard, alias Georges Arnaud, le prénom de son père et le nom de jeune fille de sa mère. Une vie pleine de rebondissements, un roman feuilleton qui devait bien un jour ou l’autre exciter l’intérêt d’un écrivain. Un fait divers aussi sulfureux, un personnage aussi ambigu qu’Henri Girard ne pouvaient laisser un écrivain comme Philippe Jaenada indifférent.

Dans la peau d’un inspecteur amateur assez loufoque mais plus malin qu’on le pense, Philippe Jaenada s’est plongé dans les archives. Avec méthode, aidé des minutes du procès et d'une importante documentation, il a reconstitué peu à peu l’enquête, mettant à jour des indices insignifiants pour écrire ce récit haletant avec l’objectif de résoudre une énigme vieille de soixante-quinze ans. 

Mais il précise aussi : «Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’il y a dans l’emballage, c’est l’âme humaine. Je pense que je vais interagir sur les événements. »

        
Avec Philippe Guez                  Avec sa femme Anne-Catherine

Notes et références
 
[1] Il vit comme il peut de son écriture : de fausses lettres de cul dans des revues pornos, des nouvelles sentimentales dans des revues mielleuses, des traductions de romans de gare, des tests pour magazines féminins, des potins pour le journal people Voici…
[2] Dans la même veine, voir ses romans sur Bruno Sulak, le "gentleman-braqueur" et La petite femelle, l’histoire de Pauline Dubuisson, accusée en 1953 d'avoir tué de sang-froid son amant, qu’on présente comme une beauté ravageuse qui a couché avec les Allemands avant d’être tondue.

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