"Un certain M.Piekielny" : digression autour de Romain Gary 

Référence : de François-Henri Désérable, "Un certain M.Pikielny", éditions Gallimard, 270 pages, 2017

       
François-Henri Désérable                               Romain Gary


Monsieur Piekielny, dites-vous ? Ah oui, il fait une petite apparition dans "La promesse de l'aube" de Romain Gary. De ce figurant, François-Henri Désérable se sert pour nous entraîner dans l'histoire des juifs lituaniens qui est aussi une réflexion sur la littérature.
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L’argument du troisième ouvrage de François-Henri Désérable, "Un certain M.Piekielny", est assez mince au départ. Intrigué par quelques lignes de "La promesse de l'aube", le narrateur décide d'enquêter sur ce petit homme" qui avait, écrivit Gary, à la « barbe roussie par le tabac » et aux airs de « souris triste ».

À priori, ce monsieur Piekielny paraît bien banal, peu digne d’éveiller la curiosité d’un écrivain. À une exception près : il est le seul à prendre au sérieux les prédictions enflammées de Mina Kacew, la mère du futur Romain Gary. « Mon fils sera ambassadeur de France, chevalier de la légion d'honneur, grand auteur dramatique » assénait-t-elle à ses visiteurs. Au point qu'il fait répéter à l’enfant cette phrase à tous ceux qu’il rencontrera : « Au n°16 de la rue Grande-Pohulanka à Wilno, habitait M.Piekielny. »

Décidé à en avoir le cœur net, le narrateur part pour Wilno (appelée aujourd’hui Vilnius) capitale de la Lituanie, à la recherche de  la communauté juive lituanienne, exterminée par les nazis et leurs alliés pendant la Seconde guerre mondiale. Une politique systématique puisque on ira même jusqu’à réutiliser les anciennes pierres tombales du cimetière juif pour paver les rues.

            

« La littérature, cette fiction qui se fait vérité. »

De l’histoire, on passe à la littérature. Ce pâle personnage Piekielny est-il fictif ou réel, dont en tout cas on ne trouve plus trace dans les archives administratives ? Peut-être n’est-il qu’un personnage fictif, représentant d’un monde disparu. Il n’est pas impossible que ce futé de Romain Gary ait pris quelque liberté avec la réalité malgré que son roman La promesse de l'aube soit réputé être autobiographique. 

« Mille histoires peuvent être tramées », affirme François-Henri Désérable, et effectivement plutôt que de prendre la ligne droite, il prend beaucoup de chemins de traverse pour mieux nous mener où il veut.

Derrière la traque historico-littéraire de Monsieur Piekielny, se profile la silhouette de Romain Gary. Mais derrière Romain Gary, on trouve un "joueur de hockey" [1] nommé François-Henri Désérable, que sa mère, (ressemblant à Mina Kacew) rêve avocat ou professeur de droit, «ma mère voulait me voir triompher en droit » dit-il dans une interview. [2]
Mais son rejeton deviendra finalement écrivain.

     
   Désérable "Evariste"        F. H. Désérable et Tatiana de Rosnay


Notes et références
[1] « Par chance, dit-il dans une interview au Courrier picard, je suis tombé sur "La promesse de l’aube", le seul livre que j’avais lu et relu. J’ai eu une bonne note (au bac), ce qui m’a permis d’aller voir la finale de hockey aux Jeux olympiques de Turin comme me l’avait promis mon père. »

[2] « Lorsque j’ai gagné un prix de l’Académie française en 2013 pour mon premier roman Tu montreras ma tête au peuple, ma mère a harcelé Jean-Christophe Ruffin, qui lui a fait de longues études pour devenir médecin, pour qu’il me conseille plutôt de terminer ma thèse de droit. »

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