Référence : JMG Le Clézio, Le procès-verbal, éditions Gallimard, 320 pages, mars 1973
Quelque part dans le sud de la France (Le Clézio est né à Nice), Adam Pollo, vit en marge de la société, seul dans une vieille maison. Il fait chaud cette année-là et il passe souvent son temps à rêvasser près d’une fenêtre, à regarder le paysage, « il y avait une petite fois pendant la canicule, écrit-il, un type qui était assis devant une fenêtre ouverte. »
Il aime aussi se balader dans les rues ou le long des plages, s’arrête
dans les bistrots et fait la connaissance d’une jeune femme prénommée Michèle. On le suit ainsi tout au long de ses journées dans ses promenades, dans ses rencontres, ses parties de billard…
Il se met alors à engager la conversation avec des passants à qui il tient des propos assez curieux, comme s’il les prenait à témoin dans une discussion qu’il avait avec lui-même. Il perd peu à peu contact avec la réalité de cette ville qu’on fond de lui, il rejette. Finalement, il est interné et dans l’asile discute philosophie avec les personnes présentes. Il se sent étranger à cette société qu’il rejette et qui le rejette.
Les premiers romans de Le Clézio
Dans sa révolte contre la société, il cherche la confrontation, disant : « J'espère qu'on me condamnera à quelque chose, afin que je paye de tout mon corps la faute de vivre. » C’est en quelque sorte cette société urbaine, sale et bruyante, condamnée au consumérisme, qui l’empêche de vivre.
On lui reprochera sa façon de vivre et de se comporter, « d'avoir
sali la maison, d'avoir joué au billard, coupé des roses dans le
jardin, d'avoir bu de la bière en cassant le goulot des bouteilles
contre l'appui de la fenêtre… »
On lui reprochera d’exister.
Son seul recours est de se laisser condamner, de payer « la faute de vivre. » C’est en quelque sorte comme il l’écrit « l'histoire d'un homme qui ne savait trop s'il sortait de l'armée ou de l'asile psychiatrique. »
Roman de l’absurde d’un homme qui se cherche, étranger au monde urbain qui l’entoure, il a quelque chose d’un autre étranger, celui de Camus. On trouve aussi dans ce premier texte de Le Clézio un thème essentiel de son œuvre, le rejet du monde occidental urbain, grouillant, mécanisé, bruyant, opposé à la beauté de la nature à laquelle se raccroche Adam, la maison dans la colline, la splendeur sublime de l’été qui, là aussi, a un petit air de Tipasa.
Il décide d’écrire lui-même ce « procès-verbal » autobiographique, l’itinéraire qui l’amènera à être arrêté et "jugé", comme le sera aussi Meursault, l’étranger de Camus.
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