Romantisme au Pays basque
La villa Etchegorria
« C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière. » Edmond Rostand
Edmond Rostand (1868-1918), un homme comblé ? À tout juste 29 ans, il connaît le succès immédiat avec son Cyrano de Bergerac et trois ans plus tard, ce sera L’Aiglon avec Sarah Bernhardt. [1] Il s’installe alors avec sa femme, la poétesse Rosemonde Gérard, [2] et ses deux fils, Maurice futur poète et Jean futur biologiste, dans la villa Etchegorria, la "villa rouge".
Façade de L’Arnaga Intérieur, la salle du piano
Au bout de 15 jours, il en est très satisfait, écrivant à un ami :
« Peu à peu, je me suis habitué au pays, à ma maison, aux êtres qui
m’entourent ; et je pense aujourd’hui que c’est le seul endroit de la
terre où je pense goûter encore quelques plaisirs et où sans doute, je
finirai mes jours. » À la recherche d’un terrain, il en découvre un à Cambo-les-Bains, superbement placé et surplombant la Nive. C’est là qu’il va faire construire sa maison, L’Arnaga, l’une des plus belles maisons d’écrivains qu’on puisse visiter.
Sur une plaque au-dessus de la porte d'entrée sont gravés ces mots de Rostand :
« Toi qui viens partager notre lumière blonde
Et t'asseoir au festin des horizons changeants,
N'entre qu'avec ton cœur, n'apporte rien du monde
Et ne raconte pas ce que disent les gens. »
Cyrano de Bergerac au Carré Rondelet La salle de la bibliothèque
à Montpellier
La maison de style néo-basque alors en vogue, doit beaucoup à Rostand
qui participa à la réalisation des plans puis dessina les jardins
franco-anglais ainsi que la pergola. Le décor intérieur est adapté à
chaque pièce : l’imposante fresque très lumineuse du grand salon, le
style oriental du petit salon ou l’imposant bureau Empire. Malgré
l’échec de sa nouvelle pièce Chanteclerc, il s’y sent bien. Il y reçoit ses amis comme Gabriele d’Annunzio ou Paul Faure, certains venus en voisin comme Pierre Loti ou Francis Jammes. À l’un d’eux qui lui demandait ce qu’il pouvait bien faire dans cet endroit reculé, il répondit (en vers) :
« Ce que je fais, monsieur ? des courses dans les bois,
À travers les ronciers qui me griffent les manches ;
Le tour de mon jardin sous des arceaux de branches ;
Le tour de ma maison sur un balcon de bois. »
Paul-Jean Toulet : Retour au pays
« Il y a des pluies de printemps délicieuses où le ciel a l’air de pleurer de joie. » PJ Toulet
Le poète Paul-Jean Toulet (1869-1920)
fit plutôt le chemin inverse. Il eut une jeunesse contrastée, perdant
sa mère à sa naissance tandis que son père repart pour l’île Maurice. Le jeune garçon est alors confié à un oncle qui habite Bilhères dans la vallée d’Osso. Après quelques années de voyages, trois ans à l’île Maurice puis un an à Alger, ce natif de Pau, rejoint la capitale où il mène une vie de bohème. Il en garde cependant une grande nostalgie de son Pays basque natal qu’on retrouve dans ses écrits : « Ce
sublime aréopage de montagnes et les collines recourbées, et les arbres
lointains du vieux parc ; tout ce décor qui a ri à tant de mes joies
passagères… »
Mais au fil des années, le mal du pays est le plus fort et en 1912, il veut revoir «le bleu léger des Pyrénées » et revient s'installer chez sa sœur, à Saint-Loubès, au château de la Rafette où leur tante maternelle vit avec son mari Aristide Chaline qui a racheté le château.
Puis, après son mariage, il s’établit à Guéthary, au bord de l’eau dans la maison Etcheberria, au toit plat et aux volets verts, « à Guéthary, la mer par une fenêtre, un carré bleu tendre et des oiseaux qui passent continuellement dans le même sens. » Dans une lettre à madame Claude Debussy, il s’en moque quelque peu, écrivant « Ma hutte s’appelle Etcheberria, ce qui veut dire "maison neuve", nom plein d’originalité, surtout quand on sait qu’elle est presque aussi dégradée que l’empereur d’Autriche. »
C’est dans la quiétude du lieu qu’il écrira et publiera peu avant sa mort, son roman La jeune fille verte et, à titre posthume, son recueil de poèmes Contrerimes où se trouve ces vers :
« Et grave ces mots sur le sable :
Le rêve de l'homme est semblable
Aux illusions de la mer... »
Malade, il meurt à 51 ans et l’on retrouvera un dernier feuillet sur sa table de nuit, souvenirs de ce gave qu’il aimait tant :
« Et le gave où l’on allait nager
Enfant sous l’arche fraîche
Et le verger rose de pêches,
Gave aux rondes trop fraîches,
Au retour, on cueillait des pêches,
Enfant, cœur léger. »
Notes et références
[1] Mal
remis d'une pleurésie après la première représentation de L’Aiglon, il
part quelques mois après en convalescence à Cambo-les-Bains
[2]
Rosemonde Gérard (son nom de jeune fille) avait pour parrain Leconte de
Lisle et pour tuteur Alexandre Dumas. Edmond quitte Rosemonde
en 1915 pour son dernier amour, l'actrice Mary Marquet.
Voir aussi
* Poèmes de Paul-Jean Toulet -- PJ Toulet sur PaperBlog --
< • Christian Broussas – Pays Basque - 26/01/2017 < • © cjb © • >
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