En cette année 2014, nombreuses sont les manifestations en l’honneur de Jean Jaurès,
pour saluer l’homme de paix qui est mort pour ses idées, qui n’a pas
hésité à être à contre-courant du nationalisme qui régnait alors. [1]
« Jaurès s'est battu pour faire comprendre qu'il fallait réformer ». François Hollande le 24 avril 2014
Jean Jaurès, un prophète socialiste [2]
« La vraie lutte n’est pas entre les États mais, dans toute l’Europe, entre la démocratie politique et sociale d’un côté et l’oligarchie rétrograde, capitaliste et militariste de l’autre. » Jean Jaurès
Voilà maintenant un siècle que la Belle Époque et Jean Jaurès sont morts, que le monde a basculé dans une guerre qui deviendra vite mondiale. Un siècle, peu de temps au regard de l’histoire mais presque la préhistoire apprécié à l’aune de notre époque, un « monde d'hier » comme a écrit dans ses souvenirs l’écrivain Stefan Zweig. Jaurès, assassiné le 31 juillet 1914 alors que trois jours plus tard, l'Allemagne déclarait la guerre à la France, entraînant ce XXe siècle dans un embrasement inconnu jusqu’alors. Tout un symbole.
Qu’a donc à nous apprendre cet homme « d'avant 1914 » dont on célèbre le centenaire, au-delà de la révérence compassée à un homme politique qui truste les noms de rues ? A l’heure des doutes et des questions sur l’identité, où matérialisme et mondialisation semblent immuables, où les nationalismes n’ont jamais été aussi florissants, il est sain de se tourner vers de tels hommes qui ont beaucoup à nous apprendre.
Ses doutes et ses espoirs sont les nôtres, son questionnement sur le fragile équilibre entre liberté et égalité, entre fraternité des hommes et destin des nations ou entre réformes nécessaire et défense des invariants sont plus que jamais d'actualité. Il vécut aussi d’âpres batailles politiques, réussit à fédérer pour la première fois les tendances socialises dans un parti et demeure ainsi une référence.
Ce n’est donc pas tant une icône nationale, du « prophète du socialisme » qu’il s’agit d’honorer et de célébrer mais l’homme promoteur d’idées et débatteur redoutable, tel qu’en lui-même et au-delà de sa légende.
Jaurès : La politique et la légende
Chapeau haut-de-forme vissé sur la tête, barbe souvent en fouillis, une fleur d’églantine à la boutonnière, tel apparaît Jaurès dans son apparence d'homme de la troisième république. Mais que l'on ne s'y trompe pas : ses idées sont en avance sur son époque, exaspérant parfois ses contemporains par sa défense du capitaine Dreyfus ou des anarchistes victimes des "lois scélérates" que se dépêche de promulguer une bourgeoisie apeurée. L'action que ce tribun qui incarna la lutte contre une guerre que beaucoup jugeaient inéluctable, a toujours constitué un exemple.
Lui qui a réussi à unifier les courants socialistes en 1905, qui a milité pour la séparation des Églises et de l’État et en 1908 pour abolir la peine de mort, n'a de cesse de continuer à nous inspirer. Pour son biographe Vincent Duclert, « Jaurès n’est pas uniquement un modèle d’homme de gauche, intellectuel et multiforme, mais l’un des pères fondateurs de la politique moderne – celle qui, se dégageant des seules logiques de pouvoir et de domination, défend une souveraineté des idées, du courage, des combats nécessaires, de la transmission et de l’éducation, du spirituel et de la morale » . [3
C'est Claude Moreau, qui avait déjà créé le spectacle intitulé "Ils ont tué Jaurès" sur le site de la "Découverte en 1994, qui va mettre en scène ce nouveau spectacle sur Jean Jaurès, au titre évocateur "Jaurès, une voix pour la paix ", joué dans toute la France pour cette année du centenaire.
Cette fois, c'est bien le thème de la paix qui est mis en exergue, comme si l'on avait dépassé les événements qui ont ponctué la fin du grand tribun, le procès de son assassin et les polémiques qui à l'époque n'ont pas manqué. Place à la paix, à ce tabou repoussoir du nationalisme étroit qui a longtemps prévalu. Il faudra bien que l'on songe aussi à rendre un hommage appuyé à Romain Rolland et à son action dans les heures les plus sombres de la guerre.
Si, comme le dit l'ancien ministre Paul Quilès, « ce spectacle est plus modeste que ce que nous avions créé pour les 80 ans de la mort de Jaurès, » il fera cette fois uniquement appel à des amateurs, se voulant d'abord pour être plus près de Jaurès, du théâtre d'amateur, au sens noble du terme.
« Jaurès s'est battu pour faire comprendre qu'il fallait réformer ». François Hollande le 24 avril 2014
Jean Jaurès, un prophète socialiste [2]
« La vraie lutte n’est pas entre les États mais, dans toute l’Europe, entre la démocratie politique et sociale d’un côté et l’oligarchie rétrograde, capitaliste et militariste de l’autre. » Jean Jaurès
Voilà maintenant un siècle que la Belle Époque et Jean Jaurès sont morts, que le monde a basculé dans une guerre qui deviendra vite mondiale. Un siècle, peu de temps au regard de l’histoire mais presque la préhistoire apprécié à l’aune de notre époque, un « monde d'hier » comme a écrit dans ses souvenirs l’écrivain Stefan Zweig. Jaurès, assassiné le 31 juillet 1914 alors que trois jours plus tard, l'Allemagne déclarait la guerre à la France, entraînant ce XXe siècle dans un embrasement inconnu jusqu’alors. Tout un symbole.
Qu’a donc à nous apprendre cet homme « d'avant 1914 » dont on célèbre le centenaire, au-delà de la révérence compassée à un homme politique qui truste les noms de rues ? A l’heure des doutes et des questions sur l’identité, où matérialisme et mondialisation semblent immuables, où les nationalismes n’ont jamais été aussi florissants, il est sain de se tourner vers de tels hommes qui ont beaucoup à nous apprendre.
Ses doutes et ses espoirs sont les nôtres, son questionnement sur le fragile équilibre entre liberté et égalité, entre fraternité des hommes et destin des nations ou entre réformes nécessaire et défense des invariants sont plus que jamais d'actualité. Il vécut aussi d’âpres batailles politiques, réussit à fédérer pour la première fois les tendances socialises dans un parti et demeure ainsi une référence.
Ce n’est donc pas tant une icône nationale, du « prophète du socialisme » qu’il s’agit d’honorer et de célébrer mais l’homme promoteur d’idées et débatteur redoutable, tel qu’en lui-même et au-delà de sa légende.
Jaurès : La politique et la légende
Chapeau haut-de-forme vissé sur la tête, barbe souvent en fouillis, une fleur d’églantine à la boutonnière, tel apparaît Jaurès dans son apparence d'homme de la troisième république. Mais que l'on ne s'y trompe pas : ses idées sont en avance sur son époque, exaspérant parfois ses contemporains par sa défense du capitaine Dreyfus ou des anarchistes victimes des "lois scélérates" que se dépêche de promulguer une bourgeoisie apeurée. L'action que ce tribun qui incarna la lutte contre une guerre que beaucoup jugeaient inéluctable, a toujours constitué un exemple.
Lui qui a réussi à unifier les courants socialistes en 1905, qui a milité pour la séparation des Églises et de l’État et en 1908 pour abolir la peine de mort, n'a de cesse de continuer à nous inspirer. Pour son biographe Vincent Duclert, « Jaurès n’est pas uniquement un modèle d’homme de gauche, intellectuel et multiforme, mais l’un des pères fondateurs de la politique moderne – celle qui, se dégageant des seules logiques de pouvoir et de domination, défend une souveraineté des idées, du courage, des combats nécessaires, de la transmission et de l’éducation, du spirituel et de la morale » . [3
Jean Jaurès au théâtre
Sous l'égide de l'ancien ministre Paul Quilès, un spectacle a été créé pour être joué au musée de la mine de Cagnac pour célébrer le centenaire de sa mort. Les thèmes ne manquent pas, ses discours, sa pensée, son action contre la guerre et auprès du monde ouvrier, ils sont même plutôt trop nombreux, comme source d'inspirations pour un créateur.C'est Claude Moreau, qui avait déjà créé le spectacle intitulé "Ils ont tué Jaurès" sur le site de la "Découverte en 1994, qui va mettre en scène ce nouveau spectacle sur Jean Jaurès, au titre évocateur "Jaurès, une voix pour la paix ", joué dans toute la France pour cette année du centenaire.
Cette fois, c'est bien le thème de la paix qui est mis en exergue, comme si l'on avait dépassé les événements qui ont ponctué la fin du grand tribun, le procès de son assassin et les polémiques qui à l'époque n'ont pas manqué. Place à la paix, à ce tabou repoussoir du nationalisme étroit qui a longtemps prévalu. Il faudra bien que l'on songe aussi à rendre un hommage appuyé à Romain Rolland et à son action dans les heures les plus sombres de la guerre.
Si, comme le dit l'ancien ministre Paul Quilès, « ce spectacle est plus modeste que ce que nous avions créé pour les 80 ans de la mort de Jaurès, » il fera cette fois uniquement appel à des amateurs, se voulant d'abord pour être plus près de Jaurès, du théâtre d'amateur, au sens noble du terme.
Jaurès, un homme de combat
Plusieurs événements marquants ponctueront cette "année Jaurès" organisée par la Fondation Jean-Jaurès et les Archives Nationales. Celles-ci ont mis en place la plus grande exposition [4] jamais consacrée au grand tribun socialiste, en plus des conférences planifiées développant des thèmes spécifiques. L’exposition mobile et diverses projections qui se tiendront dans toute la France seront complétées par un film biographique diffusé en mai sur Arte. [5]
«Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup y ramène » écrivait Jean Jaurès peu avant sa disparition, lui qui défendra la paix jusqu’à en mourir pour elle, se battra pendant une bonne dizaine d’années pour la réconciliation des peuples, s’attirant ainsi la haine des nationalistes armant par leurs propos les bras d’assassins potentiels.
Né à Castres en 1859 d’une famille qui connut les difficultés de la pauvreté, cet « enfant du Tarn » poursuit cependant de brillantes études qui aboutissent à l’agrégation en 1881. Une vie tranquille, pourrait-on penser, il mène une vie d’enseignant à Albi puis à Toulouse où il est nommé maître de conférences, se marie avec Louise Bois avec qui il aura deux enfants, Madeleine (1989 – 1951) et Louis Paul (1898 – 1918). [6]
C’était sans compter avec la politique qui très tôt l’intéresse et même le passionne. Dès l’âge de 25 ans, il se présente aux législatives de 1885 à Castres où il est élu mais sera battu quatre ans plus tard. A Toulouse où il enseigne, il sera bientôt conseiller municipal puis maire-adjoint. La grande grève des mineurs de Carmaux va définitivement orientée ses choix et l’entraîner vers le socialisme. L’origine du conflit est d’ordre social : Un ouvrier Jean-Baptiste Calvignac, élu maire de Carmaux est rapidement licencié de son entreprise la Compagnie des Mines. Les deux fonctions apparaissent comme incompatibles par la direction des mines dont le président est aussi le leader local de la droite. Jaurès soutient le mouvement de grève déclenché par les ouvriers pour soutenir leur camarade et maire de Carmaux.
Fort de cette expérience, Jean Jaurès sera élu puis réélu député à partir de 1898, se faisant d’abord le défenseur acharné de Capitaine Dreyfus, luttant contre la politique colonialiste de la France, fondant le quotidien L’Humanité, étendant du mouvement socialiste, et parviendra à rassembler sous son égide les principaux courants socialistes dans un grand parti qui prendra le nom de Section Française de l’Internationale Socialiste (SFIO).
Il défendra aussi avec la foi qui l’animait ce pacifisme qui lui sera fatal, malgré la virulence des nationalismes qui brandissent insultes et menaces, malgré le poids de la perte de l’Alsace-Lorraine qui résonne comme une absence dans l’inconscience de la nation et fonde l’antagonisme haineux des relations franco-allemandes.
Malgré le poids du passé et les rivalités entre les grandes puissances européennes, il pense que les intérêts conjugués des ouvriers de ces pays seront assez forts pour s’opposer à la haine des revanchards et des nationalistes dont certains appellent au meurtre, et éviter la dérive guerrière. Sa mort le 31 juillet 1914 sonnera le glas de cet espoir et facilitera ans doute le ralliement des forces de gauche à l’Union sacrée, selon le slogan « tous unis dans la guerre », guerre déclarée trois jours plus tard, le 3 août 1914. [7]
Le courage selon Jaurès (d'après son « discours à la jeunesse »)
Son discours sur le courage –destiné à la jeunesse- est aussi un discours pour la paix, « l’humanité est maudite, écrit-il, si pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement. » Le courage est bien autre chose que la figure éternelle du héros, de se laisser dominer par le pouvoir de la force, c’est la volonté de « supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie. »Il met l’accent sur la nécessité opiniâtre de dépasser les lassitudes inévitables par le travail et l’action, de trouver dans la conscience professionnelle, l’engagement quotidien, matière à satisfaire son appétit et sa curiosité. Le plaisir de faire ce que l’on aime, ce pourquoi on se sent le mieux disposé et la satisfaction personnelle rejoignent les impératifs de l’intérêt collectif.
Ce courage dont il fait l’éloge demande de s’élever au-dessus de sa condition, d’être efficace et fraternel, c’est à la fois de « surveiller exactement sa machine à filer ou à tisser, pour qu’aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs libérés. » C’est aussi accepter d’évoluer, d’intégrer de nouvelles conditions techniques ou sociales, « d’explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, » tout en étant capable de prendre du recul et de s’élever à la beauté.
Cette forme de courage qu’il prône, c’est tout à la fois de « comprendre le réel » tout en aspirant à l’idéal et surtout aller vers les autres, aimer la vie, « la guerre abolie, écrivit-il, les occasions ne manqueront pas aux hommes d’exercer et d’éprouver leur courage » .
La fin de Jaurès
Le 31 juillet 1914, Jean Jaurès, député socialiste du Tarn, leader de la SFIO, grande figure de la IIe Internationale et directeur de L’Humanité fut assassiné par un certain Raoul Villain, à Paris, au café du Croissant. On pensa alors à l’époque qu’un obstacle essentiel sur le sentier de la guerre venait de disparaître. Et en effet, très rapidement le 2 août, la mobilisation générale fut déclarée.
Son assassin Raoul Villain resta près de cinq ans à la prison de la Santé, puis à celle de Fresnes mais il fut acquitté après un procès qui dura du 24 au 29 mars 1919. Acquittement si surprenant qu’on ne peut que se poser des questions sur cette décision. Bien sûr, l’accusé avait une lourde hérédité avec une mère et une grand-mère paternelle folles toutes les deux, mais d’autres facteurs comme la composition du jury ou les pratiques judiciaires d’alors, jouèrent un rôle déterminant. Les réactions furent assez vives dans les milieux de gauche qui organisèrent de grandes manifestations dans tout le pays.
Dans cette après-guerre où la France pensait surtout à penser ses plaies et à tourner la page, il ne faisait pas bon jouer les procureurs sur le sujet tabou de l’utilité finale de la « der des ders ».
Notes et références
[1] Voir la présentation vidéo de Gérard Lindeperg
[2] « Jean Jaurès, un prophète socialise », hors-série Le Monde, coll. « Une vie, une œuvre », 122 pages
[3] « Jaurès, 1859-1914. La politique et la légende » de Vincent Duclert, éditions Autrement, 283 pages
[4] L’exposition Jaurès aux Archives nationales, « Une vie pour l’humanité », Hôtel de Soubise, 60 rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris
[5] Voir le Film documentaire "Jaurès est vivant" et DVD, documentaire de 76 min, écrit par Jean-Noël Jeanneney et Bernard George, réalisé par Bernard Georges
[6] Voir le livre de Vincent Duclert, Gilles Candar, « Jean Jaurès », édition Fayard, 688 pages
[7] Voir aussi les articles de la revue Démocratie & socialisme : « Jaurès et le monde ouvrier », « République et socialisme chez Jaurès » , « Jaurès ou l’unité socialiste », « Jean Jaurès, une vie au service de la république sociale », « Jaurès par lui-même ».
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