Référence : Alexandre Jardin, Juste une fois, éditions Grasset,240 pages, octobre 2014, isbn 2246851386
« Un personnage de roman, c'est n'importe qui dans la rue qui va au bout de soi.» Balzac
Comme souvent Alexandre Jardin nous entraîne dans une histoire d'amour sublimée, non conventionnelle, aux sentiments portés beaucoup plus hauts que la trivialité du sexe.
Cette fois, ce n'est plus l'histoire de Fanfan et d'Alexandre qui veut prolonger à l'infini le bonheur de ces instants bénis où l’amour n’est encore qu’une promesse… ou ce "sacré Zèbre" de Gaspard Sauvage qui décide après quinze ans de mariage avec Camille, d'attiser à nouveau la flamme de la passion et de la reconquérir en inventant toutes sortes de stratagèmes, non, c'est l'histoire de César et d'Hannah qui répétait que « l'amour véritable n'est pas dans les commencements, qui se ressemblent tous, mais dans l'élaboration lente d'un lien particulier ».
Ainsi, comme l'annonçait une publicité, Alexandre Jardin « revient au roman d'amour fou » mais sans sa verve habituelle comme si la veine s'était épuisée au fil des années et des romans, avec des dialogues en langue québécoise, qui ne seront pas du goût de tout le monde.
Sans doute l'auteur s'est beaucoup amusé, écrivant en québécois, instillant dans l'histoire un personnage secondaire nommé Alexandre Jardin, centré sur ses histoires de famille et en train d'écrire Des gens très bien,s'ingéniant à multiplier les intrigues comme dans le roman populaire du XIXe siècle, car déclare-t-il, « je ne crois pas qu'on puisse écrire un roman en 2014 de la même manière que j'écrivais Le Zèbre en 1988. »
Une histoire qui n'arrive qu'aux autres (ou presque) : le jour de son mariage avec sa dulcinée, César flashe sur sa soeur cadette Hannah. Dilemme cornélien entre tous. D'un réalisme à toute épreuve et quelque peu goujat quand même, il lui fait la proposition malhonnête de s'aimer "juste une fois", « aimons-nous juste une fois et tu choisis le moment », histoire de ne rien regretter mais résigné à l'attendre le temps qu'il faudra.
Quinze ans s'écoulent avant qu'ils ne se revoient au bord d'un lac québécois, le lac Masson, peu de temps avant le mariage d'Hannah. Mais avec les années, César a changé, il ne croit plus gère au romantisme absolu de la passion, et Hannah elle-même a renoncé à l'absolu de l'amour. Eux qui avaient lors de leur premier rencontre une mentalité très différente, se sont sans le savoir beaucoup rapproché.
Mais avec Alexandre jardin, rien n'est simple... et les sentiments si volatiles. Comme il le dit dans une interview : « il n'est pas possible de claquer la porte à l'éblouissement! Parce qu'on claque la porte à la vie. Et qu'on le sait bien au fond.»
(interview de Marie-Christine Blais, La Presse, 27/09/2014)
L'auteur à Ste-Marguerite-du-lac-Masson (Québec)
Sur le Québec et le recours au québécois
« C'est vrai que je connais le Québec surtout l'été. Et l'été au Québec, ce n'est pas une saison, c'est une fête! Par ailleurs, je trouve que le naturel québécois est très porté à la passion... Écrire cette histoire de femme qui n'y croit plus, en plein Québec, c'était donc dix fois plus explosif et violent que si le roman s'était déroulé en France, où le cynisme se porte bien. Ce que vit Hannah, c'est une authentique tragédie, mais dans une atmosphère de franche gaieté ! »
« Ça fait des années que je vis une partie de l'été au Québec, et je savais qu'un jour, j'écrirais un roman québécois. Du coup, il fallait à tout prix que les dialogues soient en québécois. J'avais des kilos de notes, prises depuis des années. Or, il y a plein de langues québécoises. Une des principales difficultés techniques que j'ai eues, d'ailleurs, c'était d'arriver à être juste dans les dialogues en fonction des milieux sociaux des gens. Pour m'aider, j'ai demandé à des amis québécois de lire et relire mon texte. »
Voir aussi mes autres articles sur l'auteur :
* Alexandre Jardin et son oeuvre
* Quinze ans après -- Des gens très bien -- Juste une fois --
<< Christian Broussas – Jardin - Feyzin, 7 décembre 2014 - << © • cjb • © >>
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