Référence : Olivier Guez La disparition de Josef Mengele, éditions Grasset, 240 pages, août 2017, Prix Renaudot 2017 [1]
« C’est l’apport irremplaçable (de la littérature) que de s’emparer des blancs que l’historiographie laisse à l’imagination. »
Une chasse à l’homme où les dés sont pipés
En 1949, Josef Mengele arrive en Argentine.
L’ancien médecin tortionnaire à Auschwitz espère bien, caché par des pseudonymes, vivre une nouvelle vie à Buenos Aires. C’est l’après-guerre, une nouvelle époque commence où beaucoup veulent oublier les terribles temps de guerre, où l’Argentine de Peron est très compréhensive. Mais d’autres n’oublient pas et organisent la traque aux anciens nazis. Mengele passe au Paraguay puis au Brésil. Une errance ici ou là, un homme déguisé, angoissé, une vie de proscrit qui finira par une mort mystérieuse sur une plage en 1979. Vaine traque qui dura trente ans.
Olivier Guez part à son tour à la traque du médecin d’Auschwitz [2] qui affectionnait les expériences sur les jumeaux et les nains, collectionnait aussi les yeux bleus, qu'il épinglait sur les murs de son bureau. On y rencontre toute une faune d’anciens nazis, des agents du Mossad, des femmes prêtes à tout, de pauvres dictateurs, évoluant dans un monde corrompu par le fanatisme, le fric et l’ambition.
Mengele à Auschwitz Holocaust memorial museum Mengele en 1938 et 1956
Il est intéressé jusqu’à l’obsession par cette période du XXè siècle marquée par les deux dates butoir de 1914 et 1945, avec ses 85 millions de morts, lui qui a écrit "L'impossible retour. Une histoire des Juifs en Allemagne depuis 1945". Pour ce livre, il a écumé les archives pendant 3 ans, allant jusqu’au Brésil débusquer la ferme où Mengelé s’était terré.
Un livre où la fiction ne vient que relayer faits historiques et témoignages.
Clandestin, Mengelé débarque en Argentine en juin 1949 sous le nom d'Helmut Gregor – « le nom de l'homme qui se transforme en cafard dans La métamorphose de Kafka », remarque l’auteur, et il finira par obtenir légalement un passeport des autorités allemandes au nom de Josef Mengele fin 1956.
Josef Mengele, enfant de la grande bourgeoisie industrielle bavaroise, rêvait « de se démarquer de son père et faire une carrière universitaire.» Olivier Guez dit de lui que c’était « un personnage abject et médiocre. » [3]
Il est, ajoute-t-il, « un pur produit de l'Allemagne nazie. Ce médiocre va se couler parfaitement dans le moule de la médecine nazie ». Un opportuniste qui demande d’aller lui-même à Auschwitz. Il est présent, en grand uniforme SS, pour "sélectionner" ses cobayes.
D’une façon générale, commente Olivier Guez, « les médecins nazis ne voyaient pas les déportés comme des hommes. » Par contre, Mengele se soucie de sa petite personne. Lors de la débâcle, il détale et fuit jusqu’en Argentine où il profite de la bienveillance de Peron à son égard. Ex-collabos français, anciens officiers SS, nazis de toute l’Europe y trouvent refuge.
Contrairement au genre "m’as-tu-vu" d’un Eichmann, Mengele reste prudent. Lors de l’arrestation d’Eichmann par les Israéliens en 1960, Mengele se terre et demande constamment de l'aide à sa famille restée en Allemagne. Saisi par la peur, il se retrouvera finalement au Brésil, vivant chichement et mourra sur une plage en 1979, à 68 ans sans jamais avoir été condamné par un tribunal.
Si Mengele a peu à peu sombré dans l’angoisse et la persécution, jamais il n'a ressenti le poids de la culpabilité.
Notes et références
[1] Un des favoris de la saison littéraire, sélectionné pour le Goncourt, le Goncourt des lycéens, le Renaudot, le Médicis et l’Interallié.
[2] Voir ma fiche, Florent Brayard, Auschwitz, enquête sur un complot nazi --
[3] Voir Auschwitz, Témoignages Mengele et Annette Wieviorka sur la Shoha --
<<< •• Christian Broussas – Guez - 5/01/2018 -© • cjb •• © >>>
« C’est l’apport irremplaçable (de la littérature) que de s’emparer des blancs que l’historiographie laisse à l’imagination. »
Une chasse à l’homme où les dés sont pipés
En 1949, Josef Mengele arrive en Argentine.
L’ancien médecin tortionnaire à Auschwitz espère bien, caché par des pseudonymes, vivre une nouvelle vie à Buenos Aires. C’est l’après-guerre, une nouvelle époque commence où beaucoup veulent oublier les terribles temps de guerre, où l’Argentine de Peron est très compréhensive. Mais d’autres n’oublient pas et organisent la traque aux anciens nazis. Mengele passe au Paraguay puis au Brésil. Une errance ici ou là, un homme déguisé, angoissé, une vie de proscrit qui finira par une mort mystérieuse sur une plage en 1979. Vaine traque qui dura trente ans.
Olivier Guez part à son tour à la traque du médecin d’Auschwitz [2] qui affectionnait les expériences sur les jumeaux et les nains, collectionnait aussi les yeux bleus, qu'il épinglait sur les murs de son bureau. On y rencontre toute une faune d’anciens nazis, des agents du Mossad, des femmes prêtes à tout, de pauvres dictateurs, évoluant dans un monde corrompu par le fanatisme, le fric et l’ambition.
Mengele à Auschwitz Holocaust memorial museum Mengele en 1938 et 1956
Interview d’Olivier Guez à l’AFP
« J'ai choisi le style le plus sobre, le plus sec, le plus âpre », annonce-t-il en préambule, « car il n'était pas question de faire de la métaphore » et de ce fait il peut dire « mon livre est un roman de non-fiction … »Il est intéressé jusqu’à l’obsession par cette période du XXè siècle marquée par les deux dates butoir de 1914 et 1945, avec ses 85 millions de morts, lui qui a écrit "L'impossible retour. Une histoire des Juifs en Allemagne depuis 1945". Pour ce livre, il a écumé les archives pendant 3 ans, allant jusqu’au Brésil débusquer la ferme où Mengelé s’était terré.
Un livre où la fiction ne vient que relayer faits historiques et témoignages.
Clandestin, Mengelé débarque en Argentine en juin 1949 sous le nom d'Helmut Gregor – « le nom de l'homme qui se transforme en cafard dans La métamorphose de Kafka », remarque l’auteur, et il finira par obtenir légalement un passeport des autorités allemandes au nom de Josef Mengele fin 1956.
Josef Mengele, enfant de la grande bourgeoisie industrielle bavaroise, rêvait « de se démarquer de son père et faire une carrière universitaire.» Olivier Guez dit de lui que c’était « un personnage abject et médiocre. » [3]
Il est, ajoute-t-il, « un pur produit de l'Allemagne nazie. Ce médiocre va se couler parfaitement dans le moule de la médecine nazie ». Un opportuniste qui demande d’aller lui-même à Auschwitz. Il est présent, en grand uniforme SS, pour "sélectionner" ses cobayes.
D’une façon générale, commente Olivier Guez, « les médecins nazis ne voyaient pas les déportés comme des hommes. » Par contre, Mengele se soucie de sa petite personne. Lors de la débâcle, il détale et fuit jusqu’en Argentine où il profite de la bienveillance de Peron à son égard. Ex-collabos français, anciens officiers SS, nazis de toute l’Europe y trouvent refuge.
Contrairement au genre "m’as-tu-vu" d’un Eichmann, Mengele reste prudent. Lors de l’arrestation d’Eichmann par les Israéliens en 1960, Mengele se terre et demande constamment de l'aide à sa famille restée en Allemagne. Saisi par la peur, il se retrouvera finalement au Brésil, vivant chichement et mourra sur une plage en 1979, à 68 ans sans jamais avoir été condamné par un tribunal.
Si Mengele a peu à peu sombré dans l’angoisse et la persécution, jamais il n'a ressenti le poids de la culpabilité.
Notes et références
[1] Un des favoris de la saison littéraire, sélectionné pour le Goncourt, le Goncourt des lycéens, le Renaudot, le Médicis et l’Interallié.
[2] Voir ma fiche, Florent Brayard, Auschwitz, enquête sur un complot nazi --
[3] Voir Auschwitz, Témoignages Mengele et Annette Wieviorka sur la Shoha --
<<< •• Christian Broussas – Guez - 5/01/2018 -© • cjb •• © >>>
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