Référence : Delphine de Vigan, "Les loyautés", éditions Jean-Claude Lattès, 206 pages, janvier 2018

« Les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves. » Delphine de Vigan



Delphine de Vigan nous plonge ici dans les violences souterraines d'une famille engluée dans un divorce. Le nœud du conflit est un jeune garçon qu'une professeure veut secourir.
Le thème est certes classique, l'intimité d'une famille qui se délite et des enfants pris dans la tourmente et qui perdent leur repères, « ce sont les violences invisibles. Là, un jeune garçon se trouve partagé entre des parents qui sont dans un conflit très fort », dit-elle dans une interview.

Elle explore de nouveau les relations personnelles qui structurent la personnalité, « des promesses que nous avons murmurées ou dont nous ignorons l’écho, des fidélités silencieuses. […] Ce sont les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves, ». écrit-elle en préambule. Ceci, en passant essentiellement par les actes, sans recourir à l'étalage des pensées et des sentiments de ses personnages. [1]
 
Ses personnages sont plutôt malmenés par la vie : Théo, adolescent d’une douzaine d’années confronté à la violence d’une séparation et son ami Mathis qui l’entraîne dans des nuits de bringue. Hélène, prof de SVT dans un collège, [2] se projette dans ce jeune qui doit lui rappeler les problèmes qu’elle a connus dans son enfance. 

« Ce qui m'intéresse aussi, confie-t-elle, c’est la part d'enfance qui demeure chez les adultes. Elle se révèle chez une enseignante du garçon, qui a été victime de maltraitance quand elle était enfant, et qui va penser que le collégien a les mêmes problèmes et va l'aider, avec ou sans le soutien de ses collègues. » Cécile, La mère de Mathis voit aussi l’équilibre de sa vie familiale remis en cause quand elle s’aperçoit que son mari mène une double vie.

        

Les personnages sont arrivés à une période névralgique de leur vie, celle qui va déterminer la suite. « Il n'y a pas de morale dans mon livre, ce qui m'intéresse c'est ce moment où les choses peuvent basculer, et qui peut être aussi un rebond », précise-t-elle. La loyauté s’entend d’abord envers soi-même puis envers les autres et la société, comme autant de « fidélités silencieuses » si difficiles à assumer. 


« Ce livre s'appelle Les loyautés et pas Les solidarités parce que j'avais envie de traiter cette idée que la loyauté nous porte, nous construit, mais parfois nous empêche », précise Delphine de Vigan.
La loyauté peut aussi constituer un poids à porter pour tous ceux qui veulent lui rester fidèle.

  D. de Vigan avec la Grande Sophie

Notes et références
[1] « Ce n’est pas en recourant à l’introspection que l’auteure touche à la psyché de ses personnages, c’est en les regardant se débattre pour vivre qu’elle dessine peu à peu le réseau des loyautés, des « fidélités silencieuses », envers eux-mêmes ou envers l’autre, qui décident des choix de chacun. » Télérama du 9/01/2018
[2]
« J’ai pensé que le gamin était maltraité, écrit l'auteure, j’y ai pensé très vite, peut-être pas les premiers jours mais pas longtemps après la rentrée, c’était quelque chose dans sa façon se tenir, de se soustraire au regard, je connais ça, je connais ça par cœur... »


* Bibliographie
* Jours sans faim, éditions Grasset, 2001
* Un soir de décembre, éditions Jean-Claude Lattès, 2005
* No et moi, éditions Jean-Claude Lattès, 2007, Hatier, 2013, prix des libraires 2009
* Les heures souterraines, éditions Jean-Claude Lattès, 209

* Rien ne s’oppose à la nuit
, éditions Jean-Claude Lattès, 2011, prix du roman France Télévisions, prix Renaudot des lycéens


* Mes fiches sur Delphine de Vigan
* Les heures souterraines -- D'après une histoire vraie -- Les loyautés --
 

 
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