Référence : Gilles Martin-Chauffier, "Belle-amie", éditions Grasset, 392 pages, 2002
« Méchant moi ? Quelle erreur ! Quelquefois un trait m’échappe. Qui aime bien châtie bien. Ce qui est grave, c’est le plaisir que j’y prends. » François Mauriac
Affaire d’état ou simple magouille impliquant un ministre de la santé, comme la République en connaît régulièrement ? En tout cas, le titre est un clin d’œil à Bel ami, le roman de Maupassant qui met en scène un arriviste prêt à tout pour se faire « une place au soleil. » La peinture sociale n’est pas nouvelle et traverse le XIXème siècle de Balzac à Maupassant.
Cette fois, c’est une femme à particule Arielle de Kergantelec, petite noblesse désargentée de l’île aux moines dans le golfe du Morbihan, qui évolue dans le domaine de la mode, fascinée par l’argent facile et les avantages dont bénéficient certains politiques. Son père est aussi honnête et effacé que sa mère est opportuniste et arriviste. Un couple dissemblable qui va être entraîné dans l’aventure de leur fille.
Finalement, depuis Maupassant rien n’a vraiment changé dans ces pratiques affairistes, dans les liens trop étroits entre dirigeants politiques et dirigeants d’entreprise, ces derniers ayant parfois besoin de « coups de pouce » de l’État pour mener à bien leurs affaires.
Pas besoin non plus d’imagination pour cela, il suffit de puiser dans l’actualité remplis d’exemples édifiants qui s’empilent comme un mille-feuilles et retombent comme un soufflé.
Après Les corrompus paru en 1998, Gilles Martin-Chauffier revient avec une nouvelle affaire de corruption dans un milieu qu’il a pu largement observer comme rédacteur en chef à Paris-Match.
Le destin d’Arielle de Kergantelec va se nouer entre un ministre de la santé socialiste courtisé par tous les lobbys qui espèrent l’attirer par les (énormes) moyens dont ils disposent (ici, les laboratoires Poitou ne s’en privent pas) et un juge jouant les Robespierre de la justice, bien décidé à faire tomber des têtes sans s’en tenir à quelques lampistes comme Arielle de Kergantelec mais s’en servir simplement de cible secondaire pour viser plus haut.
On y rencontre un beau panel du microcosme parisien avec Clémence et Paul Saint-Claude PDG des laboratoires Poitou, le ministre Alexandre Darmon, Harry Sandster et ses allures de vieux lord ou des personnages secondaires comme la Guerrier, genre de starlette qui surfe sur l’actualité.
On se balade dans les beaux quartiers de Paris bien sûr, une piscine de la place Vendôme, l’appartement qu’elle a arrangé à son goût, mais aussi dans l’ascension de la Roche de Solutré avec François Mitterrand, dans un voyage ministériel en Égypte, dans quelque échappée à Lugano pour planquer du fric.
Il a parfois la dent dure, aime les bons mots, les citations cyniques comme celle de von Moltke disant « dès que c’est possible, une bonne explication doit pouvoir être comprise de travers. » Le maître d’hôtel qui ouvrait les bouteilles de champagne avec la majesté de Moïse gravant les Tables de la Loi. La starlette de l’éditeur qui jette sur Fabrice le mari d’Arielle et patron de l’agence Style, « le regard du chat sur le poisson rouge ».
Martin-Chauffier à Vannes
À propos d’Élise de Seyrennes, il raille « ces vieilles aristos du Quai qui mêlent à merveille élégance enseignée, égoïsme inné et préjugés masqués. »Dans ce milieu, montrer ses sentiments, c’est « avouer la douleur d’un drame personnel à Paris, c’est confier une soucoupe de lait à une chatte : on vous le vole pour en faire un débat. » Mais quand même, « calme, ennuyeux, beau et prospère, ce musée en plein air (le quartier du marais), donne une aura d’érudition à l’éternelle indifférence cynique des Parisiens. »
<< Christian Broussas – Belle-Amie – 17 août 2018 - © • cjb • © >>
« Méchant moi ? Quelle erreur ! Quelquefois un trait m’échappe. Qui aime bien châtie bien. Ce qui est grave, c’est le plaisir que j’y prends. » François Mauriac
Affaire d’état ou simple magouille impliquant un ministre de la santé, comme la République en connaît régulièrement ? En tout cas, le titre est un clin d’œil à Bel ami, le roman de Maupassant qui met en scène un arriviste prêt à tout pour se faire « une place au soleil. » La peinture sociale n’est pas nouvelle et traverse le XIXème siècle de Balzac à Maupassant.
Cette fois, c’est une femme à particule Arielle de Kergantelec, petite noblesse désargentée de l’île aux moines dans le golfe du Morbihan, qui évolue dans le domaine de la mode, fascinée par l’argent facile et les avantages dont bénéficient certains politiques. Son père est aussi honnête et effacé que sa mère est opportuniste et arriviste. Un couple dissemblable qui va être entraîné dans l’aventure de leur fille.
Finalement, depuis Maupassant rien n’a vraiment changé dans ces pratiques affairistes, dans les liens trop étroits entre dirigeants politiques et dirigeants d’entreprise, ces derniers ayant parfois besoin de « coups de pouce » de l’État pour mener à bien leurs affaires.
Pas besoin non plus d’imagination pour cela, il suffit de puiser dans l’actualité remplis d’exemples édifiants qui s’empilent comme un mille-feuilles et retombent comme un soufflé.
Après Les corrompus paru en 1998, Gilles Martin-Chauffier revient avec une nouvelle affaire de corruption dans un milieu qu’il a pu largement observer comme rédacteur en chef à Paris-Match.
Le destin d’Arielle de Kergantelec va se nouer entre un ministre de la santé socialiste courtisé par tous les lobbys qui espèrent l’attirer par les (énormes) moyens dont ils disposent (ici, les laboratoires Poitou ne s’en privent pas) et un juge jouant les Robespierre de la justice, bien décidé à faire tomber des têtes sans s’en tenir à quelques lampistes comme Arielle de Kergantelec mais s’en servir simplement de cible secondaire pour viser plus haut.
On y rencontre un beau panel du microcosme parisien avec Clémence et Paul Saint-Claude PDG des laboratoires Poitou, le ministre Alexandre Darmon, Harry Sandster et ses allures de vieux lord ou des personnages secondaires comme la Guerrier, genre de starlette qui surfe sur l’actualité.
On se balade dans les beaux quartiers de Paris bien sûr, une piscine de la place Vendôme, l’appartement qu’elle a arrangé à son goût, mais aussi dans l’ascension de la Roche de Solutré avec François Mitterrand, dans un voyage ministériel en Égypte, dans quelque échappée à Lugano pour planquer du fric.
Il a parfois la dent dure, aime les bons mots, les citations cyniques comme celle de von Moltke disant « dès que c’est possible, une bonne explication doit pouvoir être comprise de travers. » Le maître d’hôtel qui ouvrait les bouteilles de champagne avec la majesté de Moïse gravant les Tables de la Loi. La starlette de l’éditeur qui jette sur Fabrice le mari d’Arielle et patron de l’agence Style, « le regard du chat sur le poisson rouge ».
Martin-Chauffier à Vannes
À propos d’Élise de Seyrennes, il raille « ces vieilles aristos du Quai qui mêlent à merveille élégance enseignée, égoïsme inné et préjugés masqués. »Dans ce milieu, montrer ses sentiments, c’est « avouer la douleur d’un drame personnel à Paris, c’est confier une soucoupe de lait à une chatte : on vous le vole pour en faire un débat. » Mais quand même, « calme, ennuyeux, beau et prospère, ce musée en plein air (le quartier du marais), donne une aura d’érudition à l’éternelle indifférence cynique des Parisiens. »
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