Référence : Rosella Postorino, "La goûteuse d’Hitler", éditions Albin Michel, 382 pages, 2019
« De toute façon, Hitler dit aussi qu'il ne supporte pas la cruauté des abattoirs. »
1. Une romancière attachante
Rosella Postorino est une éditrice et journaliste italienne vivant à Rome. Considérée comme l’une des meilleures spécialistes de Marguerite Duras, elle a écrit des romans, des pièces de théâtre et des essais. Son dernier livre, couronné par le prestigieux prix Campiello, est le premier qui paraisse en France.
2. Un moment d’histoire qui nous plonge au temps de la Seconde guerre mondiale
Pour son personnage principal, Rosella Postorino s’est inspirée du témoignage de Margot Wölk, Rosa Sauer, alors très âgée. Hitler a développé peu à peu une psychose de peur, craignant en particulier de mourir empoisonné.
En 1943, alors qu’il résidait dans son quartier général surnommé « La tanière du loup » en Prusse-Orientale (aujourd’hui partie de la Pologne), il demanda que dix femmes goûtent chaque jour les plats qui devaient lui être servis.
Rosa est enrôlée et payée 200 marks par mois. Pendant deux ans, elle goûte les mets du chef nazi sous la surveillance des SS attachés au Führer. Les dix jeunes femmes doivent attendre une heure après les repas afin de savoir si un plat a été affecté par un poison. En juillet 1944, après l’attentat raté contre Hitler, elles seront retenues contre leur gré jusqu’à la débâcle de l’Allemagne.
3. une anecdote symbolique qui s’enracine dans l’Histoire
Une histoire dans la grande histoire basée sur la vie de Rosa Sauer pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette jeune Berlinoise de 26 ans, a été obligée d'aller vivre à Gross-Partsch en en Prusse-Orientale chez ses beaux-parents pendant que son mari Gregor est mobilisé sur le front russe depuis deux ans. Sa mère a été tuée dans un bombardement américain et son logement réduit en cendres.
est une femme comme beaucoup d’autres mais qui vivra une aventure très singulière. L’auteure parvient à faire de cette histoire plutôt anecdotique une histoire forte, captivante soutenue par un style agréable, bien adapté aux différents épisodes de sa narration.
Dans une interview, Rosella Postorino parle de la genèse de son roman : « J’ai eu l’idée de mon livre en lisant un article sur Margot Woelk. À 95 ans, elle confessait son passé de goûteuse tout en affirmant ne pas avoir été nazie. Ce qui me fascinait, c’est qu’elle avait été à la fois victime, puisqu’elle risquait sa vie tous les jours, et complice du régime, car elle était payée 200 marks par mois pour protéger Hitler... »
Rosella Postorino cherche alors à retrouver Margot Woelk mais elle arrive trop tard : Margot vient de décéder. « J’étais désespérée, confesse-t-elle, je pensais que je n’avais plus le droit de raconter cette histoire-là, car je ne suis pas allemande, je n’ai pas vécu la guerre ni la dictature. Mais je me suis finalement lancée car une question me hantait : "qu’aurais-je fait à sa place" ? »
Pour mieux s’identifier à Margot, elle décide de l’appeler Rosa, Rosella comme l’appelaient ses parents, vendeurs de légumes en Calabre. « Je pense que tout le monde aurait pu agir comme Margot. Et je voulais imaginer mes mesquineries, mes peurs, mais aussi mes désirs, mes besoins, mon courage, dans une situation extrême. »
Margot Woelk à Berlin en 2013
Rosella devant la résidence de Margot près du QG d’Hitler
Elle a refusé de mettre Hitler en scène car dit-elle, « Hitler est presque présent comme dieu, il est invisible mais décide de la vie et de la mort de tout le monde… mais il était aussi un humain, il avait des problèmes de digestion et prenait seize cachets par jour contre les flatulences ! »
Depuis l’arrivée au pouvoir de Matteo Salvini dans son pays – « Il me ferait presque regretter Berlusconi » –, Rosella Postorino sait bien que son roman est en pleine actualité : « On rejette les migrants… Les États-Unis et la Suisse avaient aussi refusé la venue de beaucoup de réfugiés juifs qui fuyaient le nazisme. Hier comme aujourd’hui, il y a pour chacun d’entre nous la possibilité de devenir complice de gens qui s’en prennent à la liberté… »
Voir aussi
* FOG, La cuisinière d'Himmler --
* Michel Onfray, Le canari du nazi --
* Dorothy Thompson, J'ai vu Hitler --
<<< •• Christian Broussas – Posterino - 17/01/2019 -© • cjb •• © >>
« De toute façon, Hitler dit aussi qu'il ne supporte pas la cruauté des abattoirs. »
1. Une romancière attachante
Rosella Postorino est une éditrice et journaliste italienne vivant à Rome. Considérée comme l’une des meilleures spécialistes de Marguerite Duras, elle a écrit des romans, des pièces de théâtre et des essais. Son dernier livre, couronné par le prestigieux prix Campiello, est le premier qui paraisse en France.
2. Un moment d’histoire qui nous plonge au temps de la Seconde guerre mondiale
Pour son personnage principal, Rosella Postorino s’est inspirée du témoignage de Margot Wölk, Rosa Sauer, alors très âgée. Hitler a développé peu à peu une psychose de peur, craignant en particulier de mourir empoisonné.
En 1943, alors qu’il résidait dans son quartier général surnommé « La tanière du loup » en Prusse-Orientale (aujourd’hui partie de la Pologne), il demanda que dix femmes goûtent chaque jour les plats qui devaient lui être servis.
Rosa est enrôlée et payée 200 marks par mois. Pendant deux ans, elle goûte les mets du chef nazi sous la surveillance des SS attachés au Führer. Les dix jeunes femmes doivent attendre une heure après les repas afin de savoir si un plat a été affecté par un poison. En juillet 1944, après l’attentat raté contre Hitler, elles seront retenues contre leur gré jusqu’à la débâcle de l’Allemagne.
3. une anecdote symbolique qui s’enracine dans l’Histoire
Une histoire dans la grande histoire basée sur la vie de Rosa Sauer pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette jeune Berlinoise de 26 ans, a été obligée d'aller vivre à Gross-Partsch en en Prusse-Orientale chez ses beaux-parents pendant que son mari Gregor est mobilisé sur le front russe depuis deux ans. Sa mère a été tuée dans un bombardement américain et son logement réduit en cendres.
est une femme comme beaucoup d’autres mais qui vivra une aventure très singulière. L’auteure parvient à faire de cette histoire plutôt anecdotique une histoire forte, captivante soutenue par un style agréable, bien adapté aux différents épisodes de sa narration.
Dans une interview, Rosella Postorino parle de la genèse de son roman : « J’ai eu l’idée de mon livre en lisant un article sur Margot Woelk. À 95 ans, elle confessait son passé de goûteuse tout en affirmant ne pas avoir été nazie. Ce qui me fascinait, c’est qu’elle avait été à la fois victime, puisqu’elle risquait sa vie tous les jours, et complice du régime, car elle était payée 200 marks par mois pour protéger Hitler... »
Rosella Postorino cherche alors à retrouver Margot Woelk mais elle arrive trop tard : Margot vient de décéder. « J’étais désespérée, confesse-t-elle, je pensais que je n’avais plus le droit de raconter cette histoire-là, car je ne suis pas allemande, je n’ai pas vécu la guerre ni la dictature. Mais je me suis finalement lancée car une question me hantait : "qu’aurais-je fait à sa place" ? »
Pour mieux s’identifier à Margot, elle décide de l’appeler Rosa, Rosella comme l’appelaient ses parents, vendeurs de légumes en Calabre. « Je pense que tout le monde aurait pu agir comme Margot. Et je voulais imaginer mes mesquineries, mes peurs, mais aussi mes désirs, mes besoins, mon courage, dans une situation extrême. »
Margot Woelk à Berlin en 2013
Rosella devant la résidence de Margot près du QG d’Hitler
Elle a refusé de mettre Hitler en scène car dit-elle, « Hitler est presque présent comme dieu, il est invisible mais décide de la vie et de la mort de tout le monde… mais il était aussi un humain, il avait des problèmes de digestion et prenait seize cachets par jour contre les flatulences ! »
Depuis l’arrivée au pouvoir de Matteo Salvini dans son pays – « Il me ferait presque regretter Berlusconi » –, Rosella Postorino sait bien que son roman est en pleine actualité : « On rejette les migrants… Les États-Unis et la Suisse avaient aussi refusé la venue de beaucoup de réfugiés juifs qui fuyaient le nazisme. Hier comme aujourd’hui, il y a pour chacun d’entre nous la possibilité de devenir complice de gens qui s’en prennent à la liberté… »
Voir aussi
* FOG, La cuisinière d'Himmler --
* Michel Onfray, Le canari du nazi --
* Dorothy Thompson, J'ai vu Hitler --
<<< •• Christian Broussas – Posterino - 17/01/2019 -© • cjb •• © >>
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