Référence : Thierry Laget, Proust prix Goncourt 1919, éditions Gallimard, collection Blanche, 272 pages, avril 2019

Une émeute littéraire
                          
Jacques Emile Blanche - Portrait de Marcel Proust - 1892 - Musée d'Orsay

Déjà en 1913, Marcel Proust penser bien se faire couronner prix Goncourt pour le premier tome d’À la recherche, intitulé  Du côté de chez Swann.  [1]
Restaurant Drouant, 10 décembre 1919 : Cette fois, c’est fait, mais le monde littéraire apprend avec stupeur que le prix Goncourt 1919 est attribué à Marcel Proust pour son roman À l'ombre des jeunes filles en fleurs, deuxième tome d’À la recherche du temps perdu.



Placard manuscrit inédit de "A l'ombre des jeunes filles en fleurs"

Aussitôt c’est le tollé : éclate un tonnerre de protestations, tout le monde vilipende cette attribution au nom de considérations aussi oiseuses que contradictoires. Les voix des anciens combattants se mêlent à celles des pacifistes, des réactionnaires, des révolutionnaires. Tous ceux qui se sentent humiliés ou insultés par un livre qui, ressuscitant le temps perdu, semble dédaigner le temps présent. 



Pendant des semaines, Proust est descendu en flamme par une bonne partie de la presse, brocardé, injurié, parce qu’il n’est plus très jeune [2], riche en plus, être passé à travers la guerre, ne pas écrire sur les poilus et leur vie dans les tranchées, au miment où sortait L’Enfer de Barbusse.
 

Parmi les Goncourt, seuls au départ Léon Daudet et J-H Rosny sont acquis à Proust. Les autres penchent  plutôt pour un roman qui lui, est vraiment dans l’air du temps : Les croix de bois de Roland Dorgelès.

Proust, agacé par l'hostilité dont il était l'objet et les coups bas qu'il recevait, mais sûr de lui, écrira à Gaston Gallimard : « A propos du prix Goncourt, le seul plaisir qu’il me donne est de penser qu’il est un peu agréable à la NRF, à vous avant tout, […] à qui il peut laisser espérer d’avoir pris un pas trop mauvais ouvrage et qui durera assez ».

Pour commémorer le centenaire de ce prix, une exposition a été organisée qui réunit manuscrits originaux, correspondance de Proust et Gallimard ou le plus célèbre portrait de l’écrivain.
  

        
Proust : Les essentielles

Cette exposition présentée dans la Maison de la tante Léonie à Illiers-Combray [3] permet de voir des documents exceptionnels : le contrat d’édition de la célèbre "Recherche" signé par Marcel Proust et Gaston Gallimard, ainsi que les lettres échangées entre l’éditeur et l’écrivain, qui donnent un nouvel éclairage aux relations entre l’écrivain et son éditeur, faites de respect et de passion, correspondance qui donne une idée de la façon dont l’œuvre a germé et évolué dans l’esprit de Proust et les pratiques éditoriales de l’époque.
 
On peut également y voir les épreuves d’imprimerie corrigées et augmentées par Marcel Proust et un rare exemplaire de luxe de sa saga, la lettre des jurés du prix Goncourt annonçant l’attribution du prix.
Enfin, deux particularités attendent le visiteur : d’abord le manuscrit inédit sur lequel l’État a exercer son droit de préemption et autre pièce majeure, le célèbre portrait de l’écrivain par Jacques-Émile Blanche,  prêté par le Musée d’Orsay.  

             

Notes et références
[1]
Voir les deux ouvrages que Thierry Laget a consacrés à cet ouvrage : "Du côté de chez Swann" et "Un amour de Swann"
[2] Alors que le testament d’Edmond de Goncourt spécifiait bien que le prix devait aller à l’originalité du talent mais aussi à la jeunesse.
[3]
Exposition à la Maison de Tante Léonie – Musée Marcel Proust

Place Lemoine – 28120 Illiers-Combray

<< Christian Broussas – Proust, Goncourt - 9/06/2019 © • cjb • © >>