jeudi 19 septembre 2019

Joyce Carol Oates, Un livre de martyrs américains


         
              
 « Aujourd’hui je suis raisonnablement heureuse. » Joyce Carol Oates

Un livre implacable sur un thème actuel : le drame de l’avortement qui déchire ici l’Amérique. Il s’agit, selon le Washington Post du «livre le plus important d’Oates ». Peut-être…  En tout cas, il sera en bonne compagnie avec des ouvrages comme Bellefleur, Eux, Blonde, Nous étions les Mulvaney, Maudits , J’ai réussi à rester en vie.

 Une puissance, écrit un critique, et une énergie sans cesse renouvelées, malgré ses 81 ans… et le prix de Jérusalem pour "la liberté des individus dans la société".
Elle a réussi dans tous les genres : romans, nouvelles, poésie, essais, théâtre, livres pour la jeunesse… sans doute une centaine d’ouvrages.

Un appétit d’écrire, « sans doute parce que j'attends toujours d'écrire LE livre qui restera, confiait-elle à Télérama en 2014. Mais je crois que le nombre importe peu, et qu'il faut prendre chaque livre comme une entité indépendante des autres. (…) À chaque ouvrage,  j'explore un nouveau mode d'expression. Un roman est toujours un monde en soi, peu importe que ce soit le troisième ou le vingtième. Certains pensent que j'ai une personnalité multiple. Je crois que je n'ai pas de personnalité du tout. Je suis transparente. J'observe, j'absorbe, et tout ressort dans mes livres. »

Lors d’une interview de Laure Adler en 2012 à l'Université de Princeton, New Jersey, elle se confie sur la perte de son mari  Raymond J. Smith et le journal qu’elle a consacré à sa disparition. « J’étais très seule, je n’étais pas sûre de vouloir continuer à vivre, je ne pouvais pas imaginer l’avenir, je ne pouvais pas penser au lendemain, j’avais besoin de ce journal, je ne pouvais pas écrire un roman car pour écrire un  roman, il faut se projeter dans l’avenir… Le publier a été "complètement thérapeutique". »

Pour elle, « écrire est un acte de communication », ne serait-ce qu’à la suite de la publication de son journal intitulé J'ai réussi à rester en vie, elle a reçu de nombreuses lettres de femmes qui avaient aussi vécu la perte de leur compagnon ? Cette expérience traumatisante a été marquée par une période de déprime, si bien qu’elle estime aujourd’hui être "raisonnablement  heureuse".

Dans son Journal, on découvre une femme heureuse parvenant avec les années à trouver un équilibre, écrivant des heures entières dans son appartement, entourée de son mari, Ray Smith, vivant avec lui un "amour amical". Elle aime aussi beaucoup enseigner, côtoyant sur le campus de Princeton des collègues qui comptent parmi les plus connus des écrivains américains comme John Updike, Norman Mailer, Philip Roth, ou le prix Nobel Saül Bellow

On y découvre une femme qui brocarde les féministes, trouvant leurs pensées assez simplistes, celles du bien contre le mal, des femmes contre les hommes, estimant que la révolution sexuelle a été un désastre et qu’elles ont « un désir de réduire tout le monde à la féminité. »  
 
Une femme que les écrivains-penseurs exaspèrent, pour qui Freud n’a rien compris à la mélancolie,  qui pense que Kierkegaard « est prétentieux », que Paul Valéry et Rilke « peuvent être considérés sous certains aspects comme des individus assez ridicules ».  Elle est toujours dans le doute, ressent fortement « la précarité » des choses et se retrouve dans cette devise de Platon : « Une vie à laquelle l'examen fait défaut ne mérite pas qu'on la vive. »

Reste  l’écriture : « L'art passe en premier, doit passer en premier, et tout le reste est groupé autour, y est subordonné (...) Rien d'autre n'est permanent, rien n'est transcendant, en dehors de l'art. » Mais en fait, l’écrivain ne maîtrise rien et « l'esprit souffle où il veut… »

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