mardi 12 novembre 2019

Amélie Nothomb, Biographie de la faim

Référence : Amélie Nothomb, Biographie de la faim, éditions Albin Michel, 241 pages, 2004
       

Amélie Notomb
  nous entraîne dans les pérégrinations de sa jeunesse, au temps où la famille suivait un père diplomate qui déménageait au gré de ses nominations.

Un vrai pigeon voyageur qui l’a sûrement beaucoup marquée, la menant d’abord au Japon, pays qui l’enchanta et où elle reviendra [1], puis la Chine au temps de la Révolution culturelle et de la dictature maoïste qu’elle quittera avec soulagement [2], New-York et enfin de nouveau l’extrême orient.

Une mémoire remarquable aussi quand elle écrit par exemple « qu’à sept ans, j’eus la sensation précise que tout m’était déjà arrivé », une vie déjà bien remplie si l’on en croit les multiples souvenirs qui émaillent son récit.

     

Cette faim qui la dévore, c’est la faim de tout et pas seulement des sucreries qu’elle adore au-delà de tout, une boulimie de vivre qui se décline aussi en peur de s’ennuyer [3],« j’avais faim et je me créais des univers qui certes ne me rassasiaient pas mais qui déclenchaient du plaisir là où il y avait de la faim. » (page 138)
Un plaisir sans limite, jusqu’à l’extrême, une potomanie  de « la nature enfantine qui m’apparentait au tube.  » Elle y voit « la métaphore physiologique de mon besoin d’absolu. » [4]



New-York, c’est pour elle une révélation, une époque bénie avec sa sœur Juliette quelle admire, sans son frère André resté en Belgique, qui se moque d’elle tout le temps. C’est une vie de rêve pour une jeune fille privilégiée qui aurait pu avoir une vie d’insouciance si elle se s’était appelée Amélie Notomb.  Avec elle, rien n’est simple et sa place de première de la classe lui causera bien des problèmes. Même Inge, la jeune fille au pair, fera elle-même son propre malheur.

            

Puis vint la nouvelle annoncée bien en avance du départ pour le Bangladesh, son père devenant ambassadeur à Dacca. Elle en fut inconsolable. Quitter ses deux grandes amies du lycée français, quitter les fastes de New-York, les sorties dans les endroits à la mode, être privée de spectacles, des superbes comédies musicales fut vécu comme une terrible punition.

C’était pour elle et sa sœur quitter le paradis pour l’enfer. Elle s’attendait au pire et ne fut pas déçue, surtout quand elles allaient visiter la léproserie de Jalchatra perdue dans la jungle. Même les escapades à Calcutta ne la distrayaient pas de l’ambiance bengalie.
Le passage à l’adolescence, la transformation de son corps qui se produisit lors de séjour suivant en Birmanie, fut pour elle un cataclysme. 

Elle s’identifie au personnage du Pavillon d’or de Mishima, le bonze pyromane, « ce moine disgracié qui prenait la beauté en haine. » Même la beauté de Pagan, l’ancienne cité des temples, « le lieu le plus sublime de cette planète » ne parvient pas à l’émouvoir, la laissent même accablée. « En vérité, 
écrit-elle, j’étais au paroxysme de la faim : j’avais faim d’avoir faim. » (page  217)


Son mal-être prend de telles  proportions qu’il se transforme en anorexie. Cette descente aux enfers s’accompagne d’une dissociation entre le corps et l’esprit. Elle s’identifie à Grégoire Samsa, le personnage de La Métamorphose de Kafka, l’être qui se transforme en bête, « objet d’effroi pour les siens et surtout pour soi-même. »
Le retour à la "normalité" fut une terrible épreuve pour un corps qui rejette la nourriture.


Après un ultime séjour au Laos, c’est le retour à Bruxelles où elle devient une étudiante appliquée qui obtiendra un diplôme de philologie. Mais son rêve est de repartir au Japon qu’elle a quitté il y a 16 ans, rêve qu’elle réalise en 1989 avec une irrépressible émotion. Elle a 21 ans, commence vraiment à écrire, revoit, déçue, le village de Shukugawa où elle vécue toute petite et avec une joie non dissimulée Nishio-san qui fut sa nourrice et survécut au tremblement de terre de Kobé en 1995.
Et y rencontrera l’amour avec Rinri. Une autre histoire qu’elle a raconté dans Stupeur et Tremblements.



Notes et références
[1] Voir "Stupeur et tremblements", Grand prix de l’Académie française en 1999
[2]
« Entre la Chine et le Japon, je n’avais pas eu l’ombre d’une hésitation… Je vénérais l’empire du Soleil Levant, sa sobriété, son sens de l’ombre, sa douceur, sa politesse. »
[3] « Je me rappelai qu’à l’âge de trois ans… j’avais déjà eu cette conviction écœurée d’avoir tout vécu. » (page 97 )

[4] Sur ses problèmes d’appétence, de boulimie, voir son livre "Métaphysique des tubes "

Mes fiches sur Amélie Nothomb
* Amélie Notomb, Son parcours -- Soif --
* Amélie Notomb, Pétronille -- Biographie de la faim --


<< Christian Broussas Notomb Faim - 10/08/2019 • © cjb © • >>

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire