«
Je vois encore la moquette bleue de la rue de Tournon, les trois
petites marches qui menaient à la chambre de Gérard, où se trouvait un
lit assez large et sans sommier. La lumière venait de la cour. »
Gérôme Garcin
L'éternel jeune homme
« Il y a soixante ans, nous dit son gendre le journaliste Jérôme Garcin, le 25 novembre 1959, disparaissait Gérard Philipe. Il avait trente-six ans. Juste avant sa mort, ignorant la gravité de son mal, il annotait encore des tragédies grecques, rêvait d’incarner Hamlet et se préparait à devenir, au cinéma, le Edmond Dantès du Comte de Monte-Cristo. C’est qu’il croyait avoir la vie devant lui. Du dernier été à Ramatuelle au dernier hiver parisien, semaine après semaine, jour après jour, l’acteur le plus accompli de sa génération se préparait, en vérité, à son plus grand rôle, celui d’un éternel jeune homme. »
Gérard Philipe dans Belles de nuit
S'il a été enterré dans le costume du Cid, c'est bien que ce rôle a durablement marqué sa carrière et son image auprès du public. Il a toujours fait le choix d'interpréter "les grands textes" classiques, du TNP de Jean Vilar, du Festival d’Avignon, qui ont largement contribué à bâtir son aura.
Gérard Philipe dans Une si jolie petite plage de Yves Allégret
Et pourtant, il ne reste guère de traces de ses interprétations théâtrales puisque Jean Vilar a toujours refusé la captation de ses pièces. Il nous reste quelques photos d’Agnès Varda hors représentations et quelques enregistrements de l'époque. Même les films où il jouait les premiers rôles sont rarement projetés.
Et pourtant, malgré tous ces problèmes, son succès ne s'est jamais démenti et il traverse les époques sans une ride.
Gérard Philipe sur les quais de Seine
C'est bien cette image éternelle de jeune premier qui concoure à ce qu'il représente encore, le fait que la mort le prit presque par surprise, que sa vie fût brève, qu'il incarne par là même cet idéal d'un jeune home radieux où se reconnaissait la France des lendemains de la guerre.
En répétition à Chaillot en 1958
Régis Debray fait allusion à son « physique moral », belle expression qui montre aussi sa capacité à dépasser ses personnages pour se hisser dans la catégorie des rares "monstres sacrés" qui marquent leur époque et résistent au temps.
Gérard Philippe dans le rôle du Cid
Sa mort fut un événement considérable. Dès l'annonce de sa disparition, non seulement le monde culturel fut en deuil, mais il fait la Une d'innombrables journaux, les actualités télévisées et les plus grands théâtres lui rendent un hommage appuyé et unanime, y compris bien sûr les pays de l’Est où il était adulé autant comme comédien que comme militant de gauche se battant pour la paix.
Cet écho est toujours perceptible et même aujourd’hui existent des clubs de fans par exemple au Japon et sa tombe à Ramatuelle est toujours visitée par une foule nombreuse.
Les amants de Montparnasse : Gérard Philipe dans le rôle de Modigliani
Jérôme Garcin est bien parvenu à reconstituer la fin de vie de Gérard Philipe. C'était aussi, de son point de vue, l'unique manière de faire appréhender l'incroyable rapidité de la maladie : « Entre le mois d’août et le 25 novembre 1959, tout est détruit et tout s’accomplit. »
Gérard Philipe et Jean Vilar au TNP à Avignon
Il a fallu qu'il soit méticuleux, très « soucieux et maniaque du détail » pour « montrer ce saccage absolu d’une vie et raconter une fin brutale et inattendue. » Il précise ainsi dans une interview : « Entre le moment où il sort de la clinique et le moment où il meurt, Gérard Philipe, qui a tous ses esprits, qui croit qu’il va vivre encore, sinon longtemps, du moins un peu, fait en quelques jours le plein, au sens physique du terme, des grands textes du théâtre grec, et réfléchit à des rôles possibles. En somme, il est mort rempli de projets et plein d’avenir. C’est tout le sens de la scène finale, où l’habilleuse du TNP vient le vêtir du costume du Cid pour son ultime représentation. »
Gérard Philippe en 1955
Jérôme Garcin rappelle les principes qui s'appliquaient à l'époque du TNP (Théâtre National Populaire) de Jean Vilar :
1- « Son nom est placé à la fin, par ordre alphabétique, dans le même caractère que les autres, c'est inimaginable aujourd'hui.
2- Son cachet de la star qu'il est resté, est le même que celui des autres comédiens de la troupe de Jean Vilar. Et pour lui, cela aurait été insensé de demander davantage ou d'exiger que son nom soit écrit en plus gros.
3- Il travaillait ardemment à ce que le syndicat des acteurs qu'il avait créé, se batte pour l'égalité de tous les comédiens. Est ce que vous imaginez tout cela mis bout à bout sur le visage d'un comédien aujourd'hui ? »
<<• Christian Broussas – Gérard Philipe - 12/12/2019 © • cjb • © >>
Gérôme Garcin
L'éternel jeune homme
« Il y a soixante ans, nous dit son gendre le journaliste Jérôme Garcin, le 25 novembre 1959, disparaissait Gérard Philipe. Il avait trente-six ans. Juste avant sa mort, ignorant la gravité de son mal, il annotait encore des tragédies grecques, rêvait d’incarner Hamlet et se préparait à devenir, au cinéma, le Edmond Dantès du Comte de Monte-Cristo. C’est qu’il croyait avoir la vie devant lui. Du dernier été à Ramatuelle au dernier hiver parisien, semaine après semaine, jour après jour, l’acteur le plus accompli de sa génération se préparait, en vérité, à son plus grand rôle, celui d’un éternel jeune homme. »
Gérard Philipe dans Belles de nuit
S'il a été enterré dans le costume du Cid, c'est bien que ce rôle a durablement marqué sa carrière et son image auprès du public. Il a toujours fait le choix d'interpréter "les grands textes" classiques, du TNP de Jean Vilar, du Festival d’Avignon, qui ont largement contribué à bâtir son aura.
Gérard Philipe dans Une si jolie petite plage de Yves Allégret
Et pourtant, il ne reste guère de traces de ses interprétations théâtrales puisque Jean Vilar a toujours refusé la captation de ses pièces. Il nous reste quelques photos d’Agnès Varda hors représentations et quelques enregistrements de l'époque. Même les films où il jouait les premiers rôles sont rarement projetés.
Et pourtant, malgré tous ces problèmes, son succès ne s'est jamais démenti et il traverse les époques sans une ride.
Gérard Philipe sur les quais de Seine
C'est bien cette image éternelle de jeune premier qui concoure à ce qu'il représente encore, le fait que la mort le prit presque par surprise, que sa vie fût brève, qu'il incarne par là même cet idéal d'un jeune home radieux où se reconnaissait la France des lendemains de la guerre.
En répétition à Chaillot en 1958
Régis Debray fait allusion à son « physique moral », belle expression qui montre aussi sa capacité à dépasser ses personnages pour se hisser dans la catégorie des rares "monstres sacrés" qui marquent leur époque et résistent au temps.
Gérard Philippe dans le rôle du Cid
Sa mort fut un événement considérable. Dès l'annonce de sa disparition, non seulement le monde culturel fut en deuil, mais il fait la Une d'innombrables journaux, les actualités télévisées et les plus grands théâtres lui rendent un hommage appuyé et unanime, y compris bien sûr les pays de l’Est où il était adulé autant comme comédien que comme militant de gauche se battant pour la paix.
Cet écho est toujours perceptible et même aujourd’hui existent des clubs de fans par exemple au Japon et sa tombe à Ramatuelle est toujours visitée par une foule nombreuse.
Les amants de Montparnasse : Gérard Philipe dans le rôle de Modigliani
Jérôme Garcin est bien parvenu à reconstituer la fin de vie de Gérard Philipe. C'était aussi, de son point de vue, l'unique manière de faire appréhender l'incroyable rapidité de la maladie : « Entre le mois d’août et le 25 novembre 1959, tout est détruit et tout s’accomplit. »
Gérard Philipe et Jean Vilar au TNP à Avignon
Il a fallu qu'il soit méticuleux, très « soucieux et maniaque du détail » pour « montrer ce saccage absolu d’une vie et raconter une fin brutale et inattendue. » Il précise ainsi dans une interview : « Entre le moment où il sort de la clinique et le moment où il meurt, Gérard Philipe, qui a tous ses esprits, qui croit qu’il va vivre encore, sinon longtemps, du moins un peu, fait en quelques jours le plein, au sens physique du terme, des grands textes du théâtre grec, et réfléchit à des rôles possibles. En somme, il est mort rempli de projets et plein d’avenir. C’est tout le sens de la scène finale, où l’habilleuse du TNP vient le vêtir du costume du Cid pour son ultime représentation. »
Gérard Philippe en 1955
Jérôme Garcin rappelle les principes qui s'appliquaient à l'époque du TNP (Théâtre National Populaire) de Jean Vilar :
1- « Son nom est placé à la fin, par ordre alphabétique, dans le même caractère que les autres, c'est inimaginable aujourd'hui.
2- Son cachet de la star qu'il est resté, est le même que celui des autres comédiens de la troupe de Jean Vilar. Et pour lui, cela aurait été insensé de demander davantage ou d'exiger que son nom soit écrit en plus gros.
3- Il travaillait ardemment à ce que le syndicat des acteurs qu'il avait créé, se batte pour l'égalité de tous les comédiens. Est ce que vous imaginez tout cela mis bout à bout sur le visage d'un comédien aujourd'hui ? »
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