La suite romanesque et picaresque de "Au-revoir là-haut" et de "Couleurs de l’incendie"
Référence : Pierre Lemaitre, Miroir de nos peines, éditions Albin Michel, 544 pages, janvier 2020
Pierre Lemaitre et Sandrine Bonnaire
La petite Louise, qui avait assisté Albert et Édouard dans leur arnaque aux Monuments aux morts dans le tome I Au revoir là-haut, est maintenant âgée de 30 ans. Nous sommes en avril 1940, à la veille de la fin de la « drôle de guerre » et de l’invasion allemande du 10 mai 1940 qui va précipiter la France dans la débâcle et l’Occupation.
C'est ainsi qu'il voit la débâcle : « Confusément, cet autobus apparaissait à tous ses occupants comme une métaphore du moment.
Pendant que le pays prenait l'eau de toutes parts, ce véhicule aveugle avançait vers une destination inconnue dont personne n'était certain de revenir, en se frayant un chemin pénible entre les files de Parisiens affolés qui tous se sauvaient dans la même direction. »
C'est ainsi que sur la couverture du livre, on peut voir gens et véhicules qui s'enchevêtrent dans une course folle, une fuite désordonnée devant l'envahisseur.
La trilogie intitulée "Les enfants du désastre", t1 et t2
Au début du récit, elle court nue sur le boulevard du Montparnasse, à peine cachée par un manteau ensanglanté. Portant, rien ne semble expliquer un tel comportement. Elle est devenue institutrice et donne un coup de main le week-end au restaurant de Monsieur Jules à Montmartre. Là, on parle beaucoup de la Drôle de Guerre, on spécule, on échafaude. Mais personne n’a vu venir le sauve-qui-peut général. Surtout pas Louise Belmont qui, à partir de l’étrange et terrible proposition du docteur Thirion, va aller de surprise en secrets de famille.
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La trilogie t3
Accompagnée du fidèle Monsieur Jules, Louise se retrouvera sur les routes et remontera le cours de sa propre histoire dans une France saisie de panique. Et elle découvrira que cette guerre traîne, comme toujours, son cortège contrasté de héros, de braves types, de paumés et de salopards et, comme disait Jules Romain, quelques hommes de bonne volonté.
Pierre Lemaitre est un fin connaisseur des passions françaises qui se cristallisent dans cette période noire de pagaille et de panique d’un peuple déboussolé par les événements, qui va rapidement déboucher sur l’Occupation.
Il utilise là tout les registres qu’il manie avec maestria, le secret de famille, les rebondissements, mélangeant avec talent burlesque et tragique.
Gary Shteyngart et Pierre Lemaitre
On trouve par exemple Raoul Landret, un militaire qui escroque l'armée mais qui n'hésite pas à détruire un pont pour ralentir l'avance des allemands ou à sauver un camarade ou également Désiré Migault, roi du changement d'identité, qui travaille pour le service de la censure, type de l’arrivisme, parangon du mensonge, parfaitement adapté à ces temps de déliquescence où la vérité est décidément hors la loi.
On sent bien la volonté de l’auteur de faire des liens entre l’époque qu’il met en scène et notre époque, cet avocat par exemple qui demande aux jurés de ne pas écouter « la voix de la populace qui condamne aveuglément ».
Mais il s’abstient de trop appuyer le trait et met simplement en perspective ces deux époques, ces deux France qui s’affrontent. On se retrouve comme placé dans un ensemble panoramique qui s’étire dans ces temps incertains où l’éthique n’est plus qu’un slogan.
Mes fiches sur Pierre Lemaitre :
* Pierre Lemaitre, Prix Goncourt 2013 -- Trois jours et une vie --
* Au revoir là-haut -t1- Couleurs de l'incendie t2 --
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<< Christian Broussas, Miroir peines 05/01/2020 © • cjb • © >>
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