mercredi 27 mai 2020

Keith Lowe La peur et la liberté

Référence : Keith Lowe, "La Peur et la Liberté", traduction de Johan-Frédérik Hel Guedj, éditions Perrin, 640 pages, janvier 2019

« De tels récits ne sont pas seulement une fenêtre sur notre passé, ils offrent aussi une clé pour comprendre pourquoi nous agissons comme nous le faisons aujourd’hui ».



On sait combien la Seconde guerre mondiale a été calamiteuse pour l’humanité. Si son déroulement, les différentes phases qu’elle a connues ont été largement disséqués, ses conséquences sur l’évolution des sociétés, qu’elles soient immédiates ou durables, ont été parfois sous-évaluées ou même ignorées.



On peut ainsi se demander quels impacts ont eu les images insoutenables de ce grand bain de sang collectif et a contrario les rêves d’un monde de paix et de liberté qu’il a suscités. Comme l'écrit l'auteur, « la nature écrasante de la guerre, sa violence d’une horreur incomparable et son ampleur géographique sans précédent avaient créé une soif de changement plus universelle qu’à toute autre époque de l’histoire », qui veut également analyser les conséquence de ces bouleversements sur les mentalités car le conflit « a semé les graines d’une liberté nouvelle, mais aussi de nouvelles peurs ».

Cette guerre a probablement déclenché le plus grand bouleversement que le monde ait connu, encore qu’aucune étude comparée ne nous en assure. [1] La guerre a été aussi l'occasion d'actes de sauvagerie à l'encontre de populations, en Ukraine et à Russie par exemple, et au-delà d'exercer sans retenue sa haine des juifs en les regroupant et les exterminant comme dans le ghetto de Varsovie ou en les parquant dans les camps concentrationnaires pour mieux les liquider. 

   

Cette guerre, plus que tout autre, a représenté de profonds bouleversements dans nos sociétés et généré des monstres et des martyrs autant que des héros et des mythes.

Les photos et films faits en fin de guerre dans les camps montrent la sidération des soldats alliés qui découvrent les monceaux de cadavres et les corps décharnés des survivants. On est ici dans l'innommable qui va frapper les esprits et impacter leur visions de l'avenir.  

Cette subtile combinaison de peur et de liberté a conduit les responsables d’après guerre à imaginer de nouvelles formes de sociétés plus solidaires dans le cadre de l’ONU ou plutôt enclines à préserver leur indépendance. Elle a aussi abouti à des mouvements de fond comme l’effondrement du colonialisme européen, l’émergence de deux superpuissances et la guerre froide mais aussi suscité les utopies planifiées de l’après-guerre, de l’urbanisme au plan, en passant par l’Etat-providence.

     

Cette après-guerre est une époque contrastée qui connaît des prolongements dans notre actualité, que ce soit le nationalisme, l’immigration ou encore la mondialisation.


L’ouvrage commence et finit par le récit d’une certaine Georgina Sand, juive autrichienne réfugiée à Londres pendant la guerre, entourant vingt-cinq récits de personnes issues de nombreux pays et  illustrant la diversité d’expériences souvent traumatisantes. Georgina Sand était une enfant juive qui émigra en Grande-Bretagne en 1938 pour fuir le nazisme. Après guerre, on lui apprit la mort de sa mère à Auschwitz et elle devint anxieuse, traînant toute sa vie les souvenirs de cette époque.

A contrario, un autre témoin, Yuasa Ken, un chirurgien japonais qui s'acharna sur des victimes chinoises, refusa longtemps de prendre conscience des crimes qu’il avait commis.
Keith Lowe développe ainsi son analyse des changements et des mythes qu’ils ont suscités à travers des personnages survivants du conflit, quel que fût leur rôle, véritables témoignages qui donnent beaucoup plus de vie aux concepts qu’il développe.



Notes et références

[1] Quel est par exemple les conséquences de  ces deux événements qui ont eu lieu à quelques mois d’intervalle : la fin de la guerre de Cent-ans en 1453 et la fin de l’Empire romain d’orient en 1454, qui ont largement impacté l’orient et l’occident de l’époque.


Voir aussi
Document utilisé pour la rédaction de l’article  Chroniques de la paysannerie, 1453-1661 - Au temps de La Restauration, 1815-1830 -
Document utilisé pour la rédaction de l’article  Le Naour, Sortir de la guerre, 1919-1921 - Joël Blanchard, La fin du Moyen Âge -

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<< Ch. Broussas, La peur et la liberté 25/05/2020 © • cjb • © >>
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