Une enfance aux terres mêlées
La guerre est aussi un confinement nous suggère JMG Le Clézio dans une nouvelle de son dernier livre que je viens de terminer. Cinq jours avant le début du confinement, le 12 mars 2020, Le Clézio publie deux textes autobiographiques dont celui-ci, la vie d’un enfant du côté de Nice, par temps de guerre. Un récit d’enfance, un "conte", parce qu’il est d’abord question de destruction. L’enfant et la guerre remonte à sa prime enfance, avant le langage, quand la guerre va bouleverser sa vie.
C’est aussi cinq années de séparation avec le père, bloqué en Afrique, passées derrière les fenêtres opacifiées, années de faim et de débrouille à Nice, puis dans l’arrière-pays, à Roquebillière, confrontés aux occupants italiens et allemands. Dans son esprit, l’événement essentiel est l’explosion d’une bombe et un cri, qui « ne sort pas de ma gorge » mais « du monde entier ».
Nice avenue Masséna le 28 août 1944
Voici un court extrait de cette nouvelle, L’enfant et la guerre, où Le Clézio évoque l’histoire de sa famille quittant Nice et confinée dans le village de Roquebillière au printemps 1943 :
« Dans un pays en guerre les enfants ne sortent pas. Ce sont de longues journées à l’intérieur, dans l’unique salle qui sert de réunion à la famille, mon grand-père assis près de la fenêtre pour lire, ma mère, ma grand-mère occupées à cuisiner, à ravauder, et les deux enfants jouant comme ils peuvent, avec tout ce qu’ils trouvent, comme tous les enfants du monde.
Une
fois par jour, nous accompagnons ma grand-mère aux courses, nous
descendons vers le vieux village, de l’autre côté du pont. La route de
la Vésubie est vide d’autos, nous marchons au beau
milieu, la poussette est devenue une sorte de brouette pour rapporter
les légumes, les pommes de terre, le bois de chauffage.
… Les sorties du matin, à la recherche de nourriture, étaient les
seules distractions pour les enfants. […] Dans une guerre, les enfants
ne savent rien de la réalité, ils écoutent des mots, ils construisent
leurs histoires.
… À Nice, nous n’allions pas à l’église. Trop loin, trop dangereux. Les
occupants italiens puis allemands ont camouflés l’église du port… en
prévision des bombardements… et le port est encombré de chicanes…
La guerre, c’est gris… couleur de l’air confiné de la remise au-dessus de laquelle nous allions vivre. »
Mais il se demande aussi quelle pertinence il faut accorder à ses souvenirs car écrit-il, « la mémoire est un tissu fragile, facilement rompu, contaminé. Je me méfie des livres de souvenirs… »
Voir aussi
* Le Clézio, Chanson bretonne --
* Itinéraire de JMG Le Clézio --
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<< Christian Broussas • Le Clézio Nice © CJB ° • 30/05/ 2020 >>
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