Référence : Œuvres choisies Vie et Œuvre par Léocadie Handke, préface de Philippe Lançon, éditions Gallimard, collection Quarto, 1152 pages, novembre 2020
« Celui qui s’avance sur le champ de neige prendra garde à marcher d’un pas léger, sans peser », Handke, Les Frelons
Né en 1942 en Autriche, Peter Handke vit depuis longtemps du côté de Paris.
Son œuvre composite comprend des romans, des pièces de théâtre, des
poèmes, des essais, des traductions et des films, en a fait un des chefs
de file de la littérature germanique et lui a valu de recevoir en 2019
le Prix Nobel de Littérature.
Peu à peu, Peter Handke bâtit une « œuvre influente (basée) sur l’expérience humaine ». On a beaucoup insisté sur sa puissance d'analyse de l'intériorité de ses personnages, à son approche intuitive de la Nature et à la prééminence du quotidien. Il se définit comme un "homme littéraire" qui sait tout ce qu'il lui doit : « Longtemps, la littérature a été pour moi le moyen, si ce n’est d’y voir clair en moi, d’y voir tout de même plus clair. Elle m’a aidé à reconnaître que j’étais là, que j’étais au monde. »
« Je vis pour raconter des histoires. » Peter Handke
Enfant de la guerre, il fut à la fois hanté par le bruit des bombes et choqué par la disparition sur le front, de ses deux oncles. « Mon premier paysage, écrit-il, c’est la cour de la ferme dans l’attente des bombardements américains en 1944. »
Ce qui lui inspirera ce genre de réflexion : « Lorsqu’il sortit le pied gauche, le droit s’enfonça. Lorsqu’il sortit le pied droit, le gauche s’enfonça. Lorsqu’il se mit à courir, il s’enfonça des deux pieds. »
Très tôt, il part sillonner l'Europe et même une partie de l'Amérique. C'est une errance qu'on retrouve dans ses premiers romans aux personnages en proie à leurs démons comme L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty en 1972 ou L’Heure de la sensation vraie en 1977, quand il met en scène ces « secondes d’épouvante » où « la conscience fait mal devant le grand vide qui s’y est installé ».
Timbre-poste autrichien Peter Hanke à Paris en 1974
Le pessimisme qu'il professe dans ses premiers écrits va se prolonger dans « Le Malheur indifférent » en 1975 après le suicide de sa mère.
Le choix de ce titre, Les cabanes du narrateur, c'est Peter Handke lui-même qui s'en explique. Etant enfant, il était dit-il fasciné par les cabanes parsemant la campagne où les paysans prenaient leur repas. Tout ça n'existe plus à présent, pas même le buisson de sureau ou de noisetier qui faisait de l'ombre au banc qu'on plaçait à proximité. La cabane était minuscule, peut-être un mètre carré et demi, pas plus.
C'était le cas de celle de son grand-père, qui parlait à l'imagination du jeune garçon qui y voyait « un lieu magique » où un être se parle à lui-même et en même temps aux autres. « Comme ce poète grec il y a 2500 ans, Pindare, qui a dit : " Moi l’idiot qui se trouve dans la communauté". Celui dans la cabane ne se sent pas idiot au sens négatif, mais comme un homme seul – et il parle au monde entier. C’est ça, la cabane du narrateur. »
Le livre des fantômes de Peter Handke au théâtre de l’Odéon
Évoquant son dernier roman, La voleuse de fruits, il dit que « la banlieue peut être bucolique, mais la campagne pas du tout. » La campagne, c’est la présence du passé, tout ce qui s’est produit "dans le temps". Mais aujourd’hui, c’est le présent qui compte. Et ajoute-t-il, « l’aujourd’hui, ce n’est jamais seulement aujourd’hui. C’est cela qui est passionnant, qui me met en route, à pieds ou en vélo. » Maintenant, il manque vraiment « des aventures de lecture. C’est cela qui m’a mis en route pendant mes 78 ans de vie, qui m’a tenu en forme parfois même aussi. Le mouvement caché du monde, voilà la littérature. »
Peter Handke et son ami Wim Wanders Peter Handke et Jeanne Moreau
Cet ouvrage arrive-t-il à point nommé pour faire le point et permettre de suivre son cheminement au fil de sa création, à travers un choix de textes qui allie les récits qui ont fait son succès dans les années 1970-80 et des textes plus récents qui prennent racine dans les paysages d’Île-de-France qui forment son quotidien et nous emmènent visiter l’une de ses cabanes.
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* Biographie de Peter Handke -- et Handke Prix Nobel de Littérature --
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