Référence : Ernst Toller, Le livre des hirondelles, Allemagne 1893-1933, Souvenirs d‘un lanceur d’alerte, traduction Pierre Galissaires, éditions Séguier, 2020
Toller, un dramaturge de combat
Dans la tourmente de l'Histoire
Publié en Allemagne dès 1933 puis France en 1974 sous son titre original Une jeunesse en Allemagne, ce livre d'Ernst Toller bénéficie d'une nouvelle publication en 2020. C'est un témoignage très intéressant d'unn homme qui a vécu ces événements de l'intérieur. Le titre choisi cette fois-ci, Le livre des hirondelles, fait référence à un recueil de poèmes que publia Toller dans les années 1920. Il évoque à la fin de son ouvrage, dans une image tragique, le combat des hirondelles pour reconstruire les nids que les gardiens de la prison s’acharnent à détruire.
Toller en uniforme en 1914, à New-york en 1920 et en prison en 1921
Lors
de chaque destruction, de nouveaux nids sont construits plus gros et
plus nombreux que les précédents, jusqu’au moment où le couple renonce à
poursuivre son combat, la femelle mourant quelques jours après de
chagrin.
Christiane Grautoff Christiane Grautoff & Toller
Le titre est une référence à ce couple d’hirondelles nichant près de la cellule qu'il occupait dans la forteresse de Niederschönenfeld, où il resta cinq années pour avoir participé en avril 1919 à la République des conseils de Bavière à Munich, brutalement réprimée par le ministre des armées, le social-démocrate Gustav Noske. Il en fut l’un des rouages essentiels avec son ami Gustav Landauer, qui fut assassiné, dont le texte de « “L’Appel au socialisme” [l’avait] touché et influencé de manière décisive ».
Ernst Toller en 1924, en 1932 et en 1935
Ernst Toller n'a pas seulement été un poète et un dramaturge, il fut aussi militant socialiste révolutionnaire, écrivant au début de son autobiographie, Le jour où l’on a brûlé [ses] livres : « Sous le joug de la barbarie, il faut se battre, il
Toller à la prison de Niedershönfield 1924
Déjà dans Hinkemann, son héros revient émasculé du front de la Grande Guerre
et se transforme en monstre de foire décapitant des rats avec les
dents. Pour lui, la violence qu'il connaît bien, est endémique, dont il
faut constamment se méfier.
Il dira ensuite en 1933 « ce n’est pas seulement ma jeunesse que je relate, mais celle d’une génération en même temps qu’un fragment d’Histoire. » C'est aussi l’effondrement d’un monde.
Sa vie est tout un roman. D'abord fils de bourge étudiant à Grenoble, dilapidant sa pension dans le jeu et l’alcool, il devient furieux militariste, clamant dans la boue des tranchées, « je veux voir l’ennemi contre lequel je me bats. »
Toller peint par Alexander Shäd Toller, portrait à la cigarette, 1925
Il ne garde finalement que de mauvais souvenirs de son enfance. Il se souvient que les Prussiens détestent les catholiques et abhorrent les juifs, qu'on lui dit à propos d'un camarade « Ne reste pas là, c’est un juif ! » et qu’il en pleure.
Il
se souvient de ce chevreuil abattu, de la bête agonisant des heures, de
son horreur de la chasse de sa mère aussi lui disant qu'un de ses
camarades est pauvre parce que « c’est la volonté du bon Dieu ».
De retour du front, il devient un combattant infatigable qui s’engage dans le combat révolutionnaire et vivra l’écrasement du soulèvement spartakiste qui sera plus tard perçu comme l'une des causes de l’échec de la République de Weimar et de la montée du nazisme.
Il connaîtra des difficultés et même des périodes de dépression après le suicide à 18 ans de son neveu Harry, pendant ses cinq ans de prison pendant lesquels il écrira aussi ses pièces de théâtre, en 1939, quand tout va mal, la misère et l'abandon de sa femme Christiane Grautoff, l’effondrement des républicains espagnols et l'ombre imminente de la seconde guerre mondiale.
Voir aussi
► Ernst Toller, Hinkemann suivi de L’homme et la Masse, adaptation de Christine Letailleur, L’Avant-scène Théâtre 1371-1372, 2014.
► Ernst Toller, Une jeunesse en Allemagne, L'Age d'Homme, 1990.
► Ernst Toller, Hop là ! Nous vivons, Éditeurs français réunis, introduction César Gattegno et José Valverde, préface de Erwin Piscator, 1966
► Autres œuvres et théâtre
"La Transformation", 1919, "L'Homme et la masse", 1921, "Les Briseurs
de machines", 1922, "Le feu hors des chaudières", 1930, "J’étais un
Allemand", New York, 1934, "Lettres de prison", Amsterdam, 1935
<< Ch. Broussas, Ernst Toller 18/02/2021 © • cjb • © >
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