Référence : Michel Winock, Gustave Flaubert, éditions Gallimard, 544 pages, mars 2013
Statue de Flaubert Place des Carmes à Rouen Sa bibliothèque à Canteleu
« Le style, c’est la vie. C’est le sang même de la pensée. » Gustave Flaubert
Bonne idée de ressortir la biographie que Michel Winock a consacrée en 2012 à Gustave Flaubert, à l'occasion du bicentenaire de sa naissance. Biographie d'autant plus intéressante qu'elle est complète et très agréable à lire.
Quel est l'homme qui se cache derrière cette oeuvre considérable, pas en quantité, Flaubert n'a tout compte fait pas beaucoup écrit, mais bien sûr en qualité, lui qui fut le styliste par excellence, peaufinant avec application et entêtement ses phrases.
L'homme est d'abord accroché à son terroir, à la Seine en aval de Rouen. C'est un Normand qui aime son coin de France, même s'il a effectué un grand voyage en Orient et quelques incursions en Bretagne, en Angleterre ou en Corse,
A son siècle et son côté "bourgeois jouisseur", qu'il dépeint à travers les portraits de Monsieur Prudhomme et du pharmacien Homais, il préférait une Antiquité fantasmée dans le rêve carthaginois d'un monde magnifique et disparu qu'il recrée dans sa vaste fresque consacrée à Salammbô.
Flaubert & son œuvre préface de Michel Winock
De Flaubert à Hugo Barricade rue Soufflot juin 1848 Horace Vernet
Mais il avait aussi ce côté "bourgeois jouisseur" qu'il rejette comme le rejette aussi Emma Bovary, qui fréquente les salons parisiens et fait la bamboche avec son cercle d'amis autour de Maxime Du Camp, George Sand, les Goncourt, Zola, Daudet, Maupassant son voisin normand et Tourgueniev.
Il
y professe un certain scepticisme, une lassitude de la vie qui vient
sans doute de ses déceptions amoureuses, malgré sa longue liaison avec Louise Colet, de son peu de goût aussi bien pour Dieu
que pour la politique. Seul en fin de compte l'habite l'amour de l'art
et de la création. Il dira, même s'il ne faut pas forcément prendre son
propos au pied de la lettre : « Je porte en moi la
mélancolie des races barbares, avec ses instincts de migrations et ses
dégoûts innés de la vie, qui leur faisait quitter leur pays, pour se
quitter eux-mêmes. »
C'est son intime conviction mais pas forcément la réalité de sa vie.
Flaubert et Maupassant Isabelle Huppert dans Emma Bovary, Chabrol 1991
On retrouve assez souvent le ton ironique que sous-tend son scepticisme. Dans L’Éducation sentimentale,
par exemple cette disposition s’exerce vis-à-vis des deux camps en
présence. Sur les journées de février, il crée un personnage sympathique
et naïf nommé Dussardier qui est un républicain convaincu. À contrario, l’autre personnage qu’il crée est le banquier Dambreuse,
qui meurt de trouille en février mais va opportunément jouer les
républicains et retourner sa veste après les journées de juin. Le père Roque qui vient de Neuilly, va vider son fusil dans un soupirail, tuant un insurgé prisonnier qui cherchait du pain.
Ironie du ton, ironie du sort.
Fiacre devant l'abbaye de Saint-Ouen, 1852
Gustave Flaubert et Rouen
Celui qu'on appelait « L’ermite de Croisset » fréquenta peu Rouen., y venant surtout pour aller à la bibliothèque municipale, située alors dans l’hôtel de ville.
Les relations avec Rouen se sont sans doute dégradées après la scène du fiacre dans Madame Bovary. La
bourgeoisie rouennaise ne pouvait admettre que ce fils et frère de
chirurgiens éminents de leur ville soit un dilettante, ne travaille pas,
passant son temps à écrire, ce qui n'était pas considéré comme un
travail.
Lorsque Flaubert attaque les édiles rouennais en 1872, dans une Lettre à la municipalité de Rouen qui refuse un endroit pour édifier un monument à son ami Bouilhet
décédé en 1869, il s'en prend aussi aux bourgeois en général, créant
une rupture. On peut même parler de haine quand ils découvrent dans sa Correspondance publiée après sa mort, des phrases difficiles à pardonner comme « Le bourgeois de Rouen est toujours quelque chose de gigantesquement assommant et de pyramidalement bête ».
Les communards et Madame de Staël Le pavillon de Croisset
Mes fiches sur Flaubert
► Gustave Flaubert en Bretagne -- ► Le perroquet de Flaubert --
► Flaubert, de Déville à Croisset -- ► Le dernier bain de Flaubert --
►Alexandre Postel, Un automne de Flaubert --
►Michel Winock, Jours anciens --
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