jeudi 3 juin 2021

Romuald Fonkoua Aimé Césaire

 Référence : Romuald Fonkoua, Aimé Césaire, éditions Perrin, 392 pages, avril 2010  

« Aimé Césaire est tout l’homme, il en exprime toutes les interrogations, toutes les angoisses, tous les espoirs et toutes les extases. » André Breton

Romuald Fonkoua, professeur de littérature française à la fac de Strasbourg et responsable de la revue "Présence africaine", est l’un des meilleurs spécialistes des cultures d’Afrique noire et antillaise. Il est l’auteur d’un ouvrage de référence sur l’écrivain antillais Édouard Glissant.

            Romuald Fonkoua

Dans cet essai, Romuald Fonkoua se penche sur une grande figure de la francophonie, Aimé Césaire, disparu le 17 avril 2008, où il analyse la place de la poésie et de la politique dans la vie et l’œuvre de celui qu’on appela aussi le "nègre fondamental".

La plage de Basse-Pointe

Aimé Césaire (1913-2008) l’intouchable. Il fut tout à la fois écrivain, poète, dramaturge, militant politique et surtout l’un des intellectuels les plus écouté et respecté dans ce qu’il a lui-même appelé « la négritude. »
« Ma Négritude, écrit Césaire, ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel mais ceux sans qui la terre ne serait pas la terre [...] ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'oeil mort de la terre ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale. »

    Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant

C'est toujours le poète qui s'exprime, c'est pour lui le plus important : « C’est dans ma poésie que se trouvent mes réponses. La poésie m’intéresse, et je me relis et j’y tiens. C’est là que je suis. La poésie révèle l’homme à lui-même. Ce qui est au plus profond de moi-même se trouve certainement dans ma poésie. »

S’il est surtout connu comme poète, il fut aussi un dramaturge important qui écrivit des pièces fortes et engagées dénonçant les impostures politiques et les injustices.

                   

Enfant de la République, il incarne également le défenseur des idéaux de justice et de liberté. Né à Basse-Pointe, petit village martiniquais, Aimé Césaire a passé son enfance sur une plantation. Cette période est pour lui une référence, un bonheur tranquille qui va ensuite nourrir sa poésie.

 Il fut un élève particulièrement doué, fréquentant le lycée Louis-le-Grand puis l’École normale supérieure. Dans le Paris des années trente, à la ségrégation "rampante", le jeune homme va nouer des liens puissants avec d’autres africains comme Léopold Senghor, futur président du Sénégal, Alioune Diop, l’éditeur de Présence africaine et Suzanne, celle qui sera "sa muse". C’est là qu’il prend conscience du sort fait aux Noirs, celui qui agira bientôt pour en changer la condition.

         
Aimé Césaire et Léopold Senghor       Aimé Césaire et Léon Gontrans Damas
Césaire cofonde le mouvement de la Négritude avec Léopold Sédar Senghor et le guyanais Léon Gontrans Damas

Comme beaucoup des jeunes intellectuels de son époque, il va rejoindre le communisme,  adhérant au PCF avant de se rapprocher des socialistes et de créer son propre parti, le PPM. Il a rejoint les jeunesses communistes dès 1935 et y restera jusqu’au rapport Khroutchev en 1956. Ce sera de fait la rupture avec un Aragon qui refuse de condamner le stalinisme. Quelque vingt ans de fidélité émaillée par des odes à Staline, à Thorez… des écrits qu'il reniera par la suite dans ses Sept poèmes reniés.

Il réfléchit à la condition humaine, écrivant par exemple : « C'est quoi une vie d'homme ? C'est le combat de l'ombre et de la lumière. C'est une lutte entre l'espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur. Je suis du côté de l'espérance, mais d'une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté. »

         
Texte de Patrick Chamoiseau

Son approche de la condition humaine l'amène logiquement à la condition des Noirs dont il dénonce le sort, comme dans ce texte : « On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes... Moi, je parle de millions d’hommes arrachés à leurs Dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité... le désespoir... »

Dans ce cadre, il se veut le porte-parole des opprimés : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cahot du désespoir. »

Romuald Fonkoua insiste sur le lien quasi organique entre ce qu’il est et ce qu’il écrit, entre son œuvre et son action politique. Ces deux volets convergent vers le concept de « négritude » qu’il va définir, imposant sa vision de l’histoire et les voies de l’émancipation.

Le philosophe nègre, "ouvrage trop nécessaire" :

Le Philosophe nègre, ouvrage de Gabriel Mailhol (1725-1791) publié en 1764, n’a jamais été réédité. Romuald Fonkoua en a écrit une édition critique qui renouvelle l’éclairage qu’on peut avoir sur cette œuvre. Elle présente une vision du Nègre qui s’apparente à un philosophe des Lumières qui critique la pratique de l’esclavage européen et la supposée supériorité de l’Occident civilisé.

         

Voir aussi
Patrick Chamoiseau, Texaco -- Derek Alton Walcott --  VS. Naipaul --
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<< Ch. Broussas, Césaire 01/06/2021 © • cjb • © >
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