mercredi 1 septembre 2021

Éric Fottorino Mohican

 Avec "Mohican", Eric Fottorino ausculte les mutations agricoles

J'ai connu Éric Fottorino lors de sa venue à Divonne-les-Bains pour présenter son ouvrage "Dix-Sept ans" le 29 juin 2019. J'ai eu ainsi l'occasion d'approcher les différentes facettes de cet hyper actif tour à tour journaliste, romancier et patron de presse.
À la faveur de la sortie de ce livre, j’avais fait une présentation d’Éric Fottorino à travers trois de ses romans les plus connus, Baisers de cinéma, Le marcheur de Fès et Dix-Sept ans.

           
                                              Éric Fottorino et sa fille Elsa

Il publie cette fois un roman sur le thème de l’enracinement et l’identité paysanne. Un thème qui lui tient à cœur puisqu’il avait déjà écrit en 2015 un livre intitulé J’ai vu la fin des paysans, disparition du paysan classique comme le définissait le sociologue Henri Mendras, regroupant un ensemble de textes datant pour certains d’une trentaine d’années qui gardent cependant une grande actualité.  [1]

« J'interroge le silence de nos vies. » Le marcheur de Fès

                   

Brun Danthôme et son fils Mo. Deux générations qui ont une vision totalement opposée de leur façon d’envisager leur vie. Ils sont bien représentatifs de leur époque : Mo voyait d’abord le beau là ou Brun voyait le rendement et l’argent pour rembourser les crédits et on peut se demander si  l’évolution des modes de production ne sonne pas le retour des paysans.

Ils viennent tous les deux d’une longue lignée de paysans francs-comtois, dans leur domaine des Soulaillans qui s’étend sur une cinquantaine d’hectares en champs, prairies et vignes, dans les paysages vallonnés du Jura. À 76 ans, le père apprend qu’il souffre d’une leucémie qui lui vient probablement de l’utilisation intensive d’intrants chimiques qu’il a longtemps maniés sans grande précaution. Son fils désapprouve ce type d’agriculture qu’il trouve dangereuse et obsolète.

 
Fottorino, le fan de vélo, deux de ses livres sur le vélo, avec Raymond Poulidor

Exit l’agriculture intensive, c’est désormais Brun contre Mo. Brun colle à son époque, optimiste et ayant foi dans la technologie, persuadé que « la chimie tuerait les ennemis des cultures, comme les Alliés avaient eu raison des Nazis. »

               
L'homme qui m'aimait tout bas                             Questions à mon père

« Je voulais que l’imaginaire vienne au secours des mots qui n’avaient pas été prononcés. » Dix-Sept ans

Mais au fil du temps, il allait déchanter, comme beaucoup d’autres, tomber dans les problèmes de surendettement, du recours à une mécanisation à outrance et une dépendance à l’égard de l’industrie chimique et agro-alimentaire. Plus que la peur de mourir, « il vit sa maladie comme une sanction envers tout ce à quoi il a cru jusque-là » écrit l’auteur  qui ajoute « par ce roman, je voulais témoigner de ce piège dans lequel sont tombés de nombreux paysans. »

                   
Fottorino à La Rochelle                                             Korsakov

Peu de temps avant sa mort et sans avertir son fils, Brun autorise un promoteur à construire plusieurs éoliennes sur une parcelle du domaine. Décision capitale qui sera lourde de conséquences pour le domaine des Soulaillans.

Malgré l’aura écologique des éoliennes, elles se marient mal avec le travail et le mode de vie des paysans qui leur reprochent de bétonner les terres et d’être de véritables machines industrielles implantées au beau milieu des terres agricoles.

Mo se réfugie alors aux confins de son domaine, le plus loin possible des éoliennes, défendant jusqu’au bout cette terre transmise par les générations précédentes.

      
La fin des paysans                                Marina A.

Notes et références
[1] Voilà ce qu’il écrivait alors en introduction de son livre : « L'agriculture fut la première grande rubrique qu'on me confia au Monde au milieu des années 1980. J'y ai appris la France vue du sol, avec ses traditions et ses élans de modernité, ses gestes ancestraux et ses révolutions silencieuses, ses bouleversements profonds alliant L'exode rural à une productivité si performante qu'elle fit craindre pour l'environnement. […] De crise du lait en crise du porc, c'est un certain visage de la France qui s'évanouit, tandis qu'une agriculture industrielle et financière supplante un ordre éternel des champs désormais révolu. »

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<< Christian Broussas, Mohican 27/08/2021 © • cjb • © >>
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