François-Henri Désérable, Mon maître, mon vainqueur

 Référence : François-Henri Désérable, Mon maître, mon vainqueur, éditions Gallimard, Collection Blanche, août 2021

           

« Il ne faut que deux choses dans la vie: de bonnes chaussures et un bon lit. On passe deux tiers de son temps dans les unes, un tiers dans l'autre. »

François-Henri Désérable  sait se faire rare. J’aime bien les écrivains qui écrivent peu, lâchant dans la nature (ou dans l’édition) leur petit dernier comme à regrets. Un livre est-il jamais fini ? Le point final vaut cette interrogation.

De ses livres précédents, il dira dans une interview : « Tu montreras ma tête au peuple [1] répondait à un dessein très simple : essayer de saisir ce à quoi l’on pouvait penser dans l’imminence de la mort. Évariste, [2] oui, je voulais rendre hommage à sa vie, à la fulgurance qu’a été sa vie. Un certain M. Piekielny, [3] c’est plus qu’un hommage à Gary : c’est une tentative d’exploration de deux territoires qui partagent une frontière poreuse : le réel et la fiction. »

Quatre ans après Un certain M. Piekielny, François-Henri Désérable  nous propose Mon maître, mon vainqueur, titre en forme d’une citation de Paul Verlaine. Quatre ans et quatre livres depuis la parution de son recueil de textes sur la fin de quelques figures de la Révolution, intitulé Tu montreras ma tête au peuple.
De ce dernier livre, il dira dans une interview : « j’ai essayé d’écrire sur l’indicible émoi d’un amour impossible… »

               

Cette fois, il s'attaque à la passion amoureuse, une passion qui va marquer à jamais l'expérience de son héros Vincent Ascot dit Vasco, attiré par la fascinante Tina. Petit hiatus : La très magnifique Tina vit en couple avec Edgar, un grand costaud de deux mètres qui doit bientôt l'épouser, et de plus mère de jumeaux.
De quoi décourager les plus folles passions.

Sans doute vous rappelez-vous cet épisode tragico-burlesque de Verlaine tirant des coups de feu sur Rimbaud à Bruxelles en 1873. Eh bien, figurez-vous que c'est Vasco, conservateur à la BnF, qui l'a acquis (par inadvertance) lors d'une vente chez Christies, sans d'ailleurs savoir comment il va le payer.

           
Avec Camille Gilletta pour la sortie du film "Les fantasmes"
Rencontre entre FH. Désérable et Chantal Thomas

La passion, ça vous fait faire des choses... Vasco ira jusqu'à dérober le cœur de Voltaire qui repose dans le socle de sa statue par Houdon, pour l'offrir à la belle Tina pour son anniversaire !

           
« Le grand livre dépasse son époque – il me semble illusoire d’espérer écrire un grand livre si l’on n’est pas animé par cet état d’esprit. »

Comme il en est parfois ainsi au début, il n'existe aucun atome crochu entre eux, aucune attirance réciproque. Peut-être est-ce cette ambiguïté qui a fini par hypothéquer leur relation car comme l'écrit l'auteur : « Elle n'était pas du tout son genre ; il n'avait jamais été le sien. Ils n'avaient rien pour se plaire ; ils se plurent pourtant, s'aimèrent, souffriront de s'être aimés, se désaimèrent, souffriront de s'être désaimés, se retrouvèrent et se quittèrent pour de bon. » 
Une relation houleuse donc, marquée par  qui s'apparente plutôt à un rapport de type "je t'aime, moi non plus"... « comme une vague irrésolue » chantait Serge Gainsbourg.

           
                                              FH. Désérable et Tatiana de Rosnay

Poursuivi pour non paiement de l'achat du fameux pistolet, Vasco fait une tentative de suicide mais « sans zèle excessif » ajoute l'auteur. On retrouvera chez lui un cahier dans lequel il évoque sous forme de poèmes sa passion amoureuse. Et heureusement pour lui, il tombera sur un juge compréhensif, amateur de poésies (ça existe !) qui lui proposera d'en tirer un roman... ce que Vasco va bien sûr s'empresser de faire.

Notes et références
[1] Tu montreras ma tête au peuple : recueil de nouvelles sur la fin de quelques figures de la Révolution (Danton, Robespierre, le marquis de Lantenac, André Chénier, Marie-Antoinette, Charlotte Corday, David, Adam Lux, les Girondins)
[2] Évariste : Biographie du mathématicien Évariste Galois
[3] Un certain monsieur Piedkielny : Ouvrage basé sur ce personnage mineur du roman autobiographique de Romain Gary La promesse de l'aube

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<< Christian Broussas, FH. Désérable 31/08/2021 © cjb © >>
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