mercredi 1 septembre 2021

Saez et Zucman, Le triomphe de l’injusticei

Le Triomphe de l'injustice, Richesse, évasion fiscale et démocratie

Référence
 : Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, Le triomphe de l’injustice, Richesse, évasion fiscale et démocratie, Les Livres du nouveau monde, traduction de Cécile Deniard, 304 pages, février 2020

« Toute démocratie se doit de débattre, en permanence, du poids souhaitable de la dépense publique et du degré idéal de progressivité de l’impôt. »

       

Ce livre part d’un constat pour le moins étonnant : Pour la première fois depuis plus d’un siècle, les milliardaires américains paient moins d’impôts, en proportion de leurs revenus, que chacun des autres groupes sociaux. Que s’est-il donc passé pour qu’on en arrive à une situation aussi paradoxale et aussi choquante pour beaucoup.

  Emmanuel Saez et Gabriel Zucman

D’après les investigations de nos deux fins limiers d’économistes, cette situation est largement le fait de l’État américain qui a procédé à l’exonération progressive des revenus du capital et laissé faire l’essor d’une véritable filière de l’évasion fiscale
Et pourtant, selon eux, les États-Unis ont longtemps été à la pointe de la justice sociale. Mais ces dérives progressives ont fini par déstabiliser le pays au point de favoriser l’élection de Donald Trump.

« Les avocats fiscalistes américains ont coutume de dire que les pauvres fraudent, alors que les riches optimisent. »

Par exemple, la création d’un véritable système de santé aux États-Unis est récurrente, ne serait-ce que la proposition des Clinton en 1993, mais bute constamment sur le problème de son financement. Elle bénéficie pourtant d’un grand soutien de la population mais on ne pense qu’à la dépense « et non la manière dont les fonds seront prélevés. »

                   
Pour une révolution fiscale Emmanuel Saez et Thomas Piketty

Cette histoire américaine a d’autant plus d’importance que l’Europe est elle aussi guettée par le même phénomène, la conjonction du déclin de la progressivité fiscale et de la montée des inégalités. Mais comme souvent, les solutions possibles reposent sur des choix politiques douloureux qui demandent une volonté politique sans faille. On se doute bien aussi qu'un pays, ne peut définir sa propre politique fiscale dans un environnement concurrentiel et qu'il vaut mieux agir dans le cadre d'une politique européenne.

       
                  Esther Duflo, Thomas Piketty et Emmanuel Saez

Emmanuel Saez avait déjà travaillé sur ce thème avec l'économiste Thomas Piketty en 2011. [1] Leurs travaux mettaient déjà en lumière les inégalités de revenus aux États-Unis. Après avoir baissé après la dernière guerre  jusque dans les années soixante-dix, elles ont augmenté depuis, rejoignant leurs pics des années vingt. Ils ont aussi montré que cette augmentation des inégalités est surtout le fait de l'augmentation des inégalités des revenus du travail et non des inégalités de patrimoine.

L’Europe ne pourra pas faire l’économie (sans jeu de mots) d’une refonte du système fiscal (qui ne soit pas qu’un effet d’annonce) qui soit vraiment une réponse aux problèmes inégalitaires de notre époque.
Ce serait également une incomparable occasion de tenter d’établir un pont entre l’extension de la mondialisation et la recherche d’une meilleure justice économique.

Notes et références
[1] Emmanuel Saez, Thomas Piketty, Camille Landais, Pour une révolution fiscale, janvier 2011, La République des ides, éditions du Seuil

Voir aussi mes fichiers
Thomas Piketty, Capital et idéologie --
Emmanuel Todd, Les luttes de classes en France au 21e siècle --

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