Référence : Wole Soyinka, Une saison d'anomie, éditions Belfond, traduction par Étienne Galle, 386 pages, 1987, LGF livre de poche, 381 pages, 1993
« Ne cherche pas sur mon visage les rides de l’aventure tragique de la vie. » p 291
Wole Soyinka dans sa jeunesse
Ce roman de Wole Soyinka est inspiré de la guerre civile du Biafra qui a ravagé le pays dans les années 1960. Une guerre synonyme de massacres, d'exactions politiques et militaires dans le Nigeria d'alors, un pays en proie à une répression terrible qui parfois prit des allures de génocide. Wole Soyinka
ne nous épargne rien, décrivant sans concession les massacres, la
morgue sans limites des dirigeants, la concussion, la prévarication, la
peur aussi par laquelle on tient les hommes.
Il parle par exemple de ce silence pesant qui règne autour de ce barrage en construction où il n'y a plus personne, où Ofeyi finit par découvrir avec son ami achée l'horreur du massacre, tous les corps qui flottent à la surface de l'eau, exhalant une odeur de putréfaction insupportable.
Dialogue entre Soyinka et Léopold Senghor
Il décrit ces hordes, ces bandes qui brûlent, qui tuent pour tuer et
volent tout ce qu'ils peuvent comme ces prédateurs qui décident
d'investir la maison voisine, de tuer son propriétaire qui s'est muré
chez lui, le débusquent et veulent mettre le feu à la maison. Cette
fois-ci, Ofeyi accompagné du professeur Chalil décide d'intervenir malgré ses faibles moyens, mais sa victoire sera très relative. Taiila, la fille du professeur, raconte que Edwin, le "boy" de son père a été exécuté sur le seuil de la maison, devant eux, impuissants.
« Rien de ce qui ronge la vie humaine ne possède la moindre trace de divinité. »
Il y a aussi Nnodi
qui travaille pour la compagnie minière et dont la famille, sa femme et
ses deux enfants, a été assassinée dans le car qui devait les emmener
vers des cieux plus cléments.
Il est difficile de s'y retrouver dans
cette société où chacun a peur de l'autre, peur d'être trahi, peur qu'il
soit un ennemi, où on se terre pour survivre.
Ce n'est pas pour rien qu'il nous parle d'anomie, ce chaos, cette anarchie entretenue par l'État.
Derrière ce terme, se profile la déliquescence de la communauté
nationale, du tissu social et des institutions politiques. La société
s'efface peu à peu, incapable d'y intégrer les individus, elle laisse
place à la primauté de groupes antagonistes, interdisant aux gens de
s'approprier une identité positive et ainsi de s'épanouir dans un
milieu culturel adapté. Dans cette situation, un intellectuel comme le
héros du roman Ofeyi sait au fond de lui que son action va rapidement atteindre ses limites.
Justement, Ofeyi,
qui connaît bien ce pouvoir pour l'avoir côtoyé, décide d'aller à la
recherche de sa maîtresse qui a été enlevée, pratique assez courante
dans ce pays. Cercle après cercle, Ofeyi qu'on peut assimiler à Orphée poursuit sa descente aux Enfers avec la volonté d'arracher Iriyise, son amour, son Eurydice, à ses bourreaux.
Le mythe d'Eurydice et Orphée, renouvelé.
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<< Christian Broussas •• Woyinka Anomie •• © CJB °°° 23/09/2023 >>
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