© Catherine Cabrol
« On apprend la sagesse en expérimentant le chagrin.» Eric-Emmanuel Schmitt
Les deux messieurs de Bruxelles est un recueil de cinq nouvelles avec comme fil conducteur des vies en perspective sur le thème de l'amour. Il nous entraîne dans l'histoire de Jean et Laurent qui se qui se posent des questions sur le mariage et la parentalité, avec cet homme qui retrouve sa dignité d'être humain à Auschwitz grâce à l'amour d'un chien, avec ce curieux amour d'un second époux pour le premier mari de sa femme , avec les remords d'une mère rongée par la culpabilité après la mort de son fils, avec l'histoire de ce couple confronté à la découverte d'une maladie génétique.
Dans
une interview, Éric-Emmanuel Schmitt, donne son sentiment sur les
thèmes qu'il aborde dans ses nouvelles, où il développe différentes
formes que peut
revêtir l'amour. [1]
Pour
lui, l'amour et la confiance sont les éléments moteurs de la condition
humaine. Ses nouvelles sont inspirées d'histoires vraies et évoquent les
liens subtiles
qui soudent un couple, deux êtres plus cet amour qui les
transcendent.
Dans Les deux messieurs de Bruxelles, la
nouvelle qui donne son titre au livre, lors d'un mariage dans une église
où un home et une femme sont unis par un prêtre, deux
hommes célèbrent leur mariage, à leur façon. Ils tisseront un lien
puissant avec David, l'un des enfants du couple hétérosexuel qui
deviendra finalement leur fils symbolique.
Dans la deuxième histoire, Le chien, qui se déroule à Auschwitz, le docteur Samuel Heymann,
retrouvera le
sentiment d'être vraiment une personne, et sa confiance en lui,
grâce à un pauvre animal vagabond. Le chien n'a pas de préjugés, il
n'est pas raciste et accueille l'homme sans a priori,
contrairement aux bourreaux nazis. L'homme à travers cette
expérience pourra réapprendre à vivre après la terrible expérience des
camps et après avoir survécu à l'horreur de la Shoa.
Une leçon de vie où un animal, par sa simple présence et son regard d'amour, parviendra à reconnecter un homme à l'humanité.
Au salon du livre en 2010
Dans Ménage à trois, une jeune veuve
autrichienne se remarie et curieusement son nouveau conjoint se prend de
passion pour cet homme disparu dont il voudra défendre la mémoire à tout prix.
Un cœur sous la cendre, il aborde le problème de nos attitudes en face de la souffrance, surtout lors qu'il s'agit d'un enfant et la confrontation aux
prélèvements et aux greffes d'organes. Curieux amour que celui de
cette mère qui préfère son neveu à son propre fils. Mais la mort va
passer par là et la culpabilité va entraîner la mère dans le
drame. Confrontation à la mort mais aussi à des maladies terribles
comme la mucoviscidose -dont on dit que Chopin était atteint- et qui
posent la question existentielle de savoir si l'on peut
supprimer une vie, et dans quelles conditions. En tout cas, il
n'existe pas de bonne solution et conclut l'auteur, « La plupart des problèmes éthiques relèvent du
tragique.»
Pour lui, il est difficile sinon impossible de se faire moraliste
quand on traite de la complexité de l'être humain et des sentiments
qu'il peut éprouver, « de leur volatilité, de leur
évolution, quand on essaye de mettre en avant ce qui se cache sous certaines émotions.
» Juger est déplacé et sans intérêt, aussi bien soi que les autres,
l'important est de montrer sa
compassion, de rechercher une vérité qui est de toute façon fugace
et si difficile à saisir sous ses multiples aspects. La réalité du
quotidien ne définit pas la totalité de l'être, caractérisé
aussi dans ses intentions autant que dans ses actes. L'imaginaire
joue dans cette quête identitaire un rôle considérable, c'est une aide
indispensable pour appréhender la réalité et faire la
part des choses sans sombrer dans les frustrations car dit l'auteur « Beaucoup de désirs et d'aspirations s'accomplissent allégoriquement. » Le symbole construit tout autant une histoire d'amour que le
visible, comme dans Les deux messieurs de Bruxelles où les deux homosexuels compensent leur frustration du désir d'enfant en vivant leur paternité discrètement par
l'intermédiaire de David, l'enfant de l'autre couple.
Il faut bien dissocier amour et sexualité. Dans l'amour, il y a projet
de vie ensemble, projection commune dans l'avenir tout en acceptant son
entité mystérieuse. La sexualité est synonyme de
pulsion cherchant la jouissance et seul l'amour peut s'épanouir dans
le mariage, y compris pour des personnes de même sexe.
L'homoparentalité en est la conséquence, qu'elle provienne d'une
insémination artificielle, d'une procréation médicalement assistée
ou plus simplement d'une adoption. Cette reconnaissance éviterait bien
des drames, notamment en cas de décès de l'un des
parents... alors « cessons de nier la réalité, entendons la souffrance des autres. »
A notre époque, Un cœur sous la cendre et L'enfant fantôme l'attestent,
les gens éprouvent beaucoup de
difficultés à supporter la souffrance, les privant ainsi d'une part
de leur humanité. Comme si, dans nos sociétés du bonheur, le malheur
n'avait plus droit de cité. Il confesse avoir longtemps «
refusé ce qui le gênait . » L'expérience lui a appris à
relativiser, à admettre, faisant de l'épreuve un travail sur soi qui
rend plus fort, un attribut du bonheur car « se
mesurer à sa douleur rend meilleur et rapproche des autres. »
Le bonheur s'apprécie d'abord en collant à la réalité quotidienne et ses
difficultés, ses avanies mais chacun doit rechercher sa
propre vérité au fond de lui-même car il n'existe pas de réponse
collective. La vie, c'est aussi un mystère qu'il faut assumer.
[1] Interview parue dans le journal "Le point" du 1er décembre
2012
Mes articles sur Éric-Emmanuel Schmitt
-- Éric-Emmanuel Schmitt Biographie -- Le cycle de l'invisible -- Le bruit qui pense
-- Un homme trop facile ? -- EE Schmitt entre réel et sentiments-- L'élixir d'amour
<<<< Christian Broussas - Feyzin - 25 janvier 2013 - <<<<<<< © • cjb • © >>>>
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire