Une région qui inspire les écrivains.

En Bretagne, chantent le vent et la mer, se conjuguent insularité et liberté, la littérature court le long des côtes et se faufilent dans ses îles.

          
                                                                        Combourg "berceau du romantisme"

Commençons bien sûr par Châteaubriand (1768-1848), le plus illustre, pensant  à la terre de ses ancêtres, songeant au château de Combourg ou aux remparts de Saint-Malo.  Toujours recherchant sa muse, sa "sylphide" qu’il aperçut paraît-il dans sa prime jeunesse, dans quelque bocage. Son  tombeau, isolé  sur l’îlot du Grand-Bé, a été chanté par Xavier Grall (1930-1981) dans son Rituel breton : « Par les landes et par les grèves, par-dessus les noirs clochers de Saint-Pol-de-Léon et les hauts murs de Saint-Malo », une inspiration qui va de l’estuaire de la Rance à la Côte d’émeraude, [1] qui le mène aussi près des oiseaux des Glénan et du « sourire de Concarneau. »
 

    
       Xavier Grall                          Tristan Corbière               Eugène Guillevic

Rencontre à Morlaix avec un enfant de la ville,  Tristan Corbière (1845-1875), l’auteur des Amours jaunes, « mélange adultère de tout » disait Jules Laforgue, mort à 30 ans de la tuberculose. À Landivisiau, on retrouve Xavier Grall, sa ville natale, le regard rivé sur la "Bretagne, ma demeure".

Si le poète Saint-Pol Roux (1861-1940) était marseillais, il n’en avait pas moins choisi de vivre en Bretagne. Établi d’abord à Vannes en 1883, il s’installe cinq ans plus tard à la Pointe des espagnols dans le village de Roscanvel puis dans le manoir de Camaret, qu’il appelle "Coecilian", du nom de son fils mort à Verdun.  Entre la pointe de Saint-Mathieu et la pointe de Pen-Hir, il se confie « à la vie de la brise sur l’être et du matin dans l’âme. » Dans les Fééries intérieures, il dit choisir l’image  la raison et les ajoncs émergeant de la pierre à la lumière du sud.

              
Saint-Pol Roux en 1937                        "Coecilian", Son manoir de Camaret

Le brestois Henri Queffélec (1910-1992) a chanté son amour pour la côte bretonne, d’Ouessant au sud Finistère. L’île d’Ouessant, l’île qui « repose à même la sauvagerie du monde comme l’œuf de la mouette sur la pierre de la grotte, le poisson dans l’épaisseur de la mer. » Au crépuscule, on peut y voir « un soleil rose-œillet-des-dunes glissant comme un carrelet dans le sable du ciel. » On le retrouve le long des côtes vers Sizun, ses plages ceintes de piques rocheuses rappellent son roman Tempête sur Douarnenez. Dans un autre roman, le plus célèbre, Le recteur de l’île de Sein, il décrit l’île comme « longue et pleine de présences humaines, s’étirant sur la mer… comme une oasis ».


Henri Thomas                             Henri Queffélec                 Georges Perros

Plus au sud dans le Morbihan, on atteint Carnac et son paysage typique de criques, de pointes rocheuses, de genêts…  veillés par une horde de menhirs dressés dans la lande. Eugène Guillevic y a puisé son inspiration : « Oui, je t’ai vu sauvage, hors de ta possession / Devant endosser les assauts du vent. »  

         te de Belle-Île   


Encore plus au sud, on rejoint Belle-Île la bien nommée, son plateau venteux et ses insondables falaises découpées puis Houat,  l’île que chanta Henri Thomas (1912-1993), poète-romancier bien oublié [2] qui aimait « sa terre déchiquetée… la plénitude qui vient de l’union de la mer et des fragments de terre émergée, respirant ensemble aux marées ».

   Île d’Houat


En complément : madame de Sévigné aux Rochers
 
Du côté de Vitré se dresse Les Rochers, un curieux château du XIVème siècle largement remanié ensuite, celui de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné. Un ensemble plein de charme mais déséquilibré, fait de bâtiments imbriqués les uns dans les autres, de tourelles en pointe dominées par une tour massive, d'autres bâtiments aux ailes, assez dissemblables. 


Mais la marquise aimait surtout ses extérieurs, le parc qu'elle a fait réaliser sur des plans de Le Nôtre, parsemé de nombreuses allées propices aux promenades. Dans une lettre à sa fille madame de Grignan, elle en vante les qualités : « Il me plaît de m'y promener le soir jusqu'à huit heures; mon fils n'y est plus. Cela fait un silence, une tranquillité, une solitude que je ne crois pas qu'il soit aisé de rencontrer ailleurs. »Elle adore admirer « les petits arbres qui sont d'une beauté surprenante... Rien n'est si beau que ces allées que vous avez vues naître. » Elle s'enthousiasme lors de l'éclosion du printemps « de petits boutons tout prêts à partir, qui font un vrai rouge; et puis il y pousse à tous une petite feuille  et, comme c'est inégalement, cela fait un mélange trop joli de vert et de rouge. »
 
L'hiver l'inspire moins, elle se cantonne alors au coin du feu, lisant ou devisant, se réfugiant parfois dans sa chambre qu'on appelait "le cabinet vert". Son cousin, le remuant Bussy-Rabutin, confiné en son château bourguignon près de Montbard, lui écrivait des poèmes, comme ces deux vers qui terminent l'un d'eux :
« Et que vous passer aux Rochers
Des moment à tous autres chers. »


          
Le château des Rochers-Sévigné


Notes et références
[1]
Chaque année une scène du festival des Vieilles charrues de Carhaix porte son nom.

[2] Henri Thomas trusta les prix littéraires, successivement prix Sainte-Beuve, prix Médicis (1960), prix Fémina (1961), prix Valéry-Larbaud, grand prix de poésie de l’Académie française (1990), grand prix de littérature de la SGDL et prix Novembre (1992)

Mes fiches référence
* Ma fiche Georges Perros et la Bretagne --
* Ma fiche sur le voyage en Bretagne de Gustave Flaubert et son ami Maxime Du Camp en 1839 : Par les champs et les grèves.

Voir aussi : Bretagne et littérature
*
Châteaubriant, Mémoires d’Outre-tombe : Monument littéraire où il évoque largement son enfance bretonne

* Irène Frain, La maison de la source : la romancière bretonne nous plonge dans son enfance, un père maçon, une mère couturière qui veulent pour leurs enfants une vie meilleure.
* Pierre-Jakez Hélias, Le cheval d’orgueil : Le pays bigouden au début du 20ème siècle.
* Pascal Quignard, Les solidarités mystérieuses : une jeune femme décide de revenir vivre sur les terres de sa jeunesse.
* Éric le Nabour, La louve de Lorient : Le milieu des armateurs dans l’entre-deux-guerres.
* Bernard Simiot : Ces messieurs de Saint-Malo : le premier tome de la fameuse trilogie des Carbec qui débute sous Louis XIV.
* Louis Guilloux, Le pain des rêves : Beau récit d’une famille pauvre les Nédelec dans une petite ville bretonne, juste avant la Grande guerre.
* Jean-Marie Déguignet, Mémoire d’un paysan bas-breton dans la seconde partie du 19ème siècle, autobiographie d’un non-conformiste.

<<< Christian Broussas – Bretagne 24/01/2017 < • © cjb © • >>>