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Christine de Pizan |
Je te donne mon cœur en échange du tien.
- Grand merci, belle, aimons-nous bien.
- Cela vous plaira-t-il sans que vous soyez rassasié ?
- Quoi ? Maîtresse, la lumière de mon bien.
- D’avoir un baiser sans aller plus loin.
- Votre pleine volonté me suffit.
- Ami, soyez fidèle.
- Je vous l’ai promis.
[II] Grégoire de Tours : La conversion de Clovis – Noël 498
En l’an 494, la reine Clotilde donna à Clovis un premier fils dont elle voulut qu’il reçût le baptême, adressant pour ce faire moult conseils au roi, disant : « Les dieux que vous adorez ne sont rien, puisqu’ils ne peuvent se secourir eux-mêmes ni secourir les autres ; car ils sont de pierre, de bois ou de quelque métal. Les noms que vous leur avez donnés sont des noms d’hommes et non de dieux, comme Saturne qui, dit-on, pour ne pas être chassé du trône par son fils, prit la fuite ; comme Jupiter lui-même, honteusement souillé de tous les vices, qui a déshonoré tant de maris, outragé les femmes de sa propre famille, et qui n’a pu s’abstenir de concubinage avec sa propre sœur. »
Mais le roi resta sourd à ses arguments.
Cependant la reine présenta son fils au baptême : elle fit décorer l’église de voiles et de tapisseries, pour que cette pompe attirât vers la foi catholique le roi que ses discours n’avaient pu toucher. Mais l’enfant mourut peu après.
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Baptême de Clovis |
Survint alors une guerre contre les Alamans. [Tolbiac, 496] Malgré les prières de la reine Clotilde, l’armée des Francs connut d’abord un cuisant échec et Clovis, dans un élan instinctif, en larmes, s’écria : « Jésus-Christ… accordes la victoire à ceux qui espèrent en toi, j’invoque avec dévotion la gloire de ton secours : si tu m’accordes la victoire sur mes ennemis et que je fasse l’épreuve de cette puissance dont le peuple dit avoir relu tant de preuves, je croirai en toi, et me ferai baptiser en ton nom ; car j’ai invoqué mes dieux, et, comme je l’éprouve, ils se sont éloignés de mon secours. »
Et le miracle se produisit : les Alamans furent mis illico en déroute, leur roi Gibuld occis et, sur leur supplication, il arrêta le massacre, contant ensuite à sa reine comment il avait obtenu la victoire en invoquant le nom du Christ.
[III] Éginhard, La fin des Mérovingiens (751)
Éginhard (770-840) vit avec Alcuin dans l’entourage de Charlemagne puis de son fils Louis le pieux, chargé de missions diplomatiques par Charlemagne et précepteur de son fils Lothaire. Écrit une bio de Charlemagne et des annales sur la période 741-801.
* Annales d'Éginhard (vers 802) :
« [...] Dans
cette année, d’après la sanction du pontife romain, Pépin fut appelé
roi des Francs, oint pour cette haute dignité de l’onction sacrée par la
sainte main de Boniface, archevêque et martyr d’heureuse mémoire, et élevé sur le trône, selon la coutume des Francs, dans la ville de Soissons. Quant à Childéric qui se parait du faux nom de roi, Pépin le fit raser et mettre dans un monastère [...]. »
« La famille des Mérovingiens,
dans laquelle les Francs avaient coutume de se choisir des rois, passe
pour avoir duré jusqu’à Childéric, déposé, rasé et confiné dans un
monastère par l’ordre du pontife romain Étienne. [...] Lors de la déposition de Childéric, Pépin, père du roi Charles, remplissait, pour ainsi dire, par droit héréditaire, les fonctions de préfet du palais [...]. »
[IV] Marie de France (1160-1210), Lai du chèvrefeuille (à propos de Tristan et Iseut) :
Tel le chèvrefeuille enlacé
Avec le tendre coudrier :
Tant qu'il est étroitement pris
Autour du fût où il se lie,
Ensemble peuvent-ils durer,
Mais qu'on vienne à les séparer,
Le coudrier mourra bientôt
Et le chèvrefeuille aussitôt.
— Or, belle amie, ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous. »
Le lai lyrique (Guillaume de Machaud, Eustache Deschamps et Jean Froissart) :
Deux parties de huit vers, huitain divisé en deux pour constituer un quart de la strophe. Chacun d’eux est à rimes embrassées écrit en octosyllades.
[V] La complainte de Rutebeuf (Pauvre Rutebeuf – Léo Ferré)
Rutebeuf (1245-1285), sans doute originaire de Troyes, vécut à Paris. S’opposant à la poésie courtoise, il a surtout écrit des poèmes satiriques comme ses "poèmes de l’infortune".
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est avenu
Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné le Roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
L'espérance de lendemain
Ce sont mes fêtes
Les ribauds de grève
Ribauds, vous voilà bien en point !
Les arbres dépouillent leurs branches
et d'habit vous n'en avez point,
aussi aurez-vous froid aux hanches.
Qu'il vous faudrait maintenant pourpoints,
surcots fourrés avec des manches !
L'été vous gambadez si bien,
l'hiver vous traînez tant la jambe !
Cirer vos souliers ? Pas besoin :
vos talons vous servent de planches.
Les mouches noires vous ont piqués,
À présent, c'est le tour des blanches.
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