mercredi 13 juillet 2022

L’École lyonnaise de poésie

 Lyon fut à la Renaisance un foyer intellectuel particulièrement important et l'un des plus animés de son époque. Ce qu'on a appelé L'École de Lyon est composée surtout de poètes mais aussi d'humanistes et de lettrés qui vont contribuer à imposer une langue française qui est encore en formation. À côté de la poésie, vont se développer d'autres formes littéraires comme des contes et récits galants ou populaires.


   Portraits de Louise Labé           de Maurice Scève            de Pernette du Guillet

Ce courant est initié au début du XVI ème siècle par quelques érudits lyonnais qui formèrent le groupe appelé l'Académie de Fourvière, avec à sa tête Symphorien Champier et François Sala. Ils se réfèrent au Platonisme, la mystique de l'amour, symbole de connaissance et de sagesse, et à Pétrarque, ses sonnets à la poésie autant précieuse que passionnée.

         
Clémence de Bourges

L'École lyonnaise va culminer dans son rayonnement autour de Maurice Scève . Sa particularité est de compter dans ses rangs des poétesses qui se regroupent autour de Louise Labé, surnommée "La belle cordière" [1], et de Pernette du Guillet. On y trouve également  d'autres poétesses comme Clémence de Bourges, Jeanne Gaillard, Marguerite du Bourg, Sibylle Scève et Claudine Scève, ainsi que Antoine Héroët, Guillaume Des Autels ou Pontus de Tyard.

         
Maurice Scève, Délie et Le Psalmiste

Leur originalité est d'ignorer puissants et mécènes et d'exprimer d'abord leurs propres sentiments. Il n'est qu'à se souvenir des vers de Louise Labé, le début de son sonnet VIII publié en 1555 :

Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

délie, objet de plus haute vertu

Maurice Scève est sans conteste le chef de file de cette École lyonnaise. Très tôt, il fréquente des gens comme Clément Marot [2] ou Étienne Dolet. Son érudition, son aura dans le domaine artistique en feront un homme respecté qui par exemple, sera l'organisateur de l'entrée du roi Henri II à Lyon en septembre 1548. Comme poète, il est surtout connu pour avoir écrit Délie, objet de plus haute vertu, œuvre dédiée à une femme à laquelle il voue un amour impossible.

                    
Rymes, Permette du Guillet                        Scève Entrée d'Henri  IV à Lyon     

Il s'agit probablement de Pernette du Guillet, pour qui « l’injuste Amour, qui raison ne demande, » dont Les Rymes [3] représentent un véritable dialogue poétique avec Maurice Scève. Leur différence d'âge empêche cet amour de s'exprimer autrement et la jeune femme va mourir à l'âge de 25 ans, emportée par une épidémie de peste en 1545.


                             Maurice Scève et Pernette du Guillet

L'inspiration de Maurice Scève est très diversifiée, influencée autant par les deux grands auteurs qu'il vénère, Platon et surtout Pétrarque -qui lui a adressé une épître en 1645- que du courant italien du "doux style neuf" (ou dolce stil novo en italien) [4] et bien sûr de Dante, eux-mêmes héritiers des troubadours et de leurs vers précieux.

Maurice Scève, Sur le Rhône

Tu cours superbe, ô Rhône, florissant                 Plus tôt seront Rhône et Saône disjoints
En sablon d'or et argentines eaux.                         Que d'avec toi mon cœur se désassemble :
Maint fleuve gros te rend plus ravissant,          Plus tôt seront l'un, et l'autre Mont joints,
Ceint de cités, et bordé de châteaux...                Qu'avecques nous aucun discord s'assemble...

Délie, son œuvre maîtresse, est un long recueil de 449 dizains en décasyllabes, précédés d'un huitain et séparés par des « emblèmes ». Chacun d'eux comprend une gravure, un motto (devise qu'illustre la gravure) et un cadre géométrique. [5]

Les élégies de Louise Labé sont sans doute plus accessibles, comme dans cet extrait d'un autre sonnet datant de 1555 :

Tant que mes yeux pourront ton coeur ravir
A l'heur passé avec toi regretter,
Et qu'aux sanglots et soupirs résister
Pourra mon âme à la tienne s'unir...[6]

              
Deux statues de Louise Labé à Lyon [7]

Notes et références

[1] Orthographié parfois Louise Labbé
[2] Maurice Scève a remporté en 1535 le concours des Blasons lancé par Clément Marot, avec son poème intitulé « blason du sourcil ».
[3] 
Rymes de gentile, et vertueuse dame D. Pernette Du Guillet Lyonnoise, Lyon, 1545, épitaphe Maurice Scève, éditions Jean de Tournes--
"Les Rymes" de Pernette Du Guillet, édition de Élise Rajchenbach, Droz, 2006
[4] Dante écrit dans le chant XXIV de son Purgatoire : « Ô frère, je vois à présent... » le nœud qui retient le Notaire, et Guittone, et moi en deçà du doux style neuf que j’entends ! »
[5] La forme en est assez complexe :Chaque emblème donne son thème au dizain suivant, le premier emblème apparaissant après le cinquième dizain. Un emblème est inséré tous les neuf dizains.
[6] Autre traduction possible :
« Tant que mes yeux pourront larmes épandre, / A l’heur passé avec toi regretter ; / Et qu’aux sanglots et soupirs résister / Pourra ma voix, et un peu faire entendre... »
[7] Louise Michel est beaucoup représentée à Lyon : sur la fresque des Lyonnais célèbres de la Martinière, parmi les têtes sculptées des immeubles de la Presqu’île, aux 22 rue Constantine, 11 rue d’Algérie, l’immeuble angle rue Chavanne-place d’Albon, statue de Marcel Renard devant le lycée qui porte son nom, bd Yves Farge dans le 7ème.

        
Symphorien Champier                  Louise Labé, médaillon à son effigie [7]

Voir aussi
Document utilisé pour la rédaction de l’article  Sur les pas des écrivains : Maurice Scève à Lyon - Louise Labbé à Lyon -
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